Bien souvent, la dermatite atopique et le psoriasis affectent les personnes concernées sur le plan physique, mais aussi psychique [1, 2]. Lors du Swiss Derma Day de cette année à Lucerne ainsi que de l’Allergology & Immunology Update de la SSAI en format virtuel, trois experts de l’Hôpital de l’Île à Berne ont présenté un aperçu des traitements actuels en abordant plus en détail l’efficacité et la sécurité de différents inhibiteurs de JAK et des médicaments biologiques.
Enraison des physiopathologies complexes et multiples du psoriasis (PSO) et de la dermatite atopique (DA), les possibilités de traitement de ces dermatoses inflammatoires se sont limitées pendant longtemps aux stéroïdes topiques ou systémiques, aux inhibiteurs de calcineurine ou aux immunosuppresseurs [3-5]. Au cours des dernières années, la recherche moderne et une meilleure compréhension des maladies ont cependant permis d’élargir considérablement le spectre thérapeutique de ces deux affections. Il est désormais possible d’avoir recours à différents biomédicaments en cas de PSO modéré à sévère [6] – le Prof. Nikhil Yawalkar de l’Hôpital de l’Île à Berne a même évoqué un «âge d’or» du traitement contre le psoriasis lors du Swiss Derma Day, qui s’est déroulé du 12 au 13 janvier 2022 [7]. Pour le traitement des patients atteints de DA modérée à sévère, il existe désormais le biomédicament dupilumab (Dupixent®) ainsi que les deux inhibiteurs de Janus kinases (JAKi) upadacitinib (Rinvoq®) et baricitinib (Olumiant®) [8-10]. Ce sont ces derniers que le Prof. Christoph Schlapbach a présentés lors du Swiss Derma Day [4]. Lors de l’Allergology & Immunology Update de la SSAI, qui s’est déroulé en ligne du 28 au 29 janvier derniers, la Prof. Dagmar Simon a évoqué aussi bien les JAKi que les approches de traitement biologique dans la DA [11].
Des patients atteints de PSO avec guérison complète de la peau grâce au risankizumab [12]
Le PSO est une maladie hétérogène qui limite fortement la qualité de vie et qui est associée à des comorbidités telles que la dépression, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou encore les maladies cardiovasculaires [6, 13, 14]. Depuis 2000, différents antagonistes de cytokines ont été autorisés pour améliorer le traitement du psoriasis, parmi lesquels des inhibiteurs du TNF, de l’IL-12/IL-23, de l’IL-17 et de l’IL-23 [15-22]. D’après le Prof. Yawalkar, les antagonistes des IL-23 et IL-17 en particulier, pour lesquels il existe de nombreuses données à court terme, présentent une forte efficacité. Ainsi, l’inhibiteur sélectif de l’IL-23 risankizumab (Skyrizi®) serait un médicament extrêmement efficace [7]. Dans les études de phase III randomisées, en double aveugle et contrôlées UltIMMa-1 et 2, env. 75% des patients atteints de PSO modéré à sévère ont obtenu une amélioration d’au moins 90% du Psoriasis Area and Severity Index (Indice d’étendue et de sévérité du psoriasis, PASI 90) à la semaine 16, après deux doses de 150 mg de risankizumab à la semaine 0 et à la semaine 4. 36% (UltIMMa-1) et 51% (UltIMMa-2) des patients du bras risankizumab ont atteint une réponse PASI 100, c’est-à-dire une guérison complète de la peau [12].
Effet à long terme du risankizumab dans l’étude LIMMitless [23]
En revanche, le Prof. Yawalkar a fait remarquer le manque de données à long terme sur l’efficacité des biomédicaments et a souligné la bonne réponse sous risankizumab, stable pendant 4,5 ans dans l’étude d’extension ouverte de phase II/III LIMMitless [7, 23]. Dans le cadre de cette étude, 897 patients atteints d’un PSO modéré à sévère ont poursuivi le traitement de 150 mg de risankizumab tous les trois mois à l’issue de l’une des études initiales (UltIMMa-1, UltIMMa-2, IMMvent, SustaIMM ou NCT03255382). Après 232 semaines, 84% des patients sous risankizumab ont présenté une réponse PASI 90 et 52% une réponse PASI 100 (figure 1) [23]. Comme l’a souligné le Prof. Yawalkar, le profil de sécurité du traitement est également favorable, ce qui se traduit par une bonne «drug survival» [7, 15]. Ce dernier point est essentiel puisqu’en l’absence de changement dans l’évolution de la maladie («deep remission»), les biomédicaments sont administrés à vie [7, 24].
Figure 1: Efficacité du risankizumab durant 232 semaines sur le psoriasis en plaques modéré à sévère dans l’étude d’extension ouverte LIMMitless (mNRI = modified nonresponder imputation, imputation des non-répondeurs modifiée). aCompte tenu des différentes durées des études initiales, certains patients sont passés à l’étude LIMMitless après moins de 52 semaines. PASI 90: amélioration du Psoriasis Area Severity Index (indice de surface et de sévérité du psoriasis) de 90%. Adapté de [23].
Les JAKi en cas de DA: upadacitinib [9]
Lors du Swiss Derma Day 2022, le Prof. Schlapbach s’est penché sur les JAKi comme option thérapeutique dans le cadre des dermatoses inflammatoires. Dès le début de sa présentation, il a mis en avant le fait que les cytokines jouaient un rôle essentiel dans toutes les maladies inflammatoires, avant d’expliquer la fonction des molécules JAK dans les cascades de signalisation des cytokines [4]. Au vu de la complexité de la biologie, il est clair que la molécule JAK1 joue un rôle très important dans la DA [25, 26].
Le Prof. Schlapbach a notamment évoqué l’inhibiteur sélectif de JAK1 upadacitinib comme l’une des options thérapeutiques orales actuellement autorisées en cas de DA modérée à sévère [4, 9]. Dans l’étude de phase III randomisée, en double aveugle et contrôlée contre placebo AD Up, 40% des patients atteints de DA modérée à sévère ont obtenu, après 16 semaines de traitement par upadacitinib 15 mg une fois par jour en combinaison avec des corticostéroïdes topiques (CST), un score validated Investigator Global Assessment (vIGA, évaluation globale validée par l’investigateur) de 0 ou de 1, contre 11% des patients sous placebo + CST (p<0,0001) [27].
Efficacité de l’upadacitinib en monothérapie sur un an [28].
Lors du 24e Allergology & Immunology Update de la SSAI qui s’est déroulé ultérieurement, en janvier 2022, la Prof. Simon s’est aussi penchée sur l’upadacitinib en cas de DA. Elle a notamment évoqué les résultats des études de phase III randomisées et contrôlées contre placebo MEASURE Up 1 et 2, incluant 1683 patients et dans lesquelles l’upadacitinib a été utilisé en monothérapie en cas de DA modérée à sévère. La Prof. Simon a souligné qu’après 16 semaines, plus de 40% des patients traités par upadacitinib 15 mg une fois par jour avaient obtenu une réponse EASI 90 et présentaient une nette amélioration au niveau des démangeaisons. Dans les groupes placebo, seul un patient sur dix y est parvenu [11, 29]. Une analyse intégrée des deux études a montré qu’après 52 semaines, plus de 62% des patients sous upadacitinib ont présenté une réponse EASI 90 et 65% une nette amélioration des démangeaisons (figure 2) [28]. En outre, le traitement par upadacitinib a apporté une réponse rapide puisqu’après seulement 2 jours, une amélioration des démangeaisons a été constatée [29].
Figure 2: Efficacité de l’upadacitinib (15 mg) sur 52 semaines en cas de DA modérée à sévère dans les deux études de phase III en cours et randomisées MEASURE Up-1 et MEASURE Up-2. Au cours de la première phase en double aveugle de 16 semaines, les patients recevaient une fois par jour soit l’upadacitinib soit le placebo; ensuite tous les patients ont été traités par upadacitinib.Données intégrées de MEASURE Up-1 et -2, population en intention de traiter, analyse de cas observés. EASI 90: amélioration de l’Eczema Area Severity Index (indice de surface et de sévérité de l’eczéma) de ≥ 90%. WP-NRS: Worst Pruritus Numerical Rating Scale (échelle d’évaluation numérique des pires démangeaisons). Adapté de [28].
Profil de sécurité stable de l’upadacitinib [28, 30]
Tant la combinaison d’upadacitinib et CST que l’upadacitinib en monothérapie ont été bien tolérés sur 52 semaines et aucun nouveau signal de sécurité n’a été constaté par rapport au profil de sécurité connu de l’upadacitinib [28, 30]. Les effets indésirables les plus fréquemment observés de l’upadacitinib dans le cadre de la DA étaient les infections des voies respiratoires supérieures, l’acné, l’herpès simplex, l’augmentation de la créatine phosphokinase (CPK) et les céphalées [9]. D’après le Prof. Schlapbach, il est encore trop tôt pour se prononcer sur les malignités. Pour tous les JAKi, il préconise cependant des contrôles de laboratoire en cas de facteurs de risque cardiovasculaires ou de thromboembolies [4].
Conclusion
Les approches thérapeutiques modernes en cas de PSO et de DA présentées par les experts de l’Hôpital de l’Île de Berne présentent une bonne efficacité. Comme l’a formulé la Prof. Simon lors de l’Allergology & Immunology Update, elles représentent «un soulagement pour les patients d’avoir plus que les CST, les inhibiteurs de calcineurine et la cyclosporine à leur disposition». En cas de PSO modéré à sévère, l’inhibiteur d’IL-23 risankizumab se distingue par son efficacité stable à long terme [23] tandis que le JAKi upadacitinib a permis d’atteindre, aussi bien en monothérapie qu’en combinaison avec les CST, une amélioration rapide et durable de la texture de la peau et des démangeaisons [28, 30]. Le risankizumab et l’upadacitinib présentent par ailleurs un profil de sécurité favorable et connu [23, 28], de sorte que les patients atteints de formes modérées à sévères de PSO ou de DA peuvent espérer un bénéfice à long terme de l’option thérapeutique correspondante [9, 15].
Références
Les professionnels de santé peuvent demander les références à medinfo.ch@abbvie.com.
Texte: Katja Becker
Ce texte a été rédigé avec le soutien financier d’AbbVie AG, Alte Steinhauserstrasse 14, 6330 Cham.
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CH-RNQ_AD-220021_04/2022
Article en ligne depuis le 13.04.2022