Une grande partie des médecins interrogés en Suisse en 2019 estiment que les soins de santé locaux sont bons ou très bons. C’est ce que montrent les résultats de l’enquête annuelle sur la politique de santé du Commonwealth Fund (CWF). On y voit notamment se dessiner une tendance à l’augmentation des offres de e-santé.
L’étude de 2019 s’est concentrée sur la situation des médecins en soins primaires et comprend également un chapitre sur l’utilisation des outils de cybersanté. Les résultats de l'”International Health Policy Survey” résumés dans cet article sont consignés dans des rapports de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et de l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN) [1,2]. Outre la Suisse, les pays suivants ont participé à l’enquête : Allemagne, Australie, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas et Suède. Le recrutement des médecins interrogés en Suisse (n=1095) a été effectué à partir d’un échantillon aléatoire basé sur les données des membres de l’association professionnelle (FMH). Pour être représentatif, l’ensemble des données de l’étude a été pondéré en fonction de critères sociodémographiques, sans standardisation en fonction du sexe ou de l’âge. Dans l’échantillon suisse, on remarque que plus de la moitié (50,4%) des médecins ont plus de 55 ans, ce qui correspond à la troisième proportion la plus élevée en comparaison internationale après la France (59,9%) et l’Allemagne (52,5%). Le rapport de l’OBSAN conclut à cet égard qu’une pénurie imminente de médecins de premier recours se profile dans ces pays [2].
Un potentiel d’amélioration malgré des taux de satisfaction élevés et stables
92,7% des personnes interrogées estiment que la performance globale du système de santé est bonne ou très bonne – ce qui place la Suisse en tête des comparaisons internationales, devant la Norvège (87,1%) et l’Australie (78,9%). Près des deux tiers des médecins suisses (65,2%) estiment que la qualité des soins médicaux est restée globalement inchangée au cours des trois dernières années. La majorité voit un potentiel d’amélioration surtout dans les domaines suivants : Coordination des soins de santé primaires avec les hôpitaux et les institutions psychiatriques, réduction du prix des médicaments, investissement dans des mesures de prévention. En ce qui concerne la satisfaction générale à l’égard de sa propre activité médicale, la Suisse occupe également la première place en comparaison internationale. En ce qui concerne le niveau de stress perçu, une tendance se dessine – la proportion de médecins stressés ou très stressés a augmenté au cours des dernières années. Cela vaut non seulement pour la Suisse, où plus d’un tiers (37,1%) des personnes interrogées en 2019 appartiennent à ce groupe, mais aussi pour de nombreux autres pays, bien que l’augmentation au cours des dernières années soit relativement faible en comparaison internationale (6,1 points de pourcentage depuis l’enquête 2015).
Offres de e-santé dans le système de santé Par eHealth, on entend l’utilisation intégrée de différentes technologies de l’information et de la communication (TIC) pour la conception, le soutien et la mise en réseau de tous les acteurs (hôpitaux, médecins, assurances, etc.) et processus du système de santé [3]. L’objectif est de rendre plus efficace la coordination des différents acteurs et de permettre un accès en temps réel et indépendamment du lieu aux données de santé relatives aux patients. C’est dans ce but qu’a été lancée la “Stratégie Cybersanté Suisse 2.0”, qui vise à renforcer la promotion de la numérisation dans le secteur de la santé d’ici 2022 [4]. Outre l’introduction du dossier électronique du patient (DEP), l’échange électronique d’informations entre les acteurs du secteur de la santé doit être établi. |
Le temps consacré aux tâches administratives liées aux assurances ou à la facturation est considéré comme un problème majeur par 60,7% des médecins interrogés en Suisse. Cela correspond à la deuxième place derrière la Suède (80,4%) et à une augmentation de 10,4 points de pourcentage depuis 2015. En Norvège, seuls 11,1% considèrent ces tâches administratives comme un problème majeur. Le temps nécessaire à la compilation des données cliniques ou des documents relatifs à la qualité des soins pour les autorités publiques ou d’autres organisations (par exemple, les caisses d’assurance maladie) est un problème majeur pour 42,0% des participants à l’étude en Suisse. En comparaison internationale, cela correspond à la deuxième place juste derrière l’Allemagne (43,7%) et à une augmentation de 8,6% par rapport à l’étude 2015. Une réduction significative sur la même période a été enregistrée en France (42,8% contre 18,3%) et aux Pays-Bas (50,5% contre 37,0%).
Traitement des maladies chroniques
En ce qui concerne l’accès général aux services de santé, la situation semble s’être améliorée en ce qui concerne les délais d’attente pour un traitement chez un spécialiste en Suisse. En 2019, 62,8% des personnes interrogées ont déclaré que leurs patients attendaient rarement ou jamais longtemps pour un tel traitement, soit une évolution de 10,5% par rapport à 2015. Sur la même période, la proportion de personnes qui doivent souvent ou parfois longtemps attendre un traitement après un diagnostic a diminué de 4,3%. En ce qui concerne les obstacles financiers aux soins de santé (y compris les médicaments), 64,6% des répondants affirment que leurs patients rencontrent souvent ou parfois des difficultés à cet égard. En ce qui concerne les maladies chroniques, une enquête a été menée en 2019 sur la fréquence des différents types de traitement : Les plans de traitement sont utilisés fréquemment ou le plus souvent par plus de la moitié (59,6%) des médecins en Suisse. En revanche, le monitoring des patients pendant les intervalles de consultation est rarement pratiqué. Les systèmes de suivi en ligne (par ex. Internet) sont particulièrement rarement (19,7%) ou jamais (76,2%) utilisés. La majorité des médecins de premier recours en Suisse sont bien préparés à faire face aux maladies chroniques et aux problèmes de santé mentale, tandis que les patients nécessitant des soins palliatifs et ceux atteints de démence posent davantage de défis aux personnes interrogées. En particulier, les problèmes de dépendance à des substances (par exemple les drogues ou l’alcool) sont perçus par de nombreux médecins comme un défi. Le pourcentage de personnes qui s’estiment bien préparées pour les patients ayant un problème de consommation de substances est généralement faible au niveau international. Avec 24,4%, la Suisse se place en troisième position derrière l’Allemagne (28,3%) et la Norvège (44,3%). En ce qui concerne les problèmes de démence, 46,6% des médecins se considèrent bien préparés.
L’utilisation d’outils de cybersanté peut être développée
De plus en plus de médecins de premier recours en Suisse documentent les dossiers médicaux de leurs patients par voie électronique. En comparaison internationale, la Suisse reste néanmoins en dernière position. Il en va de même pour ce qui est de l’offre de cybersanté aux patients ou de l’utilisation de la cybersanté dans le cadre de la collaboration entre médecins,
La Suisse présente un fort potentiel de rattrapage et d’amélioration en comparaison internationale, conclut le rapport de l’OCDE.
OBSAN [2].
Soutien des travaux pratiques : Près des deux tiers (65,6%) des médecins interrogés en Suisse utilisent un outil de cybersanté pour suivre tous les tests de laboratoire commandés. En revanche, seuls 17,6% utilisent un outil de e-santé pour envoyer des rappels, ce qui les place à l’avant-dernier rang international, devant la France (9,7%). Environ un tiers (33,4%) des médecins suisses utilisent un service de rappel pour communiquer les résultats des tests aux patients, tandis qu’une proportion de 16,4% reçoit un rappel pour les interventions basées sur des lignes directrices et les examens de dépistage.
Soutien à la coordination avec les prestataires de soins externes au cabinet médical : 46,5% des personnes interrogées peuvent échanger les pathologies de leurs patients avec des collègues spécialistes externes au cabinet médical. Le transfert de données de laboratoire ou d’autres tests de diagnostic est utilisé par 51,6% des personnes interrogées, tandis que 44,1% peuvent transmettre électroniquement des listes de médicaments spécifiques au patient. Selon le rapport OBSAN [2], la Suisse présente un potentiel de rattrapage dans ce domaine en comparaison internationale. Elle s’est ainsi classée deux fois à la troisième avant-dernière place et une fois à la quatrième avant-dernière. En Europe, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède sont particulièrement avancés en matière d’échange électronique de données sur les patients.
Assistance aux patients : En ce qui concerne la possibilité de communiquer avec son cabinet médical par e-mail ou via un site web sécurisé pour une question médicale, la Suisse (79,9%) occupe la deuxième place au niveau international derrière la Suède (91,1%). Dans l’ensemble, il s’agit d’une offre qui est bien répandue dans la plupart des pays interrogés [2]. La prise de rendez-vous en ligne (sans e-mail) est possible chez 10,2% des médecins en Suisse, ce qui correspond au dernier rang en comparaison internationale. La demande de renouvellement d’ordonnance est proposée par 11,8% des cabinets médicaux en Suisse, et la consultation d’un dossier médical en ligne par 7,5% d’entre eux. La disponibilité d’un résumé en ligne des consultations médicales varie considérablement : Alors que la proportion n’est que de 2,8% en Suisse, cette option est relativement répandue, notamment en Suède (87,5%), aux Etats-Unis (66,7%) et au Royaume-Uni (46,2%).
Littérature :
- OFSP : Enquête internationale de santé publique 2019, www.bag.admin.ch/bag/de/home//publikationen/forschungsberichte/forschungsberichte-international-health-policy-survey-ihp-des-commonwealth-fund-laendervergleiche/ihp-befragungen-aerztinnen-und-aerzte-in-der-grundversorgung.html
- Pahud O : Médecins en soins primaires – Situation en Suisse et en comparaison internationale. Analyse de l’International Health Policy (IHP) Survey 2019 réalisée par la fondation américaine Commonwealth Fund pour le compte de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Observatoire suisse de la santé (OBSAN) 2019, rapport 15.
- ehealth Suisse : Étude du Commonwealth Fund 2019 : résultats pour les instruments de cybersanté, www.e-health-suisse.ch/fileadmin/user_upload/Dokumente/D/factsheet-commonwealth-studie-ehealth-schweiz.pdf
- ehealth Suisse : Stratégie eHealth Suisse, www.e-health-suisse.ch/politik-recht/strategische-grundlagen/strategie-ehealth-schweiz.html
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(1) : 39-40