Un soutien psychologique précoce aide les patients atteints de cancer et leurs proches à faire face à la maladie et à surmonter leurs éventuelles angoisses. Chez les patients oncologiques, le médecin généraliste joue un rôle important en tant que passerelle entre le patient et l’équipe de spécialistes. Cependant, les soins de médecine générale sont souvent compliqués par des interruptions temporelles dans la continuité. Lors de l’entretien médical, il est important de comprendre et de respecter les éventuelles formes de défense du patient face à sa maladie. Chez environ un tiers des personnes concernées, des troubles psychiques proprement dits apparaissent au cours de l’évolution, dont certains peuvent être suivis et traités dans le cadre d’une consultation de médecine générale. Le thermomètre de détresse permet d’évaluer le stress psychologique : Le stress est évalué par le patient sur une échelle de 0 à 10.
Le médecin généraliste joue un rôle très important dans le suivi des patients oncologiques : il initie les examens de dépistage du cancer, lance les investigations diagnostiques en cas de suspicion, suit le patient pendant le traitement oncologique et accompagne étroitement le patient pendant la phase terminale.
Cependant, le suivi par un médecin généraliste est souvent rendu difficile par les interruptions temporelles de la continuité. Cet article tente de montrer comment le médecin généraliste joue un rôle important en tant que passerelle entre le patient et l’équipe de spécialistes.
Diagnostic oncologique
Le patient consulte généralement en premier lieu son médecin généraliste dès l’apparition des premiers symptômes incertains et inquiétants, ou des soupçons sont émis à l’occasion d’un examen de routine. A ce stade, on constate déjà un grand désarroi du patient et le médecin généraliste joue un rôle important dans l’accompagnement psychologique de cette phase difficile. De même, l’annonce d’un diagnostic de cancer est souvent faite par le médecin généraliste. Souvent, l’annonce est vécue comme si l’on était “à côté de la plaque”, et la dimension du cancer n’est saisie que progressivement. Les patients se souviennent néanmoins souvent des déclarations du médecin à ce premier moment tout au long de l’évolution de la maladie et les vivent comme très marquantes. Il est donc important que le patient ait la possibilité d’exprimer ses éventuelles craintes et questions. Dans le cas contraire, le risque est grand qu’il s’informe uniquement sur Internet, ce qui conduit souvent à des informations erronées et à des incertitudes.
Thérapie oncologique
Au début de la maladie, le traitement physique est la priorité pour le patient, avec la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. La plupart du temps, elle a lieu dans un centre de lutte contre les tumeurs ou dans une autre institution spécialisée en oncologie. Malheureusement, le médecin généraliste n’est souvent pas informé de l’état de santé du patient pendant un certain temps, parfois des mois. La communication entre les spécialistes et les médecins généralistes est encore inégale. Les patients manquent d’un interlocuteur permanent, en particulier dans les hôpitaux centraux, et se sentent souvent seuls face à de nombreuses questions.
Les proches sont également inquiets et ont des craintes. Pendant cette période, ils consultent leur médecin généraliste plus que d’habitude. Ils ont peur de perdre leur partenaire et se sentent démunis et impuissants face à la souffrance de l’autre. Ils ont besoin d’aide pour savoir comment aider leur partenaire malade sans se retrouver eux-mêmes dans une situation de surmenage. Souvent, il y a aussi une redistribution des rôles au sein de la famille, ce qui entraîne des incertitudes.
Spectre des réactions de stress psychologique
L’assimilation psychologique de la maladie est souvent difficile pour le patient lui-même au début, en raison des thérapies souvent exigeantes et contraignantes, et n’a généralement lieu que plus tard. Environ un tiers des personnes concernées développent de véritables troubles psychologiques au cours de leur vie. Le plus souvent, on constate une dépression (CIM-10 F32). Les patients souffrent d’un sentiment de perte de sens et d’espoir, ont des troubles de l’élan vital et font état d’un manque de joie. Il existe souvent des troubles du sommeil et également des pertes cognitives. Des pensées suicidaires avec intention de passer à l’acte peuvent survenir et sont souvent passées sous silence par le patient, par honte et par peur. Elles doivent donc toujours faire l’objet d’une consultation médicale ciblée. En plus de l’accompagnement par le médecin de famille, un soutien psychologique et éventuellement un traitement antidépresseur médicamenteux peuvent s’avérer utiles. Si le manque de motivation est le symptôme primaire, il est recommandé d’utiliser un ISRS comme l’escitalopram ou même le SNRI venlafaxine. En cas de troubles du sommeil prononcés, la mirtazapine ou la trazodone sont efficaces.
Certains patients développent un véritable trouble anxieux (CIM-10 F41), généralement dans le sens d’une anxiété généralisée avec ce que l’on appelle une anxiété flottante. Ils disent alors qu’ils n’ont plus de sol sous les pieds, souffrent de tournoiements d’esprit et de fréquentes insomnies. Au début, les craintes concernent généralement la suite de la maladie et les conséquences possibles des traitements, puis le retour à la vie quotidienne et professionnelle. Même si le cancer répond bien aux traitements, la crainte d’une récidive est très forte pour la plupart des patients.
Parfois, le cancer ou son traitement sont vécus comme un véritable traumatisme et les patients subissent au cours de l’évolution un état de stress post-traumatique, souvent caractérisé par des flashbacks (p. ex. séjour à l’hôpital ou situation lors de la chimiothérapie) et un hyperéveil. Dans ces cas, une véritable thérapie traumatique peut s’avérer nécessaire.
Le stress psychologique des patients oncologiques peut être évalué à l’aide de questionnaires (par exemple HADS). Cependant, ces derniers sont souvent trop contraignants dans la pratique de la médecine générale. Le thermomètre de détresse (DT) a fait ses preuves et est très pratique pour les consultations. Pour cela, le patient évalue l’effort sur une échelle de 0 (aucun) à 10 (extrême). A partir d’un cut-off de 4-5, une intervention psychologique est recommandée.
Fatigue liée au cancer
Environ un tiers des patients atteints de cancer souffrent de fatigue liée au cancer (CRF, CIM-10 G93.3). Ce syndrome d’épuisement peut survenir aussi bien pendant le traitement qu’immédiatement ou des années après sa fin et se caractérise par un épuisement que le sommeil n’améliore pas suffisamment et qui ne correspond pas au niveau d’activité. Les symptômes tels que le manque de joie ou les troubles du sommeil sont moins fréquents. Cependant, il est souvent difficile de distinguer le manque d’énergie du trouble de stress dépressif de la fatigue. La persistance des symptômes de fatigue peut à son tour entraîner une évolution dépressive. Malheureusement, il n’existe généralement pas de traitement médicamenteux efficace. Il est recommandé de pratiquer une activité physique modérée (en particulier des exercices de musculation aérobie comme la marche) et d’adopter un rythme quotidien régulier avec plusieurs pauses. Bien que cet épuisement soit une cause fréquente de réduction persistante de la qualité de vie et de la capacité de travail, il est souvent trop peu reconnu et n’est pas abordé. Les patients se sentent alors seuls face à leurs symptômes et développent un sentiment d’insuffisance.
L’entretien médical
Selon le principe de la conduite d’entretien selon Rogers, les trois pierres angulaires de l’entretien médical sont l’authenticité (autocongruence), la participation respectueuse (encounter) et la compréhension empathique (empathie). Il est important de comprendre et de respecter les éventuelles formes de défense du patient face à sa maladie. Les plus fréquentes sont le déni, le refoulement, l’intellectualisation, la régression, la dissociation, mais aussi le retournement contre soi-même. Une erreur fréquente des médecins est de croire que ces mécanismes de défense doivent être brisés. Ainsi, certains médecins tentent de contredire le déni du patient sur , pensant ainsi servir la vérité. On oublie souvent que cette défense joue un rôle important dans la stabilisation du patient et qu’un effondrement peut entraîner une forte surcharge et un sentiment d’insécurité chez le patient. Il est donc important, dans l’accompagnement psychologique des patients oncologiques, de s’adapter entièrement à l’état psychologique actuel du patient.
L’objectivation est également une intervention défavorable. La confrontation avec des faits et des arguments objectifs n’est pas d’un grand soutien pour le patient. De même, les solutions proposées à la hâte n’aident guère le patient, dévalorisent ses efforts antérieurs et favorisent en outre la dépendance et le sentiment d’impuissance. Les discussions difficiles surviennent souvent lorsque le patient nourrit un espoir que nous ne partageons pas en tant que médecins ou lorsqu’il y a une réaction agressive et défensive de la part du patient. Là encore, il est important d’adopter une approche prudente, qui respecte le monde intérieur individuel actuel et les sentiments du patient.
Il est souvent très précieux de demander au patient sa théorie subjective de la maladie. De nombreux patients pensent par exemple que le stress professionnel est responsable de leur cancer et s’en veulent à eux-mêmes. Cela peut contribuer à l’apparition d’une pression psychologique ou d’une anxiété.
Phase terminale
Lorsque le cancer progresse et que le patient ne répond plus à aucun traitement en phase palliative, il est souvent laissé aux soins de son médecin généraliste. Mais s’il n’a guère vu le patient auparavant, le médecin généraliste se trouve dans une position difficile à ce stade : il a la tâche exigeante de prendre en charge le patient et ses proches de manière globale dans la phase terminale, sans connaître les antécédents. Il n’est pas rare que le patient n’ait guère eu la possibilité de se préparer à la mort pendant la maladie, car celle-ci est souvent éludée dans les entretiens médicaux avec les oncologues – tant par les soignants que par les patients. Ainsi, il revient au médecin généraliste de clarifier des questions importantes, comme la rédaction de directives anticipées ou la question de savoir si le patient est mieux chez lui, dans une unité de soins palliatifs ou dans un hospice.
De nombreux patients n’ont pas tellement peur de la mort, mais de mourir, ils craignent souvent la douleur ou d’autres souffrances. Là encore, le médecin généraliste joue un rôle important en matière d’information et de soutien psychologique. Parfois, les visites à domicile sont également très précieuses, mais elles sont de moins en moins possibles.
L’importance des organisations d’euthanasie comme Exit et Dignitas a nettement augmenté. Ils répondent au besoin croissant d’autodétermination, y compris en fin de vie. Mais on oublie souvent que l’euthanasie est une situation très difficile à supporter et éprouvante pour les proches, qui se voient privés d’un important processus d’adieu. Là encore, le médecin généraliste joue un rôle de médiation et de soutien qui nécessite beaucoup de temps et d’attention.
Conclusion
Un soutien psychologique précoce aide les personnes concernées et leurs proches à faire face à la maladie et à surmonter leurs éventuelles angoisses. C’est précisément dans cet accompagnement psychologique que le médecin généraliste joue souvent, à tort, un rôle secondaire. Il est important qu’il soit également impliqué, en plus du traitement psycho-oncologique spécialisé. En effet, il peut offrir un encadrement porteur, continu et en réseau et notamment jouer un rôle d’accompagnement dans la réinsertion professionnelle. De même, il accompagne et prend en charge les proches du patient cancéreux.
Littérature complémentaire :
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InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(6) : 22-24