Cette année encore, le Ärzteforum Davos a proposé une multitude de thèmes pertinents pour la pratique des médecins de premier recours. Le programme varié comprenait des exposés sur les maladies courantes ainsi que des ateliers spécifiques et des séminaires interactifs. L’exposé du professeur Frank Lammert traite des causes fréquentes et rares de l’abdomen aigu.
Une situation d’urgence classique d’une grande pertinence clinique a été le sujet de l’exposé du professeur Frank Lammert de l’hôpital universitaire de la Sarre, Hombourg, , car l’abdomen aigu nécessite un diagnostic clinique (et instrumental) immédiat et des décisions rapides. Le professeur Lammert définit “l’abdomen aigu” comme une désignation provisoire de douleurs abdominales soudaines initialement indifférenciables (<24 h) jusqu’à leur clarification définitive. “Cette définition ne couvre cependant qu’une partie des patients en urgence. La situation est plus difficile, en particulier chez les patients âgés, car les symptômes sont souvent peu spécifiques et faibles”, fait-il remarquer. Il faut également distinguer, d’un point de vue interne, l’abdomen aigu de l’abdomen que l’on doit confier directement au chirurgien. Il voit un autre problème dans le fait que trop d’abdomens aigus surviennent parce que les patients n’ont pas été traités à temps ou correctement en amont.
Le principal symptôme de l’abdomen aigu est la douleur, dont le caractère peut être viscéral ou somatique. Viscérale provoque une plainte abdominale non caractéristique, médiatisée par le système nerveux autonome. Lorsque l’inflammation s’étend au péritoine, les nerfs spinaux sont activés, ce qui provoque une douleur somatique plus localisable. La migration de la douleur du milieu de l’abdomen vers la partie inférieure droite de l’abdomen est classique en cas d’appendicite. Des symptômes péritonéaux (défense), des troubles de la motilité (paralysie), des vomissements et des pertes de selles, une détérioration de l’état général et des troubles circulatoires pouvant aller jusqu’au choc sont associés de manière concomitante.
Traitement de la douleur le plus tôt possible
La première mesure importante à prendre est d’administrer un analgésique puissant le plus tôt possible, poursuit le professeur Lemmert : “Ce n’est pas contre-indiqué, comme on le pense parfois. La morphine peut également être bien utilisée, c’est basé sur des preuves” [1]. Les méta-analyses montreraient que la possibilité d’examen reste garantie et que le diagnostic n’est pas plus souvent manqué. La deuxième mesure urgente mentionnée par l’orateur est une antibiothérapie immédiate en cas de suspicion de septicémie, et ce avant toute autre mesure. En cas de sepsis, la mortalité augmente de 8 % par heure, ce qui est également fondé sur des preuves [2].
Répéter l’examen physique plusieurs fois
En ce qui concerne le diagnostic général, il convient de procéder à une anamnèse centrée sur l’abdomen. Il est important de répéter les examens physiques à plusieurs reprises, car l’évolution de la douleur et des autres symptômes dans le temps peut aider à classer correctement l’abdomen aigu. Parallèlement, les examens physiques ne doivent pas être surestimés. Leur valeur informative est limitée et ils ne sont pas toujours couronnés de succès. Il existe un taux d’appendicectomie négatif dans les cliniques (>10%) et la place de l’auscultation des bruits intestinaux s’avère douteuse, puisque la sensibilité n’est que de 22 à 42% [3].
Les examens de laboratoire doivent être limités : Dans un premier temps, il peut suffire d’examiner la BB, la CRP, la lipase, la glycémie, les lactates, complétés par des tests hépatiques et rénaux et la troponine. Si le petit laboratoire est normal, la situation n’est pas grave. Mais il faut savoir que chez les patients âgés, les taux d’inflammation peuvent être tout à fait normaux. Le troisième pilier de la thérapie est l’imagerie, avec l’échographie en première position, suivie du scanner. Le scanner atteint la plus grande sensibilité diagnostique (94%) [4] et doit être utilisé si l’échographie est négative. Il faut toutefois garder à l’esprit que si le scanner est supérieur, il est également coûteux et rayonnant.
Cinq constellations particulièrement risquées
Il est recommandé, car très utile, explique le Pr Lammert, de rappeler consciemment pour le diagnostic cinq constellations de risque particulières, car on n’y pense pas automatiquement : ce sont l’anévrisme perforé de l’aorte abdominale chez le fumeur âgé, la pancréatite aiguë, également plutôt chez l’homme, mais alors avec consommation d’alcool, ou chez la femme avec calculs biliaires, l’ulcère gastrique ou duodénal perforé, l’ischémie mésentérique et l’obstruction intestinale.
Les calculs biliaires sont le diagnostic différentiel le plus fréquent (21%) en cas d’abdomen aigu chez le patient âgé (>50 ans). En deuxième position, on trouve les douleurs non spécifiques (16%), c’est-à-dire qu’il n’y a pas de situation aiguë, et en troisième position, l’appendicite (15%). Ce classement s’applique également aux patients plus jeunes, mais la répartition est différente : 40% de douleurs non spécifiques, 32% d’appendicite et 6% de calculs biliaires [5]. “Cela signifie qu’un patient de moins de 50 ans souffrant d’un abdomen aigu est en fait rarement gravement malade ou, s’il l’est, il s’agit d’une appendicite”, note le professeur Lammert avec un clin d’œil.
Littérature :
- Manterola C, Vial M, Moraga J, Astudillo P : Analgésie chez les patients souffrant de douleurs abdominales aiguës. Cochrane Database Syst Rev. 2011 ; (1) : CD005660
- Whiles BB, Deis AS, Simpson SQ : L’augmentation du délai d’administration initiale des antimicrobiens est associée à la progression vers le choc septique chez les patients atteints de septicémie. Crit Care Med 2017 ; 45(4) : 623-629.
- Felder S, et al : Usefulness of bowel sound auscultation : a prospective evaluation. J Surg Educ 2014 ; 71(5) : 768-73.
- Laméris W, et al : Stratégies d’imagerie pour la détection de conditions urgentes chez les patients souffrant de douleurs abdominales aiguës : étude d’exactitude diagnostique. BMJ 2009 ; 338 : b2431.
- Telfer S, et al : Acute abdominal pain in patients over 50 years of age. Scand J Gastroenterol Suppl. 1988 ; 144 : 47-50.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(4) : 54-55