Quels sont les éléments à prendre en compte pour le diagnostic et le traitement des adénomes hypophysaires ? Dans quelle mesure la distinction entre incidentalomes sécréteurs d’hormones et incidentalomes inducteurs d’hormones est-elle pertinente pour le traitement ? Dans le cadre de la session d’endocrinologie des Medidays de cette année, des informations ont été données sur les aspects importants de l’évaluation des adénomes hypophysaires.
Les incidentalomes sont des lésions découvertes par hasard lors d’examens d’imagerie médicale réalisés à l’occasion d’autres maladies ou de symptômes non spécifiques (maux de tête, par exemple). La prévalence des incidentalomes hypophysaires varie en fonction des données des études (scanner, IRM, autopsie) et se situe dans une fourchette de 4 à 40%, la taille étant majoritairement inférieure à 10 mm, a déclaré le Dr Tschopp. La grande majorité des incidentalomes hypophysaires sont des adénomes, c’est-à-dire des tumeurs bénignes des cellules parenchymateuses du lobe antérieur de l’hypophyse [1]. L’intervenant souligne toutefois que le diagnostic différentiel est très large et que la collaboration entre endocrinologues et neuroradiologues est importante. L’étiologie comprendrait d’autres néoplasies (par ex. craniopharyngeomes, germinomes, métastases ou lymphomes, très rarement carcinomes), des maladies inflammatoires/granulomateuses (neurosarcoïdose, histiocytose, abcès, hypophysite) ainsi que des modifications kystiques (kystes de Rathke, kystes colloïdaux).
Lignes directrices cliniques
Selon les directives cliniques, en plus d’une imagerie ciblée et cellulaire, tous les patients présentant un incidentalome hypophysaire (y compris ceux qui ne présentent aucun symptôme) doivent être évalués de la manière suivante [2] :
- Examen clinique et de laboratoire concernant l’insuffisance hormonale (insuffisance hypophysaire)
- Examen clinique et de laboratoire concernant l’hyperfonctionnement hormonal (hypersécrétion d’hormones)
L’établissement du diagnostic doit être guidé par les trois questions directrices suivantes :
a) Y a-t-il un effet de masse ?
(maux de tête, perte du champ visuel par compression du chiasma optique ou vision double ?)
b) Existe-t-il des preuves d’une insuffisance hypophysaire ?
(Insuffisance du lobe antérieur et/ou diabète insipide ?)
c) S’agit-il d’un adénome sécrétant des hormones ?
(syndrome de Cushing, acromégalie ou hyperprolactinémie ?)
Existe-t-il des preuves d’une insuffisance hypophysaire ?
Les symptômes d’une insuffisance hypophysaire sont souvent non spécifiques (p. ex. épuisement, diminution des performances, etc.) et apparaissent parfois de manière insidieuse sur plusieurs mois ou années (tableau 1). Les adénomes hypophysaires sont la cause la plus fréquente d’insuffisance hypophysaire, et cela vaut surtout pour les macroadénomes [5]. Si une insuffisance hypophysaire est suspectée, les hormones périphériques (cortisol, fT4, testostérone/estradiol, IGF1) doivent être mesurées afin d’élargir le diagnostic. Le dosage exclusif des hormones hypophysaires (ACTH, TSH, LH/FSH, GH) n’est pas fiable, car elles sont souvent dans la norme (“inadéquates-normales”) et suggèrent un axe hormonal intact, selon le Dr Tschopp. En cas de suspicion d’hyper ou d’hypofonctionnement hypophysaire dû à un adénome hypophysaire, les paramètres de référence suivants peuvent être déterminés : *cortisol, GH, *IGF-1, TSH, *fT4, LH/FSH, *testostérone/œstradiol et prolactine [1] (*selon l’orateur, les hormones les plus importantes pour le diagnostic d’une insuffisance).
La prise de sang pour le diagnostic doit impérativement être effectuée tôt le matin, car le cortisol et la testostérone en particulier sont soumis à un rythme circadien important. Si les résultats ne sont pas clairs, d’autres tests peuvent être nécessaires, généralement effectués par un spécialiste en endocrinologie [5]. Il a été spécifiquement indiqué que la mesure du cortisol le matin est un paramètre approprié en cas d’insuffisance surrénale, mais qu’elle n’est pas fiable en cas d’hyperfonctionnement (maladie de Cushing) ; il existe un fort chevauchement des valeurs chez les personnes en bonne santé et les patients. Il convient également de noter qu’un diabète insipide accompagné d’une polyurie/dipsie n’est pas un résultat typique des adénomes hypophysaires. Au contraire, devrait orienter le diagnostic différentiel dans une autre direction (craniopharyngiome, germinome, maladies granulomateuses).
S’agit-il d’un adénome sécrétant des hormones ?
La prolactine et l’IGF-1 sont des paramètres pertinents dans le diagnostic de l’hyperfonctionnement. Si les taux de prolactine sont normaux, un prolactinome peut être exclu. Si les taux d’IGF ne sont pas élevés, il est très probable que l’acromégalie soit exclue.
Maladie de Cushing : D’autres examens sont nécessaires pour diagnostiquer la maladie de Cushing : outre la détermination de la quantité de cortisol dans les urines collectées sur 24 heures, il est possible d’étudier le rythme circadien en mesurant le cortisol dans la salive à minuit ou de vérifier la régulation de l’autoproduction de cortisol (test de suppression de la dexaméthasone, 1 mg overnight). Il ne faut pas oublier que des taux élevés de cortisol et des résultats de tests pathologiques peuvent être trouvés dans le cadre d’autres maladies (p.ex. pseudo-Cushing en cas de dépendance à l’alcool, dépression, hyperglycémie, stress, infection). Il est important de noter que des taux élevés de cortisol basal ne sont pas une preuve de la présence d’un syndrome de Cushing et qu’en cas de taux de cortisol basal normal, un syndrome de Cushing ne peut pas être exclu. Chez les patients chez qui l’on suspecte d’abord cliniquement un syndrome de Cushing, il convient d’effectuer en premier lieu le diagnostic mentionné ci-dessus et de ne rechercher une imagerie hyperphysaire que si l’excès est confirmé.
Acromégalie : L’acromégalie est également une maladie rare. Les caractéristiques cliniques de l’acromégalie comprennent notamment (liste non exhaustive) : modification des traits du visage, augmentation de la taille des mains et des pieds, syndrome d’apnée du sommeil, arthrite, syndrome du canal carpien, hyperhidrose, hypertension et hyperglycémie. En raison de la lenteur de l’évolution de la maladie, l’acromégalie n’est souvent diagnostiquée qu’après une période d’environ dix ans et peut, selon l’orateur, entraîner une réduction significative de l’espérance de vie. Chez les patients présentant des caractéristiques cliniques typiques de l’acromégalie, il est recommandé de déterminer le taux d’IGF-1 à titre de dépistage. Chez les patients présentant un incidentalome, il est également recommandé de mesurer les taux d’IGF-1 afin d’exclure avec certitude une acromégalie chez les patients oligosymptomatiques. En cas de fortes indications d’acromégalie, le diagnostic de suspicion peut être confirmé par un test de suppression de la GH (test de tolérance orale au glucose avec 75 g de glucose).
Prolactinémie : les prolactinomes sont relativement fréquents et représentent environ 30 à 40% de tous les adénomes hypophysaires. Les prolactinomes constituent un cas particulier des adénomes hypophysaires, car les prolactinomes peuvent généralement être très bien traités par des médicaments (agonistes des récepteurs de la dopamine, par ex. cabergoline). Il a été souligné qu’un taux élevé de prolactine dans un incidentalome n’est pas automatiquement en faveur d’un prolactinome ; le diagnostic différentiel doit être posé en pensant à une hyperprolactinémie de désinhibition (compression du pédicule en cas de microadénome). Les médicaments sont une cause importante d’hyperprolactinémie et une anamnèse minutieuse est essentielle à cet égard. Des taux élevés de prolactine sont parfois observés avec les médicaments suivants ; les médicaments antipsychotiques, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les médicaments utilisés pour traiter les nausées et les troubles de la motilité de l’estomac. Une anamnèse médicamenteuse incomplète ou La non-déclaration par le patient conduit souvent à des résultats d’hyperprolactinémie inexpliquée et transitoire. Il est recommandé de procéder à un dosage de base de la prolactine avant de commencer un traitement par des médicaments antipsychotiques, car cette valeur peut contribuer à circonscrire la cause au cours de l’évolution et à éviter des investigations inutiles.
En raison de la complexité de la maladie, il est recommandé que les patients soient pris en charge de manière interdisciplinaire par des neurochirurgiens, des neuroradiologues, des endocrinologues, des ophtalmologues et des radio-oncologues dans un centre où le nombre de cas est élevé. Pour ce faire, l’hôpital universitaire de Zurich offre la possibilité aux collègues établis de présenter leurs propres cas au conseil interdisciplinaire sur l’hypophyse.
Source : Medidays, 3-6 septembre 2018, Zurich
Littérature :
- Maldaner N, et al : Modern Management of Pituitary Adenomas – Current State of Diagnosis, Treatment and Follow-up. Pratique 2018 ; 107(15) : 825-835. doi : 10.1024/1661-8157/a003035.
- Freda PU, et al. : Pituitary incidentaloma : an endocrine society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2011 ; 96(4) : 894-904. doi : 10.1210/jc.2010-1048.
- Molitch ME : Tumeurs pituitaires non fonctionnelles et incidentalomes pituitaires. Endocrinol Metab Clin North Am 2008 ; 37 : 151-171.
- Molitch ME : Tumeurs pituitaires : incidentalomes pituitaires. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2009 ; 23 : 667-675.
- Möller-Goede DL, Sze L, Schmid C : Insuffisance hypophysaire. Swiss Med Forum 2014 ; 14(49) : 927-931.
- Lake MG, Krook LS, Cruz SV : Adénomes hypophysaires : vue d’ensemble. Am Fam Physician 2013 ; 88 : 319-327.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(9) : 42-44