Le traitement par cathéter des maladies vasculaires a considérablement évolué au cours des dernières années. Des progrès techniques rapides et une plus grande expérience clinique permettent aujourd’hui de recanaliser même les occlusions artérielles très calcifiées et de longue durée. Une série de cathéters permet d’éliminer activement les pathologies thrombotiques et emboliques, de sorte que des interventions complexes, techniquement irréalisables il y a quelques années, peuvent aujourd’hui être effectuées en toute sécurité.
L’angiologie interventionnelle a de nouveau fait de grands progrès ces dernières années. Certes, le fil, le cathéter à ballonnet et le manomètre sont toujours les principaux outils de l’interventionniste, mais ils ont tellement évolué qu’il est aujourd’hui possible de réaliser des interventions dont on pensait, il y a quelques années, avoir atteint l’horizon.
Le développement de fils affinés, de dispositifs de “réentrée” [1], de cathéters à ballonnet glissants ultrafins, de dispositifs d’athérectomie, de cathéters de lyse et d’aspiration a démontré de manière impressionnante que les choses continuent à évoluer au-delà de l’horizon. Les interventions chirurgicales sont également devenues beaucoup plus sophistiquées et nécessitent beaucoup plus de temps et de ressources.
Aujourd’hui, le problème n’est pas tant de recanaliser les occlusions de longue durée que de les maintenir ouvertes pendant une période prolongée. De nombreuses questions restent sans réponse : inhibition de la fonction plaquettaire avec une monothérapie ? Double inhibition de la fonction plaquettaire ? Anticoagulation ? Si oui, avec quoi ? Il n’existe pratiquement pas de grandes études randomisées similaires à celles menées en cardiologie, de sorte qu’ici en Suisse, nous nous basons sur des avis d’experts [2] ou sur des études d’intervention en cardiologie. Mais des évolutions se dessinent également dans le secteur pharmacologique, dont nous attendons qu’elles réduisent considérablement ce problème à l’avenir. Les nouveaux inhibiteurs de la fonction plaquettaire agissent plus spécifiquement sur les sites où leur action est nécessaire [3].
Dans l’article suivant, nous aimerions vous présenter quelques cas extraordinaires tirés de notre pratique quotidienne et représentatifs des nouveaux développements.
Cas 1
Il s’agissait d’une patiente de 84 ans présentant une ischémie critique de la jambe droite, des douleurs au repos depuis trois semaines, plusieurs ulcérations sur la jambe et le pied droits, un ABI droit de 0,3, une occlusion à long terme de l’artère fémorale superficielle droite en échographie duplex et un flux post-occlusif minimal dans l’artère poplitée. Les membres inférieurs ne peuvent pas être évalués de manière concluante. L’angiographie du lendemain confirme l’échographie duplex.
- Une ponction rétrograde de l’artère fémorale commune gauche a été réalisée. L’angiographie de synthèse des artères pelviennes montre qu’elles ne présentent pas de sténose significative. Il y a une occlusion complète et prolongée de l’artère fémorale superficielle droite (Fig. 1a).
- L’artère poplitée est sévèrement sclérosée avec des sténoses multisegmentaires (Fig. 1b).
- La jambe présente une artère tibiale antérieure sévèrement sclérosée avec des sténoses multisegmentaires, une artère fibulaire sévèrement sclérosée avec des sténoses multisegmentaires et une occlusion de l’artère tibiale postérieure (Fig. 1c).
- Une recanalisation sophistiquée avec plusieurs fils CTO est effectuée. Il s’ensuit des dilatations de l’ensemble de l’AFS qui se chevauchent plusieurs fois. L’angiographie de contrôle après plusieurs angioplasties au ballonnet montre une artère fémorale superficielle perméable mais toujours sténosée de manière multisegmentaire (Fig. 1d).
- Suivent l’implantation d’un stent SMARTflex 5/200 mm, d’un stent EverFlex 6/150 mm et d’un stent Pulsar 6/150 mm. L’ensemble du trajet est redilaté plusieurs fois en se chevauchant avec un ballon de 5/100 mm ( Fig. 1e).
- L’angiographie de contrôle après PTA et stenting montre une nette amélioration de l’outflow vers la jambe (Fig. 1f).
- Après une durée d’intervention de 3,5 heures et un temps de fluoroscopie de 58 minutes, le site de ponction est fermé par un StarClose. La patiente peut sortir le lendemain pour recevoir des soins à domicile, il n’y a plus de douleur au repos. Après trois mois, toutes les ulcérations sont guéries (Fig. 1g).
Cas 2
Il s’agit d’un patient de 73 ans souffrant d’une ischémie critique du membre inférieur droit. L’ABI n’est pas exploitable en raison de la médiaclérose. L’échographie duplex révèle des sténoses de haut grade de l’artère iliaque externe, de l’artère fémorale commune et de l’artère fémorale superficielle droite. Les artères des membres inférieurs ne peuvent pas être évaluées de manière concluante en cas de calcifications importantes. L’étage pelvien, l’AFC et l’AFS ont été dilatés dans un hôpital extérieur.En raison de douleurs au repos persistantes, le patient est adressé à notre clinique.
- L’angiographie de synthèse montre une PTA réussie dans les sections proximales des vaisseaux. Au niveau de la jambe, les artères tibiale antérieure, postérieure et fibulaire sont occluses. L’artère tibiale postérieure se remplit par des collatérales dans le tiers proximal de la jambe et est la seule artère jambière continue qui soit sévèrement sclérosée et modérément sténosée en distal de la cheville. Après de nombreux essais avec divers fils CTO et une longue gaine, il n’est pas possible de recanaliser l’artère tibiale postérieure par un accès antérograde via l’artère fémorale commune (Fig. 2a).
- Le jour suivant, une ponction échoguidée de l’artère tibiale postérieure et l’insertion d’une gaine 4F sont effectuées. Rétrograde réussit sans effort à passer l’occlusion de l’artère tibiale postérieure proximale avec un fil CTO. Après une pré-dilatation avec un ballon de 1,5/40 mm, un stent XIENCE 3,5/38 mm “drug eluting” est implanté (Fig. 2b).
- L’angiographie finale montre un très bon résultat (Fig. 2c).
- Le patient ne ressent aucun symptôme immédiatement après l’intervention et peut rentrer chez lui le lendemain (Fig. 2d).
Cas 3
Le troisième cas que nous souhaitons présenter est celui d’un patient de 53 ans ayant subi de multiples PTA et stentings d’une occlusion à long trajet de l’artère fémorale superficielle gauche. Il existe une occlusion aiguë du stent avec ischémie critique, des douleurs au repos et un ABI li=0,46.
- L’angiographie initiale montre une occlusion instable à long terme de l’artère fémorale superficielle gauche. Pour éviter l’embolisation, on procède à une thrombectomie rhéolytique à l’aide d’un cathéter Angiojet, à une thrombolyse par rtPA, à une dilatation par ballonnet et à un stenting (figure 3a).
- L’angiojet permet d’éliminer une grande quantité de matériel thrombotique (figure 3b).
- Les thrombus résiduels sont pénétrés dans la paroi et lysés avec 5 mg d’Actilyse via le cathéter Angiojet (Fig. 3c).
- Un deuxième passage avec l’Angiojet améliore encore le résultat angiographique (Fig. 3d).
- Une sténose à l’extrémité proximale du stent est dilatée plusieurs fois et finalement stentée, comme le montre la figure 3e .
- L’angiographie finale montre un très bon résultat (Fig. 3f).
- Au niveau de la jambe, il y a un écoulement libre de produit de contraste sans indication d’embolisation. Le risque de micro-embolisation athéro-thrombotique distale pendant les interventions endovasculaires est estimé à 98%, bien que seuls 1,6-3% soient cliniquement significatifs. L’Angiojet est un système hydrodynamique de fragmentation et d’élimination du matériel thrombotique basé sur le principe de Bernoulli et l’effet Venturi (voir la section Angiojet sur gefaessmedizin.ch). Le sérum physiologique est injecté à grande vitesse et crée un vide qui entraîne le thrombus fragmenté dans les orifices latéraux du cathéter. Ces cathéters sont disponibles dans des diamètres de 2,0 à 20,0 mm et dans des longueurs allant jusqu’à 140 cm, ce qui offre un large champ d’application potentiel, des petites artères de la jambe aux veines plus lumineuses (Fig. 3g).
Cas 4
Il s’agit d’un patient de 80 ans souffrant de claudication intermittente après avoir marché 100 m sans douleur dans la jambe gauche. Il présente un profil de risque classique (syndrome métabolique et 50 py de cigarettes) et un ABI de 0,53 à gauche. L’échographie duplex révèle une sténose de haut grade de l’artère poplitée gauche due à une plaque sclérotique excentrée.
- L’angiographie intra-artérielle confirme les résultats duplex (figure 4a).
- En raison de la présence d’une plaque sclérotique excentrée, nous décidons de procéder à une athérectomie avec un TurboHawk dans le but premier de réduire la charge de la plaque (Fig. 4b).
- Un fil-guide est utilisé pour passer la sténose, un filtre de protection contre l’embolie est placé en distal et la plaque est retirée en plusieurs passages avec le TurboHawk (Fig. 4c).
- Le résultat post-interventionnel est si satisfaisant qu’il n’est pas nécessaire de recourir à la PTA (figure 4d).
- L’écoulement distal est inchangé sans indication d’embolie. Le but de l’athérectomie est de réduire la charge de la plaque et donc d’augmenter le diamètre intraluminal. On s’attend à ce que les taux de réintervention soient plus faibles et à ce qu’il y ait moins de stentings “bail-out”. Sur gefaessmedizin.ch, dans la section Turbohawk, nous vous montrons le déroulement d’une athérectomie avec le TurboHawk (ill. 4e).
Cas 5
Un patient de 70 ans se présente avec un gonflement massif de la cuisse et de la jambe droite. Il indique qu’il a eu des thromboses veineuses à plusieurs reprises, qui ont été traitées par son médecin traitant par de courtes administrations d’héparine. Après le dégonflement de la jambe au bout de quelques jours, l’administration d’héparine a été arrêtée à chaque fois. Outre le gonflement de la jambe, on remarque des dépôts d’hémosidérine prononcés sur la malléole interne de la jambe concernée. L’échographie duplex révèle une thrombose veineuse pelvienne droite avec obstruction complète de la veine iliaque externe droite, une thrombose probablement plus ancienne de la veine fémorale commune droite et une thrombose partielle de la veine fémorale superficielle.
- La phlébographie, réalisée en décubitus ventral après ponction échoguidée de la veine poplitée droite, confirme ces résultats. Nous supposons que les thromboses de la veine iliaque externe et de la veine fémorale commune sont plus anciennes et qu’elles présentent une embolie récente. En raison du gonflement prononcé de la jambe et des modifications trophiques de la peau, l’indication d’une lyse par cathéter est posée. Pour ce faire, un cathéter de lyse est placé dans l’occlusion de la veine fémorale commune et est lysé avec un total de 20 mg de rt-PA (Actilyse) pendant 15 heures. Quatre heures seulement après le début de la lyse, la jambe droite présente à nouveau le même diamètre que la gauche (Fig. 5a).
- Une fois la lyse complétée, la phlébographie évolutive montre une réduction de la charge du thrombus dans la région de la veine fémorale commune. La thrombose chronique dans la région de l’axe pelvien est inchangée (Fig. 5b).
- La lésion de la veine pelvienne est recouverte d’un stent 16/60 Zilver Vena pour améliorer le flux veineux sortant. Le matériel du cathéter est ensuite retiré et un pansement compressif est appliqué pendant trois heures. Le patient quitte l’hôpital le soir même sans aucun symptôme. Un traitement anticoagulant continu par rivaroxaban est prescrit. Les patients atteints de thrombose veineuse profonde ilio-fémorale ont un risque élevé de développer un syndrome post-thrombotique. Une lyse directe du cathéter et un stenting des sténoses veineuses peuvent prévenir cela avec succès (Fig. 5c) [4].
Littérature :
- Langhoff H, et al : J Cardiovasc Surg (Torino) 2013 Oct ; 54(5) : 553-559
- Jäger KA, et al : Forum Med Suisse 2009 ; 9(39) : 690-693.
- Morrow DA, et al : N Engl J Med 2012 ; 366 : 1404-1413.
- Karnabatidis D, et al : J Endovasc Ther 2006 ; 13 : 269-280.
- Lin PH, et al : J Surg Res 2002 ; 103 : 153-159.
- Karnabatidis D, et al : Cardiovasc Interv Radiol 2011 ; 34 : 1123-1136.
- Zeller T, et al : J Am Coll Cardiol 2006 ; 48 : 1573-1578.
- Shammas NW, et al : J Vasc Interv Radiol 2011 ; 22 : 1223-1228.
- Engelberger RP, et al : Thromb Haemost 2014 ; 111 : 1153-1160.
CARDIOVASC 2014 ; 13(5) : 8-14