Les mosaïques de pigments se présentent cliniquement sous la forme de motifs spécifiques, qui correspondent généralement à un prototype de mosaïque cutanée. Les causes sont des mutations multiples et des aberrations génétiques, dont certaines sont graves. Les enfants présentant des mosaïques pigmentaires doivent être évalués cliniquement en premier lieu.
Rapport de cas : Une patiente de 6 ans se présente avec des déplacements de pigments blancs et brunâtres, parfois disposés en bandes, sur le tronc et les extrémités. Les parents ont indiqué que ces changements de pigmentation existaient depuis la naissance et qu’ils ne s’étaient pas étendus depuis. Il n’y a jamais eu de desquamation ou de réaction inflammatoire visible sur ces zones de peau. Il n’y a pas non plus d’autres symptômes et le développement psychomoteur de la patiente est normal et conforme à son âge. La question de la genèse et de la nécessité d’un traitement de ces décalages de pigmentation se pose.
Tableau clinique : Des macules étendues, linéaires, parfois hypo- et hyperpigmentées, apparaissent au niveau du tronc, du membre supérieur, moins au niveau glutéal et de la cuisse dorsale droite (Fig. 1).
Quiz
Sur la base de ces informations, quel est le diagnostic le plus probable ?
A Vitiligo segmentaire
B Syndrome de McCune-Albright
C Mosaïque de pigments
D Neurofibromatose segmentaire
Diagnostic et discussion : La présentation clinique avec des hypopigmentations relativement étendues, suivant en partie les lignes de Blaschko, au niveau du tronc et des extrémités, est adaptée à la présence d’une mosaïque de pigments.
Dans la plupart des cas, il s’agit d’une malformation isolée de la peau, au sens d’une mosaïque génétique, qui a pour origine une mutation somatique [1].
Par mosaïque génétique au sens biologique, on entend un organisme composé de deux ou plusieurs populations de cellules génétiquement différentes, qui se sont développées à partir d’un zygote.
Les mosaïques pigmentaires se présentent cliniquement sous la forme de motifs spécifiques, qui correspondent généralement à l’un des prototypes de mosaïques cutanées décrits par Happle. Cinq modèles différents de mosaïques cutanées sont connus [2] (Fig. 2). Très rarement, les mosaïques pigmentaires cutanées sont associées à des symptômes extracutanés concomitants. Elles concernent le plus souvent le SNC (p. ex. retard de développement, épilepsie), les yeux (p. ex. malformations rétiniennes) et l’appareil locomoteur, mais peuvent en fin de compte impliquer n’importe quel organe. Selon la présentation clinique, la distribution et les manifestations extracutanées associées, la littérature utilise des termes et des diagnostics différents et souvent mal délimités. Il s’agit par exemple de l’hypomélanose d’Ito, qui se caractérise par des mosaïques pigmentaires étendues, hypopigmentées, qui suivent les lignes de Blaschko et présentent généralement des anomalies neurologiques très graves [3]. La base génétique mosaïque suspectée sur la base de la présentation clinique a pu être confirmée entre-temps dans de nombreux cas. C’est pourquoi, de nos jours, le terme générique de “mosaïque pigmentaire” est souvent utilisé pour désigner ces pathologies.
Les mosaïques pigmentaires ne constituent pas un groupe homogène de maladies. Au contraire, on connaît la cause (même en cas de présentation cutanée génétiquement identique) de multiples mutations et aberrations génétiques, dont certaines sont graves et ne peuvent survivre qu’à l’état de mosaïque. Il n’est donc pas surprenant que des associations extracutanées variées et incohérentes soient décrites. Globalement, la fréquence des manifestations extracutanées est surestimée dans la littérature, ce qui est attribué à un biais de reporting. Il est désormais bien établi que les mosaïques pigmentaires limitées sont généralement limitées à la peau.
Le risque de manifestations extracutanées dépend probablement non seulement de l’étendue mais aussi du sous-type de la mosaïque pigmentaire. Alors que celui-ci semble plutôt faible dans les manifestations segmentaires (en damier ou plus récemment appelées “block-like”), il est probablement plus important dans les variantes blaschcolinéaires étendues [4].
des investigations : Les enfants présentant des mosaïques pigmentaires doivent donc être évalués en premier lieu sur le plan clinique. Si les manifestations sont limitées et qu’il existe un schéma segmentaire, et en l’absence d’autres anomalies cliniques, aucune autre mesure n’est nécessaire en premier lieu. Dans les cas d’atteinte cutanée étendue et de propagation le long des lignes de blasphème, nous recommandons une évaluation ophtalmologique ainsi que la réalisation minutieuse des contrôles pédiatriques de routine du développement. En cas d’anomalies neurologiques, un examen RM du crâne est indiqué.
Traitement : en cas de préjudice esthétique pertinent et de stigmatisation, l’application de camouflage et une protection solaire systématique, surtout en été, peuvent être recommandées en présence d’hypopigmentations. En cas d’hyperpigmentation, une thérapie au laser pigmentaire peut être envisagée pour traiter des zones spécifiques. Pour cela, il est utile – jusqu’à l’âge de 18 ans – de faire une demande AI en tant qu’infirmité congénitale sous le chiffre 109 du RDC.
Littérature :
- Biesecker LG, et al : A genomic view of mosaicism and human disease. Nt Rev Genet 2013 ; 14(5) : 307-320.
- Happle R, et al. : Mosaicism in human skin. Comprendre les modèles et les mécanismes. Archives of dermatology 1993 ; 129(11) : 1460-1470.
- Treat J, et al : Patterned pigmentation in Children. Pediatr Clin Norh Am 2010 ; 57(5) : 1121-1129.
- Hoegling M, et al : Trouble de la pigmentation segmentaire. Br J Dermatol 2010 ; 162(6) : 1337-1341.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2017 ; 27(3) : 33-34