Le 24e Congrès allemand sur le cancer de la peau s’est tenu du 11 au 13 septembre 2014 à Francfort-sur-le-Main. Nous présentons ci-dessous quelques casuistiques intéressantes, des études de cohorte, rétrospectives et prospectives de différents hôpitaux allemands. Ils illustrent la dynamique qui règne actuellement dans ce domaine de recherche.
(ag) Une étude multicentrique de phase II à un seul bras (DeCOG) a de nouveau évalué l’innocuité et l’efficacité de l’ipilimumab chez des patients atteints de mélanome cutané et de formes plus rares. L’ipilimumab, un anticorps monoclonal autorisé (anti-CTLA-4) pour l’immunothérapie, a certes déjà montré un bénéfice en termes de survie globale dans deux études de phase III chez des patients précédemment traités et non traités atteints de mélanome métastatique – mais l’objectif de DeCOG était de vérifier une nouvelle fois si ces résultats étaient reproductibles dans la routine quotidienne ou si d’autres questions se posaient dans l’application, notamment dans les sous-groupes de mélanome rares.
Méthode : L’étude a porté sur des patients prétraités atteints de mélanomes cutanés, muqueux et oculaires, ainsi que de mélanomes de tumeur primaire inconnue (MUP) de stade III ou IV avec une tumeur non résécable. En outre, les patients non traités atteints d’un mélanome oculaire métastatique ont également été inclus. Les patients ont reçu quatre cycles d’ipilimumab (3 mg/kgKG à trois semaines d’intervalle) et ont été évalués au moment de la ligne de base et aux semaines 12, 24, 36 et 48 (évaluation selon RECIST 1,1). Le critère d’évaluation principal était la survie globale à 12 mois.
Résultats : Dans 25 centres allemands, 156 patients ont été inclus (83 avec un mélanome cutané, 7 avec un mélanome muqueux, 53 avec un mélanome oculaire et 13 avec un MUP). Les taux de survie à 12 mois étaient de 37% dans le groupe cutané, 14% dans le groupe muqueux, 22% dans le groupe oculaire et 27% dans le groupe MUP. La médiane de survie globale après la première dose était de 6,9 mois. Les taux de réponse globaux dans les 104 cas évaluables étaient de 16% (cutané), 17% (muqueux), 9% (oculaire) et 11% (MUP). Il y avait un patient avec une réponse complète, 13 avec une réponse partielle et 23 avec une maladie stable. 68% des patients ont présenté des effets secondaires liés au traitement (25% de grade 3 ou 4) et un décès lié au médicament est survenu (pancytopénie).
Conclusion : les auteurs de l’étude considèrent l’ipilimumab comme une option de traitement pour les patients atteints de mélanomes cutanés, oculaires et muqueux ainsi que de MUP, et ce avec une toxicité contrôlable.
Les secondes tumeurs sont-elles plus fréquentes dans les lymphomes cutanés primaires ?
Bien que les lymphomes cutanés primaires à cellules T et B constituent le deuxième groupe le plus fréquent de lymphomes non hodgkiniens extranodaux, ils font plutôt partie des entités oncologiques les plus rares, avec une incidence d’environ 1 pour 100 000 habitants. Depuis un certain temps déjà, on les soupçonne d’être associés à un taux plus élevé de tumeurs secondaires. Les lymphomes cutanés à cellules T (CTCL), en particulier, ont été étudiés à plusieurs reprises dans la littérature, mais les lymphomes B à cellules B (CBCL) de même nature l’ont été moins.
Méthode : Dans le cadre d’une étude de cohorte menée en Allemagne, 213 patients chez qui un lymphome cutané avait été diagnostiqué avec certitude ont été examinés à la recherche de pathologies secondaires (réparties en tumeurs solides, tumeurs cutanées et néoplasies lymphatiques/hématologiques). Leur apparition a été documentée au cours de la période précédant le diagnostic initial du lymphome cutané. Les récidives ou les secondes tumeurs de la même entité n’ont été comptées qu’une seule fois.
Résultats : Au total, 92 tumeurs malignes se sont développées en tant que néoplasies secondaires ou tertiaires chez 63 patients, dont neuf mélanomes, 28 tumeurs épithéliales invasives et 24 tumeurs solides, huit M. Bowen et deux carcinomes in situ du col de l’utérus et du sein. Des néoplasies lymphatiques/hématologiques ont été observées chez 14 patients (6,6%).
Conclusion : il y a effectivement eu une augmentation de la fréquence des secondes tumeurs dans ce collectif – surtout des néoplasies hématologiques, mais aussi des mélanomes malins, plus fréquents que la moyenne. En revanche, les tumeurs cutanées épithéliales étaient présentes à une fréquence correspondant à l’âge. Parmi les tumeurs solides, les carcinomes de l’appareil génito-urinaire étaient remarquablement représentés.
Administration à court terme de vémurafénib pendant neuf jours
Une casuistique sur le vémurafénib, un inhibiteur de la sérine-thréonine-kinase BRAF, a illustré les effets d’une administration intermittente à court terme chez une patiente de 79 ans atteinte d’un MUP malin de stade IV. Le vémurafénib est autorisé pour le traitement des patients atteints de mélanome non résécable ou métastatique avec une mutation BRAF V600. Par rapport à la dacarbazine, cette molécule a permis d’obtenir une amélioration significative de la survie globale et de la survie sans progression dans les études. Cependant, la plupart des patients développent une résistance et progressent après six à huit mois. Il n’existe que peu de rapports sur le succès d’une administration intermittente à court terme et le mécanisme sous-jacent n’est pas encore clair.
Casuistique : La patiente examinée a reçu un premier diagnostic de MUP en 2009. Elle a développé des métastases ganglionnaires inguinales et rétropéritonéales et une métastase surrénale – elles ont toutes été enlevées chirurgicalement. Six cycles de dacarbazine ont été administrés en cas d’apparition de métastases pulmonaires, pleurales et para-aortiques ; après une progression et en cas de mutation positive de BRAF V600, un traitement par vémurafénib a été initié (960 mg 2×/j). Peu de temps après le début du traitement, après dix jours, la patiente a développé un exanthème maculo-papulopustuleux (selon le grade CTC 2), qui la démangeait violemment et qui a entraîné l’arrêt du vémurafénib et une pause thérapeutique prolongée (les médecins ont considéré que cela était acceptable en raison de la faible charge tumorale). Un peu plus de trois mois plus tard, le scanner thoraco-abdominal a montré une diminution des filiations pulmonaires et des métastases ganglionnaires. Même 25 mois après l’arrêt du traitement par vémurafénib, les examens de staging n’ont montré aucun signe de nouvelle métastase, raison pour laquelle la molécule n’a pas été réutilisée.
Chez cette patiente à faible charge tumorale, l’administration unique de vémurafénib pendant neuf jours a donc entraîné une rémission complète de la tumeur, qui a duré 25 mois au moment de la présentation au congrès. Les auteurs plaident donc en faveur d’études cliniques sur l’administration intermittente à court terme de la substance active. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra peut-être mieux comprendre le mécanisme sous-jacent.
Traitement combiné de vémurafénib et d’ipilimumab
Peu de temps après les résultats impressionnants du vémurafénib et de l’ipilimumab, il a été question de combiner les deux molécules, notamment en raison de l’apparition probable de résistances sous l’inhibition de BRAF. Suite à la survenue d’une hépatotoxicité accrue, une étude de phase I a dû être interrompue chez dix patients. Seule nouvelle positive : les effets secondaires observés étaient tous réversibles.
Méthode : Dans une nouvelle étude menée à l’hôpital universitaire de Heidelberg, la thérapie combinée a été à nouveau testée sur onze patients. Ils ont reçu une dose complète de vémurafénib dans le cadre d’une maladie symptomatique avec une charge tumorale élevée ; chez deux patients, la dose a dû être réduite par la suite en raison d’effets secondaires cutanés. Après au moins quatre semaines d’administration de vémurafénib seul (médiane de 12 semaines), ils ont commencé un traitement supplémentaire par ipilimumab (4 cycles de 3 mg/kg PC).
Résultats : Dans l’ensemble, le traitement combiné a été bien toléré. Six des onze patients ont présenté des taux élevés de transaminases, trois un exanthème et trois une diarrhée. Ainsi, bien que l’hépatotoxicité ait été l’effet secondaire le plus pertinent, elle n’a jamais été associée à une détérioration de l’état général. Elle a toujours été réversible après l’arrêt du vémurafénib. Sept patients sur onze ont obtenu une rémission partielle ou une maladie stable grâce au traitement combiné. La durée médiane de survie sans progression a été de six mois et la durée médiane de survie globale de onze mois.
Conclusion : bien que les responsables de l’étude aient fait référence à l’hépatotoxicité accrue qui s’est produite de manière analogue à l’étude mentionnée, ils l’ont considérée comme cliniquement bien maîtrisable. Le diagnostic différentiel avec une hépatite auto-immune induite par l’ipilimumab serait toutefois plus difficile à établir. Dans l’ensemble, les résultats disponibles parlent en faveur de l’association, selon les auteurs : elle peut tout à fait être considérée comme une option thérapeutique, en particulier chez les patients qui ne peuvent pas prendre l’ipilimumab en première ligne en raison d’une maladie fortement évolutive.
Rémission complète sous inhibition BRAF – et après ?
Un consensus s’est dégagé sur le fait que l’inhibition de BRAF chez les patients atteints de mélanome métastatique inopérable avec mutation de BRAF présente des taux de réponse élevés (rémission partielle dans 50% des cas, rémission complète dans 3 à 6% des cas). Mais combien de temps faut-il continuer à administrer la substance active après une rémission complète ou quelle est l’évolution après l’arrêt de l’inhibition ? Cette question n’est toujours pas résolue et a fait l’objet de discussions lors du congrès.
Méthode : Dix patients atteints de mélanome malin métastatique inopérable et en rémission complète ont été étudiés rétrospectivement. Neuf avaient reçu du vémurafénib, un du dabrafénib. Les personnes concernées avaient toutes arrêté l’inhibition de BRAF à un moment ou à un autre – six en raison d’effets secondaires, quatre à leur propre demande.
Résultats : En moyenne, la rémission complète est survenue après 8,75 mois. Chez cinq patients, l’inhibition de BRAF a été poursuivie au-delà de la période de rémission complète (13 mois en moyenne). Chez six des dix patients, une récidive du mélanome malin a été observée en moyenne 7,2 mois après l’arrêt du traitement, et a été traitée chez cinq d’entre eux par une nouvelle administration de l’inhibiteur de BRAF. Ces cinq patients ont été suivis, trois d’entre eux ont obtenu une nouvelle rémission complète et un est resté inchangé.
Conclusion : selon les chercheurs, chez au moins la moitié des patients en rémission, une récidive peut donc survenir après l’arrêt, mais celle-ci semble bien répondre à une nouvelle initiation.
Des taux de réponse à long terme sont possibles
L’ipilimumab et le vémurafénib présentent tous deux des taux de réponse à plus long terme chez des groupes de patients plus restreints. Le centre du cancer de la peau de Mayence a voulu réévaluer cette situation.
Méthode : Une enquête rétrospective a examiné les données de tous les patients (n=83) atteints de mélanome cutané métastatique non résécable traités par ipilimumab (n=41) ou vemurafenib (n=42) à la clinique de Mayence entre mai 2010 et février 2014. Les patients ayant reçu les deux molécules au cours de leur maladie ont été exclus. L’évaluation a pris en compte la survie globale, la durée du traitement et la réponse finale. La survie à long terme a été définie comme la survie pendant au moins 18 mois après le début du traitement.
Résultats : En moyenne, la survie globale était de 11,5 mois (0-42 mois) dans le groupe ipilimumab et de 9,8 mois (1-43 mois) dans le groupe vemurafenib. Neuf patients du groupe ipilimumab (22%) et six patients du groupe vemurafenib (14,3%) ont été considérés comme des survivants à long terme. 33,3% des répondeurs à long terme à l’ipilimumab ont reçu un traitement de réinduction, tandis que 66,6% des répondeurs à long terme au vermurafenib étaient encore sous traitement au moment de la présentation. Quatre patients ont obtenu une rémission complète sous ipilimumab et cinq sous vemurafenib.
Conclusion : selon les auteurs de l’étude, la pratique quotidienne montre donc également que des taux de réponse à long terme sont possibles dans le mélanome avancé. 22, soit 14,3% des patients traités, ont obtenu une survie d’au moins 18 mois. L’objectif devrait être de déterminer, avant le traitement, quels patients sont des répondeurs potentiels à long terme grâce à des analyses de sous-groupes sur de grands collectifs et de les affecter ensuite au meilleur traitement possible.
Source : 24e Congrès allemand sur le cancer de la peau, 11-13 septembre 2014, Francfort-sur-le-Main
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2014 ; 2(8) : 28-30