Le traitement des personnes gravement malades exige du personnel hospitalier une concentration maximale, des connaissances actualisées et une rapidité d’action. Le congrès de médecine neurointensive s’est donc explicitement penché sur les avancées scientifiques, la collaboration entre les différentes disciplines et les procédures dans les unités de soins intensifs. De la recherche à la pratique, telle était l’ambition des multiples échanges entre les spécialités neuromédicales. L’accent a été mis, entre autres, sur la gestion interprofessionnelle du delirium.
Le développement d’un délire fait partie des complications fréquentes en soins intensifs. Il se caractérise par une confusion, des troubles de l’attention, de l’orientation et de la conscience. Comme il est associé à une augmentation de la morbidité et de la mortalité, il doit être détecté tôt. Mais cela pose des défis, en particulier pour les patients inconscients. Le développement d’un délire dans le cadre du syndrome post-UCI peut en outre avoir des conséquences importantes, comme l’a montré le professeur Julian Bösel, Kassel (D). Le syndrome des soins post-intensifs (SSPI) comprend des symptômes physiques, cognitifs et psychologiques, notamment une diminution de la résistance à l’effort, une faiblesse musculaire, des troubles de la concentration et de la mémoire. Le terme alternatif de “syndrome de passage” suggère ici une maladie passagère. Cependant, le délire n’est pas seulement associé à une létalité accrue, mais également à une hospitalisation plus longue et à des résultats thérapeutiques moins bons.
Le personnel soignant a pourtant la chance de pouvoir détecter les premiers symptômes d’un délire et devrait donc être particulièrement formé à la prévention. Les troubles cognitifs aigus sont encore souvent considérés comme des conséquences inévitables de la gravité de la maladie sous-jacente ou apparaissent comme des effets des divers facteurs déclencheurs de l’environnement en soins intensifs. Dr med. Peter Nydahl, Kiel (D), a donc plaidé pour une approche interprofessionnelle de la gestion du delirium. L’équipe de médecins, de thérapeutes et de soignants doit travailler en étroite collaboration.
Développement d’un système de scoring
Un groupe de chercheurs de Munich a donc présenté ses résultats concernant un système de scoring clinique pour la stratification du risque des patients victimes d’un AVC avec trouble quantitatif de la conscience [1]. Le critère d’inclusion a été défini comme étant, outre un AVC ischémique ou hémorragique, une altération de la conscience sur la base du GCS <15 et/ou de la catégorie de vigilance NIHSS >0. Une caractérisation anamnestique, clinique et d’imagerie a été effectuée. L’association des paramètres avec le diagnostic clinique de delirium a été étudiée par des tests exacts de Fisher et des modèles de régression logistique. Entre avril et juillet 2021, 106 patients d’un âge moyen de 71,5 ans répondaient aux critères d’inclusion. Au cours de l’hospitalisation, 50% ont développé un delirium. L’âge, l’exsiccose, ainsi que des antécédents de maladie neurodégénérative ou de tumeur étaient associés de manière statistiquement significative à la survenue d’un délire. Pour les paramètres relevés par l’appareil, une corrélation a été démontrée pour une réduction globale du volume cérébral au scanner, le score de Fazekas, le taux d’hémoglobine et la sévérité de l’encéphalopathie à l’EEG. L’étude a démontré que les paramètres cliniques et d’imagerie étaient significativement associés au développement du delirium chez les patients ayant subi un AVC. Ils devraient servir de base à l’élaboration d’un score.
Un groupe de travail de Stuttgart s’est penché sur un objectif similaire, en cherchant à détecter le delirium à un stade précoce à l’aide d’un outil de dépistage [2]. Pour ce faire, l’échelle DOSS ( Delirium Observation Screening Sc ale) de Schuurmann a été implémentée en 2021 dans le dossier patient électronique de la Stroke Unit en tant qu’outil de dépistage. L’objectif est de détecter systématiquement un DOSS anormal chez tous les patients ≥65 ans. Avec l’aide du DOSS, le dépistage régulier des patients âgés ayant subi un AVC aigu peut être facilement intégré dans le travail quotidien du personnel soignant. Les patients présentant une valeur ≥3 anormale ont été évalués plus avant en termes de présentation clinique neurologique et de localisation de l’infarctus. Le dépistage DOSS a été utilisé chez 72% des 365 patients. Des valeurs anormales ont été relevées chez 105 patients (28%). Une corrélation a été établie entre un DOSS anormal et l’âge, une plus grande sévérité des symptômes, une plus grande étendue de l’infarctus et une leucoencéphalopathie vasculaire sous-corticale comme lésion cérébrale préalable.
A Zurich, la gestion interprofessionnelle du delirium est étudiée en relation avec l’entraînement à l’orientation vers la réalité (ROT) [3]. C’est l’une des mesures les plus efficaces pour réduire le delirium, avec la stimulation cognitive et l’hygiène du sommeil. L’utilisation du ROT implique une communication calme et adaptée avec l’utilisation de moyens auxiliaires tels que des lunettes. En outre, il est essentiel d’avoir un emploi du temps structuré et d’intégrer les effets personnels. En outre, la table d’orientation est utilisée comme outil. La structure du contenu est standardisée. Ainsi, le contenu est généralement élaboré en commun en ergothérapie. Ainsi, il contient les informations correspondant aux capacités du patient, à savoir le nom, le lieu, la date, le nom des professionnels de santé qui le prennent en charge et d’autres informations. Dans la vie quotidienne de l’hôpital, la table d’orientation est intégrée de manière interprofessionnelle. L’expérience pratique montre qu’il est essentiel d’appliquer systématiquement le ROT en même temps que la table d’orientation. Les patients reçoivent les informations nécessaires qu’ils peuvent assimiler et sont ainsi encouragés dans leur processus de réhabilitation. Globalement, cela a un effet positif sur l’évolution des patients en délire.
Intervention pharmacologique basée sur des preuves
Le professeur P. Pittermann, de Wiesbaden (D), a toutefois souligné que, malgré un nombre croissant de publications, les preuves concernant la pharmacothérapie du delirium sont limitées [4]. L’hétérogénéité des études, des critères d’évaluation insuffisamment clairs, l’absence d’utilisation de méthodes d’analyse de survie concernant l’incidence et la durée du delirium, des erreurs méthodologiques dans l’évaluation statistique et l’établissement du diagnostic à l’aide de tests de dépistage sans examen des diagnostics différentiels contribuent à l’obtention de résultats contradictoires. Seuls les alpha-2 agonistes ont montré une réduction de la durée de ventilation, tandis que les antipsychotiques ont montré une supériorité par rapport au placebo, notamment en termes de taux de réponse et de délai de réponse. Néanmoins, il est possible de mettre en place une pharmacothérapie du delirium basée sur les preuves et axée sur les symptômes.
Le traitement symptomatique selon le Richmond Agitation Sedation Scale (RASS) et la pharmacothérapie axée sur les symptômes, en tenant compte des maladies associées telles que la démence ou le syndrome de sevrage, tiennent compte des résultats contradictoires des études qui suggèrent que le délire n’est pas une entité pathologique de cause unique, mais un complexe de symptômes de différentes causes en interaction.
Congrès : Réunion annuelle de la DGNI et de la DSG (ANIM)
Littérature :
- Wischmann J, Kremer P, Hinske L, et al : Delir in the Stroke Unit : A new clinical score. ANIM 2022, Communications libres I.
- Bott CC, Alf F, Spank J et al. : Dépistage systématique du delirium à l’aide de l’échelle DOSS (Delir Observation Screening Scale) dans les unités d’urgence : Caractéristiques de l’infarctus chez les patients suspects. ANIM 2022, PSS ePoster.
- Schubiger N, Mlynski H : Interprofessional Delirure Management in Relating to Reality Orientation Training (ROT) in the Stroke Center USZ, ANIM 2022, Posters session VI.
- Pittermann P : La pharmacothérapie du delirium basée sur l’évasion – aussi contradictoire que les données ? ANIM 2022, session de posters II.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2022 ; 20(3) : 30-31