Le professeur Jürg Hafner, médecin-chef à la clinique de dermatologie de l’hôpital universitaire de Zurich et président en exercice de la Société suisse de dermatologie et de vénérologie, a répondu aux questions de DERMATOLOGIE PRAXIS sur la situation de la société et de la discipline.
Professeur Hafner, vous êtes président de la SGDV depuis septembre 2011. Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter cette fonction ?
La joie de pouvoir défendre une cause utile, les contacts humains extrêmement variés et l’aperçu de nombreux problèmes, plus ou moins importants, qu’il s’agit de résoudre de manière créative et constructive. La possibilité d’organiser, de voyager et de visiter, de servir de médiateur dans les conflits et de débloquer les situations bloquées. Mais l’intérêt pour la spécialité de dermatologie et vénéréologie, le sort de nos patients, les conditions de travail des médecins, et la politique de santé ont certainement été déterminants.
Quels sont les plus grands changements de la société depuis sa création en 1913 ?
Le cœur de la SGDV n’a pas beaucoup changé au cours de toutes ces années. Cependant, le monde a extrêmement changé et, avec lui, la médecine.
Au sein de la SSDV, la centaine de dermatologues des cinq cliniques universitaires et des cinq hôpitaux cantonaux et municipaux travaillent en très bonne collaboration avec les quelque 350 spécialistes en dermatologie et maladies vénériennes installés en cabinet. En conséquence, le conseil d’administration est composé à parts égales de dermatologues chercheurs et de dermatologues praticiens de toutes les régions du pays. Depuis 2002, la société dispose d’un secrétariat général géré de manière professionnelle à Neuchâtel. La secrétaire générale Monica Pongratz dirige notre plaque tournante avec beaucoup de compétences humaines et organisationnelles.
Quels sont les thèmes actuels de la société en dehors de son propre anniversaire ?
En matière de politique de santé, la SGDV s’engage pour le libre accès des patients au médecin de leur choix. La SSMD a participé à plusieurs niveaux aux discussions sur la manière d’assurer la relève des étudiants en médecine et la relève des médecins généralistes par des mesures appropriées dans les années à venir. La SSMD s’engage en faveur de conditions-cadres dans lesquelles les médecins généralistes et les médecins spécialistes peuvent, aujourd’hui encore, garantir une médecine judicieuse et des soins efficaces à leurs patients dans des conditions difficiles de pression sur les coûts.
D’importantes ressources en temps et un savoir-faire considérable sont investis dans la formation continue des futurs dermatologues dans les cliniques ainsi que dans la formation continue des collègues installés. Depuis l’année dernière, la SGDV organise elle-même la Journée nationale du cancer de la peau (cette année le 13 mai 2013). La Journée du cancer de la peau rappelle à la population l’importance de protéger sa peau d’une trop grande exposition au soleil et de retirer et traiter rapidement les grains de beauté suspects ou les débuts de cancer de la peau blanche.
Comment peut-on se représenter le travail au sein du conseil d’administration de la SSDP ?
Le Secrétariat général à Neuchâtel est notre centre névralgique. C’est là que toutes les informations convergent et que les membres sont informés régulièrement et en temps voulu de tous les sujets pertinents.
Le comité directeur général est composé de 16 membres issus des cabinets et cliniques des trois régions du pays et se réunit deux fois par an. Au cours de l’année, les membres du comité directeur traitent leurs dossiers de manière autonome et échangent en permanence avec le président et le secrétariat général. Le noyau dur du comité (bureau) se réunit en outre trois fois par an pour travailler sur des thèmes précis. La majorité des membres du conseil d’administration sont représentés dans d’autres organes de la politique de santé et dans d’autres conseils d’administration d’autres sociétés savantes et d’organisations faîtières. Grâce à cet excellent réseau, la SGDV est toujours bien informée en amont de tous les changements dans le secteur de la santé et peut bien faire valoir ses préoccupations professionnelles.
Manque de membres du conseil d’administration ?
Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, nous n’avons eu aucun mal à recruter des personnes motivées au sein du conseil d’administration ces dernières années. Je pense que les membres se rendent compte qu’un vent positif souffle sur la société. Ces collègues expérimentés ont à cœur de rendre à la dermatologie suisse, par leur engagement bénévole au sein de la SSDP, un peu de ce qu’ils ont eux-mêmes reçu en chemin pendant la phase de construction de leur carrière. Le bénévolat est très souvent gratifiant et permet de nouer de nombreux contacts amicaux.
Les préparatifs du congrès de la SSTCC, qui se tiendra du 19 au 21 septembre 2013 à Montreux, battent leur plein. À quoi peuvent s’attendre les congressistes ?
Outre l’excellent programme du congrès, qui présentera comme chaque année un résumé des principaux développements et innovations techniques, nous nous pencherons cette année sur l’histoire de la SSDP et célébrerons dignement l’événement avec nos principaux amis internationaux et membres d’honneur dans un cadre festif. Nous travaillons également sur un livre anniversaire auquel de nombreux membres de notre association professionnelle, jeunes et vieux, célèbres et moins célèbres, participent avec le même engagement.
Quels sont les événements spéciaux prévus pour l’anniversaire en 2013 ?
Le 24 avril 2013, nous avons célébré le jour de la fondation proprement dite par une petite fête très sympathique à Genève. Quelques collègues de France, particulièrement attachés à la dermatologie romande, étaient également présents. Le deuxième temps fort sera constitué par le congrès annuel et la soirée festive à Montreux mentionnés ci-dessus. A cette occasion, la SSDV a invité les représentants et les amis de longue date des nations voisines et des sociétés internationales de dermatologie. Le troisième point fort est le livre “Centennial” intitulé “Spirit and Soul of Swiss Dermatology and Venerology”. Il sera publié en anglais et mis en ligne sur le site de la SSDP, afin que tous nos amis dermatologues à l’étranger, qui ne maîtrisent pas nécessairement nos langues nationales, puissent participer à cet ouvrage et s’en inspirer.
Comment évaluez-vous la situation de la dermatologie suisse dans les 10 prochaines années ?
L’avenir de la dermatologie suisse sera à la fois doré et semé d’embûches. La demande de services dermatologiques continuera d’augmenter régulièrement et rapidement en raison de l’augmentation rapide du nombre de cancers de la peau et de la fréquence et de l’amélioration des traitements des maladies inflammatoires de la peau.
Les conditions de travail professionnelles et quotidiennes de la profession de médecin vont continuer à se compliquer. Aujourd’hui déjà, les médecins consacrent trop d’énergie et de temps aux tâches administratives, généralement pour justifier les mesures médicales prises pour l’évaluation et le traitement de leurs patients. Le cadre juridique de la profession de médecin et de la médecine dans son ensemble est devenu plus complexe. L’obligation de documentation absorbe beaucoup de temps. Les conflits juridiques sont en augmentation et, dans un grand nombre de cas, ils sont tout simplement absurdes sur le fond et extrêmement démotivants sur le plan humain. Il reste à espérer que l’évolution ne sera pas aussi fatale que ces vingt dernières années en Allemagne, où les médecins quittent en grand nombre leur pays d’origine pour exercer leur profession dans des conditions plus acceptables à l’étranger.
Les progrès presque inimaginables et les énormes avantages issus de la recherche biologique sont depuis longtemps perçus par la population, qui est de plus en plus en bonne santé et de plus en plus âgée et qui souhaite logiquement participer à ces progrès. Cette évolution inéluctable place inévitablement les systèmes de santé des pays développés dans une situation de conflit économique et de santé publique. Il faudra beaucoup de responsabilité et de sagesse de la part de toutes les parties concernées pour résoudre ces conflits de manière à ce qu’il soit toujours possible d’utiliser les ressources limitées de la société pour une médecine utile et digne et de ne pas revenir sur les progrès réalisés. La SSDP est prête à apporter sa contribution à ce débat important pour un développement judicieux de la médecine moderne.
Entretien : Séverine Bonini