La différenciation entre les céphalées primaires et secondaires nécessite une bonne anamnèse.
Environ 90% des maux de tête sont primaires, c’est-à-dire bénins, comme les céphalées de tension ou les migraines. Les céphalées secondaires nécessitent souvent des examens complémentaires tels que le laboratoire, l’imagerie et éventuellement un examen du liquide céphalorachidien.
Les céphalées sont le symptôme neurologique le plus fréquent en soins primaires [1,2]. La distinction entre céphalées primaires et secondaires est cruciale pour le pronostic et les possibilités de traitement [3]. Selon la classification internationale des céphalées (ICHD-3), les céphalées primaires sont classées de la manière suivante [4] :
- la migraine,
- Maux de tête de type tension,
- Céphalées trigémino-autonomes,
- Autres maux de tête primaires.
Un pourcentage relativement faible de patients souffre d’un syndrome de céphalées secondaires qui peut nécessiter une prise en charge spécialisée. Une classification sommaire des céphalées secondaires selon l’ICHD-3 est présentée dans l ‘encadré [3,4]. Les causes secondaires les plus fréquentes sont la méningite, les accidents vasculaires cérébraux, l’inflammation des vaisseaux sanguins ou les effets secondaires des médicaments. La classification diagnostique des céphalées repose principalement sur l’anamnèse. S’il existe une suspicion fondée de causes secondaires, des techniques d’imagerie (IRM, scanner) peuvent être utilisées. Le Dr Athina Papadopoulou, directrice du groupe de recherche en neurologie à l’Hôpital universitaire de Bâle, recommande de structurer l’anamnèse et de poser des questions simples afin d’en savoir plus sur les aspects suivants [5] :
- le temps (durée, fréquence, dynamique),
- localisation (unilatérale, bilatérale),
- Caractère de la douleur (lancinante ? lancinante ?),
- Intensité (sur une échelle de 0 à 10),
- Symptômes associés (par ex. nausées, photophobie),
- déclencheurs (par exemple l’alcool, l’activité physique).
Dans environ 30% des cas, il s’agit de maux de tête localisés de manière bilatérale. Mais la durée des maux de tête est un critère de différenciation plus important que la localisation, selon l’oratrice. Selon un article d’Ashina et al. paru en 2021 dans le Lancet. seuls 1% des cas de migraine nécessitent une orientation vers des spécialistes, les autres cas pouvant être pris en charge en soins primaires [6].
Étude de cas 1 : migraine classique avec aura visuelle
Le Dr Papadopoulou a rapporté le cas d’une femme de 28 ans qui se plaignait de forts maux de tête, de troubles de la vision et de la sensation (sensation de fourmillement dans la main gauche, visage et langue) [5]. Après avoir posé des questions à ce sujet, il s’avère que les troubles de la perception ont précédé les céphalées en crise et que les troubles de la vision étaient des scintillements qui commençaient dans le champ visuel gauche et augmentaient lentement en binoculaire. Les troubles visuels et sensitifs ont duré environ une heure. La patiente a décrit le caractère de la douleur comme étant oppressante/poignante et unilatérale (côté droit). L’intensité de la douleur était forte (8 sur 10) et s’accompagnait d’une phonophobie et d’une photophobie. Deux ans auparavant, la patiente avait déjà subi un épisode de ce type. Une IRM avait alors été réalisée et s’était révélée sans particularité. L’anamnèse médicamenteuse est également sans particularité, la patiente ne prenant que la pilule. Antécédents familiaux de migraines du côté maternel.
L’intervenante a commenté ce cas de la manière suivante : il s’agit d’un cas typique de migraine, raison pour laquelle une imagerie n’est pas nécessaire à l’heure actuelle [5]. Des douleurs survenant par crises, accompagnées d’une hypersensibilité à la lumière et aux bruits et, le cas échéant, d’une sensibilité olfactive accrue, sont des signes classiques de migraine. Parfois, des nausées et des vomissements sont également présents. Une migraine avec aura, c’est-à-dire des signes neurologiques de stimulation ou de défaillance avant l’apparition des maux de tête, est présente chez environ un cinquième des patients migraineux. Une aura visuelle – comme chez cette patiente – est la plus fréquente et s’accompagne typiquement de troubles de la vision, de scintillements et de pertes du champ visuel. “Une aura est une surexcitation du cerveau, qui commence généralement dans le cortex visuel et se propage”, explique le Dr Papadopoulou [5]. Une scintillation qui apparaît sous forme de zigzag est très typique de la migraine. En ce qui concerne la localisation de la douleur, il s’agit dans la grande majorité des cas de céphalées unilatérales, les céphalées bilatérales étant beaucoup plus rares. En résumé, il s’agit dans ce cas d’une anamnèse typique de céphalées primaires connues par les antécédents. Certains patients souffrent de migraines depuis l’enfance, ce qui serait l’un des “green flags” (aperçu 1).
Étude de cas 2 : polynévrite crânienne
L’anamnèse s’est avérée un peu plus compliquée dans le cas d’un patient de 45 ans souffrant de céphalées récentes, constantes depuis deux semaines avec des “pics” de quelques secondes/minutes [5]. Le patient a décrit le caractère de la douleur comme une brûlure ou, lors des pics, comme une sensation électrique. L’intensité était de 8 à 10 points sur 10. Selon la description du patient, la douleur est localisée sur le côté pariéto-occipital gauche ; le patient ressent le contact avec le côté gauche du cuir chevelu comme désagréable (allodynie). Il n’y a pas d’éruptions cutanées ou de vésicules sur le cuir chevelu, comme cela pourrait être le cas avec l’herpès zoster. Le patient nie l’existence de symptômes associés tels que nausées ou photophobie. Aucun antécédent médical n’est connu. Dans ce cas, une IRM a été demandée. Celle-ci a révélé un enrichissement pathologique en produit de contraste de plusieurs nerfs, ce qui indique une polynévrite crânienne, selon le Dr Papadopoulou [5]. Une névralgie occipitale progressive avec parésie faciale et troubles de la déglutition de plus en plus graves était également présente. En outre, le côté gauche du visage semblait étrangement modifié. Les examens complémentaires (notamment un diagnostic de liquide) ont révélé une neuroborréliose due à une piqûre de tique survenue quelques semaines auparavant.
Il s’agit d’une évolution temporelle typique, car les manifestations neurologiques de la maladie de Lyme peuvent apparaître des semaines ou des mois après une piqûre de tique. Chez les adultes, la forme la plus courante est la méningoradiculonévrite, une méningite accompagnée d’une inflammation des racines nerveuses de la moelle épinière. Environ la moitié des personnes touchées souffrent de déficiences des nerfs crâniens, ce qui entraîne souvent une paralysie unilatérale ou bilatérale du visage [8].
Congrès : medArt Basel
Littérature :
- Do TP, et al.: Barriers and gaps in headache education: a national cross-sectional survey of neurology residents in Denmark. BMC Med Educ. 2022 Apr 1; 22(1): 233
- Steiner TJ, et al.: Recommendations for headache service organisation and delivery in Europe. J Headache Pain 2011; 12: 419–426.
- Wijeratne T, et al.: Secondary headaches – red and green flags and their significance for diagnostics. eNeurologicalSci 2023 Jun 30; 32: 100473.
- Headache Classification Committee of the International Headache Society (IHS) 3rd edition. vol. 38(1) Cephalalgia; 2018. The International Classification of Headache Disorders; pp. 1–211.
- «Kopfschmerzen, wann muss ich ein Bild machen? Leitfaden für Internisten», Clinical Case Seminar, CCS 316, PD Dr. med. Athina Papadopoulou, medArt, Basel, 17.–21.06.24.
- Ashina M, et al.: Migraine: epidemiology and systems of care. Lancet. 2021.
doi: 10.1016/S0140-6736(20)32160-7. - Pohl H, et al.: Green Flags and headache: A concept study using the Delphi method. Headache 2021 Feb; 61(2): 300–309.
- «Zecken: So schützt man sich vor einer Neuroborreliose», https://hirnstiftung.org/2024/05/zecken-so-schuetzt-man-sich-vor-einer-neuroborreliose (dernière consultation 21.08.2024).
HAUSARZT PRAXIS 2024 ; 19(9) : 36–37 (publié le 18.9.24, ahead of print)