En médecine, il faut penser à la possibilité d’un effet génétique. La familiarité peut être indicative, mais les maladies génétiques se manifestent aussi de manière sporadique. Le séquençage à haut débit le plus moderne permet aujourd’hui d’établir des diagnostics qui, jusqu’à récemment, n’étaient possibles qu’après un long délai, voire pas du tout. Le diagnostic génétique est important non seulement pour la prévention ciblée et le conseil familial, mais aussi pour le traitement de la cause.
Les maladies peuvent être d’origine génétique. Dans les maladies multifactorielles courantes, telles que l’hypertension et le diabète, les effets génétiques sont généralement multiples et ne sont forts que lorsqu’ils sont cumulés, alors qu’une maladie monogénique est due à des mutations d’un seul gène. Les maladies monogéniques font presque toutes partie des maladies rares (prévalence <1:2000), ce qui explique qu’elles soient sous-estimées par la politique de santé et que leur prise en charge ne soit souvent pas optimale. Mais comme il existe plus de 5000 maladies rares différentes, le nombre total de personnes touchées est important et correspond dans notre pays au nombre de patients atteints de diabète.
La révolution génétique en médecine
Ce n’est que récemment que les maladies rares ont reçu l’attention qu’elles méritent. La génétique y contribue de manière décisive grâce à de nouvelles méthodes. En outre, de forts effets génétiques peuvent également être identifiés dans des sous-groupes de maladies courantes telles que les formes familiales de cancer du sein ou du côlon. De plus, ces dernières années, l’importance médicale des mutations somatiques est passée au premier plan, comme dans l’hypertension artérielle due à l’hyperaldostéronisme [1] ou dans les sous-formes d’épilepsie [2]. Les modifications épigénétiques, qui n’affectent pas directement la séquence d’ADN mais la régulation des gènes, sont également de plus en plus importantes.
Parmi les nouvelles méthodes de génétique figurent en bonne place les analyses génomiques (à ne pas confondre avec les tests génétiques sur Internet ou en pharmacie). Bien qu’ils soient encore relativement coûteux, ils sont particulièrement performants dans la détection des maladies, l’analyse de l’ADN acellulaire circulant dans le sang – qui permet une évaluation génétique des tissus sans les biopsier directement – et l’étude de cellules individuelles dans de très petits échantillons biologiques. Avec ces progrès, l’importance médicale de la génétique augmente rapidement. Les trois exemples suivants illustrent ce point.
La fin d’une odyssée diagnostique de dix ans
Un enfant se distinguait déjà depuis sa naissance par une hypotonie musculaire et un retard de développement. Plus tard, l’épilepsie et une scoliose sévère sont venues s’y ajouter. Des recherches multiples et coûteuses menées sur une période de dix ans n’ont pas abouti.
Notre analyse à l’échelle du génome a révélé la présence d’une délétion de novo de ~50 gènes. Comme les cas décrits avec une délétion comparable présentent des symptômes similaires, le diagnostic a été posé et l'”odyssée diagnostique” du patient a pu prendre fin.
Nouvelle sous-forme d’un syndrome
Une jeune fille de grande taille a été victime de deux syncopes qui ont beaucoup inquiété ses parents. Un bloc AV de premier degré et un diamètre de la racine aortique à la limite supérieure de la normale ont été trouvés, mais aucun diagnostic clair n’a été établi. L’examen clinique et génétique a révélé un habitus marfanoïde sans symptômes oculaires, mais avec une fente du palais mou.
L’étude des gènes connus pour être ou potentiellement à l’origine des signes cliniques présents a permis de mettre en évidence une mutation du TGFB3 [3]. Comme des mutations du TGFB3 ont également été décrites peu après chez des patients similaires [4], le diagnostic d’une nouvelle sous-forme du syndrome de Loeys-Dietz (LDS type 5) a été confirmé chez notre patiente. Cela a eu une incidence directe sur leur prise en charge clinique, car les patients atteints de LDS sont sujets à de graves complications cardiovasculaires.
Un membre de la famille initie l’examen génétique
Le mari d’une patiente de 46 ans atteinte d’un cancer du rein bilatéral a appris que son beau-père avait lui aussi déjà subi une opération du rein. Alors que les médecins n’y pensaient pas malgré la bilatéralité, il a soupçonné une forme familiale de carcinome rénal, le syndrome autosomique dominant de Birt-Hogg-Dubé (BHD), d’autant plus que la patiente présentait des kystes pulmonaires et son père des follicules cutanés au niveau de la tête et du cou. Il s’est adressé à nous et nous avons pu mettre en évidence une mutation FLCN causant la BHD chez la patiente et son père [5]. Cela a non seulement permis de poser le bon diagnostic, mais aussi de proposer à la famille une évaluation génétique ciblée.
Littérature :
- Beuschlein F, et al : Des mutations somatiques dans ATP1A1 et ATP2B3 conduisent à des adénomes producteurs d’aldostérone et à une hypertension secondaire. Nat Genet 2013 ; 45 : 440-444.
- Lim JS, et al : Des mutations cérébrales somatiques dans MTOR provoquent une dysplasie corticale focale de type II conduisant à une épilepsie intractable. Nat Med 2015 ; 21 : 395-400.
- Matyas G, et al : Mutation de novo du domaine peptidique associé à la latence du TGFB3 chez un patient présentant une hypertrophie et des caractéristiques du syndrome de Loeys-Dietz. Am J Med Genet A 2014 ; 164A : 2141-2143.
- Bertoli-Avella AM, et al : Des mutations dans un ligand du TGF-β, TGFB3, provoquent des anévrismes aortiques syndromiques et des dissections. J Am Coll Cardiol 2015 ; 65 : 1324-1336.
- Näf E, et al : Birt-Hogg-Dubé syndrome : Novel FLCN frameshift deletion in daughter and father with renal cell carcinomas. Fam Cancer (sous revue).
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(9) : 9