Le traitement moderne de l’asthme est basé sur les phénotypes. Les objectifs du traitement à long terme sont un bon contrôle des symptômes et la minimisation du risque d’exacerbation. Toutefois, le contrôle des symptômes n’est pas synonyme de sévérité de l’asthme.
L’asthme est une maladie respiratoire hétérogène, multifactorielle, souvent chronique, inflammatoire ou éosinophile, généralement associée à une hyperréactivité bronchique et/ou à une obstruction variable des voies respiratoires. Le traitement moderne de l’asthme est spécifique au phénotype, ce qui suppose un diagnostic différencié en conséquence. Les objectifs à long terme de la prise en charge de l’asthme sont en premier lieu un bon contrôle des symptômes et la minimisation du risque d’exacerbation et des effets secondaires des médicaments. Pour un bon contrôle des symptômes, les critères suivants doivent être remplis : L’utilisation d’un β2-agoniste à courte durée d’action (SABA) n’est pas nécessaire plus de deux fois par semaine et une activité physique normale (y compris les sports quotidiens) n’entraîne pas de toux ni de difficultés respiratoires. Le test de contrôle de l’asthme (ACT®) est un outil de diagnostic structuré qui permet d’évaluer les symptômes par des questions ciblées [1].
Contrôle des symptômes n’est pas synonyme de gravité
Un bon contrôle de l’asthme sévère est possible avec un traitement bien établi, mais un patient souffrant d’asthme léger peut présenter des symptômes sévères, par exemple en cas de traitement insuffisant, d’exposition à des allergènes ou dans le cadre d’une infection virale des voies respiratoires. Les exacerbations peuvent survenir même en cas de bon contrôle des symptômes et se caractérisent par une dyspnée plus fréquente, un besoin croissant de β2-agonistes à courte durée d’action, respectivement une baisse significative du “peak flow”. Pour une évaluation objective, le médecin généraliste peut procéder à un contrôle spirométrique du VEMS et à une détermination du nombre d’éosinophiles sanguins sur la formule sanguine différentielle. Dans le cadre d’un examen pneumologique, la mesure du FeNO permet de tirer des conclusions supplémentaires. Il est important de contrôler le VEMS non seulement pendant les phases symptomatiques, mais aussi pendant les phases asymptomatiques. Cela permet d’obtenir le meilleur VEMS individuel sur lequel s’oriente, entre autres, le traitement à long terme.
Les médicaments contre l’asthme sont classés en traitements à long terme (“contrôleurs”) et en médicaments à la demande (“releveurs”). Le traitement s’oriente selon un schéma progressif conforme aux directives internationales GINA sur l’asthme [2] (fig. 1) :
- Niveau 1 : on ne traite qu’avec un β2-agoniste de courte durée d’action (SABA) en cas de besoin, qui ne devrait pas être nécessaire plus de deux fois par semaine.
- Niveau 2 : en cas de besoin plus fréquent d’un médicament d’urgence, des stéroïdes inhalés à faible dose (CSI) doivent être prescrits de manière fixe en plus.
- Niveau 3 : la dose de stéroïdes inhalés doit être augmentée et/ou des β2-agonistes à longue durée d’action (LABA) doivent être ajoutés de manière fixe pour un contrôle suffisant de l’asthme.
- Niveau 4 : une utilisation régulière de stéroïdes inhalés à haute dose (CSI) en combinaison avec des β2-agonistes à longue durée d’action (LABA) est nécessaire.
- Étape 5 : le traitement doit être encore complété, par exemple par des produits biologiques ou des corticostéroïdes oraux quotidiens.
L’asthme est dit léger lorsqu’il peut être contrôlé par les niveaux 1 et 2. Si le niveau 3 est nécessaire, il s’agit d’un asthme modéré. En cas d’asthme sévère, une intensité de traitement de niveau 4 ou 5 est nécessaire. Les cas d’asthme sévère nécessitant un traitement de niveau 4 ou 5 (corticostéroïdes inhalés à haute dose en association avec un deuxième β2-agoniste à longue durée d’action), y compris les patients chez lesquels un contrôle insuffisant des symptômes est obtenu malgré une bonne adhérence et une technique d’inhalation adéquate [2].
Selon l’Initiative mondiale pour l’asthme (GINA), la classification en asthme non contrôlé, difficile à traiter et sévère repose sur les critères de distinction suivants [2] :
- On parle d’asthme non contrôlé lorsque l’un des critères suivants ou les deux sont remplis : 1) mauvais contrôle des symptômes (symptômes fréquents ou médicaments à la demande, limitation des activités quotidiennes liée à l’asthme, réveils nocturnes ; 2) exacerbations fréquentes (≥2 par an) et utilisation appropriée de corticostéroïdes oraux (OCS) ou exacerbations graves (≥1 par an) suivies d’une hospitalisation.
- Les critères d’ asthme difficile à traiter sont les suivants : Contrôle insuffisant des symptômes et apparition d’exacerbations malgré un traitement selon le niveau 4 ou 5 du GINA, par exemple avec des corticostéroïdes inhalés (CSI) à doses modérées ou élevées avec un deuxième traitement à long terme ; traitement d’entretien par OCS). Dans de nombreux cas, l’asthme semble difficile à traiter en raison de différents facteurs modifiables tels qu’une technique d’inhalation incorrecte, une adhérence insuffisante, le tabagisme ou des comorbidités, ou parce que le diagnostic est incorrect.
- La catégorie asthme sévère regroupe différentes formes d’asthme difficiles à traiter. Cela signifie qu’un contrôle insuffisant des symptômes est obtenu malgré l’adhésion à un traitement optimisé au maximum ainsi que le traitement d’autres facteurs liés à la maladie ou une aggravation de l’état en cas de diminution du traitement à haute dose.
Algorithme d’évaluation de l’asthme difficile à traiter
A l’heure actuelle, l'”asthme sévère” est une classification rétrospective. On parle parfois d’asthme réfractaire sévère, car la résistance au traitement par inhalation à fortes doses est un critère. Cependant, depuis l’autorisation de mise sur le marché des médicaments biologiques, on ne parle plus de réfractaire. En cas d’asthme difficile à traiter, l’algorithme d’évaluation suivant est proposé [2].
- Vérifier le diagnostic : S’agit-il vraiment d’asthme ? En cas d’incertitude après l’examen, y compris la détermination du VEMS par spirométrie, il convient d’adresser le patient à un pneumologue ou un médecin. d’autres spécialistes. Les diagnostics différentiels possibles incluent les causes infectieuses ou cardiaques ou la bronchioectasie.
- Y a-t-il d’autres facteurs influençables qui ont un impact sur les symptômes et les exacerbations ? (technique d’inhalation incorrecte ; adhésion insuffisante ; comorbidités, y compris anxiété et dépression, obésité, rhinosinusite chronique, obstruction laryngée, RGO, BPCO, apnée obstructive du sommeil, bronchio-éctasie, maladies cardiaques, cyphose due à l’ostéoporose) ; déclencheurs (par ex. tabagisme, facteurs environnementaux, etc.) ; surutilisation des SABA ; anxiété, dépression, problèmes sociaux et financiers ; effets secondaires des médicaments.
- La thérapie peut-elle être optimisée par une/plusieurs des mesures suivantes ? Education des patients ; traitement inhalé à long terme ; traitement des comorbidités et des facteurs de risque ; traitement complémentaire non pharmacologique (par ex. arrêt du tabac, alimentation, exercice) ; substances non biologiques complémentaires aux CSI à doses modérées à élevées (par ex. LABA, tiotropium, leucotriènes) ; doses élevées de CSI si elles sont faibles.
- Évaluer la réponse après 3-6 mois : Comment les paramètres suivants ont-ils évolué ? Contrôle des symptômes, exacerbations, effets secondaires des médicaments, technique d’inhalation et adhérence, fonction pulmonaire, satisfaction et préoccupations des patients.
Si l’asthme n’est toujours pas contrôlé malgré l’optimisation du traitement, on peut supposer qu’il s’agit d’un asthme sévère. Le patient doit être adressé à un spécialiste ou à une clinique spécialisée dans le traitement de l’asthme si cela n’a pas encore été fait. Si l’asthme est bien contrôlé après la mise en œuvre des mesures décrites, une diminution du traitement peut être envisagée. Cela signifie d’abord une diminution des éventuels OCS, puis l’abandon d’autres traitements et une réduction des doses de CSI (ne pas arrêter complètement les CSI). Les directives GINA 2019 fournissent des instructions détaillées à ce sujet [2].
Traitement basé sur le phénotype : envisager des alternatives aux stéroïdes oraux
Chez les patients souffrant d’asthme sévère, la surconsommation de stéroïdes oraux reste fréquente, comme le montrent les données néerlandaises présentées lors du congrès ERS 2019 [4]. Les raisons évoquées sont d’une part une utilisation non optimale de l’inhalateur et d’autre part une réticence à prescrire des médicaments biologiques. Avant de prescrire des corticoïdes oraux, les médecins doivent vérifier que le patient adhère à son traitement par inhalation et qu’il l’utilise correctement. En outre, il convient d’examiner si un médicament biologique est envisageable [4]. L’initiation d’un traitement biologique à partir du niveau 5 requiert les critères de l’asthme sévère. L’objectif du traitement est, outre l’amélioration du contrôle de l’asthme, la réduction de l’OCS et la prévention des exacerbations [5]. Cinq médicaments biologiques sont désormais disponibles pour le traitement de l’asthme sévère, lorsque les symptômes ne sont pas contrôlés malgré un traitement continu par CSI à haute dose et un bêtamimétique à longue durée d’action. L’anticorps monoclonal dupilumab est un antagoniste des récepteurs IL-4/13. Le mépolizumab, le reslizumab et le benralizumab sont des anticorps dirigés contre l’IL-5 ou le récepteur de l’IL-5. La grande étude de cohorte IDEAL a montré une forte corrélation entre l’IL-5 et les éosinophiles dans l’asthme sévère [6]. Une taskforce de l’ERS et de l’ATS a évalué les preuves concernant ces options thérapeutiques et d’autres nouvelles options (azithromycine, tiotropium) dans des méta-analyses et en a déduit six recommandations pour la prise en charge de l’asthme sévère [7] (aperçu 1).
Littérature :
- Test de contrôle de l’asthme, www.asthmacontroltest.com
- Initiative mondiale pour l’asthme (GINA) : 2019 Difficult-to-treat and severe asthma, https://ginasthma.org/severeasthma
- Reddel HK, et al : GINA 2019 : a fundamental change in asthma management, European Respiratory Journal 2019 ; 53 : 1901046 ; DOI : 10.1183/13993003.01046-2019.
- Eger K, et al. : Overuse of oral corticosteroids in asthma – modifiable factors and potential role of biologics, Abstract OA5334, presented at ERS 2019.
- Powitz F : Asthme bronchique. Update 2019, MMW Progrès de la médecine, numéro spécial 1/2019, www.springermedizin.de/asthma-bronchiale/kindliches-asthma/asthma-bronchiale/16574534
- Müllerova H, et al : Associations of blood cytokines and eosinophils in severe asthma. PA633, Congrès ERS, 10 septembre 2017.
- Holguin F, et al : Guide de l’ERS et de l’ATS Six nouvelles recommandations pour l’asthme sévère, Eur Respir J. 2019 : Management of Severe Asthma : a European Respiratory Society/American Thoracic Society Guideline. Eur Respir J 2019 Sep 26. pii : 1900588. doi : 10.1183/13993003.00588-2019. [Epub ahead of print]
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(1) : 23-25