Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années, tant pour la maladie d’Alzheimer que pour la démence à corps de Lewy. Cela concerne surtout la compréhension de la maladie et le diagnostic. De nouvelles substances sont en cours d’essais cliniques avancés.
La MA et la DLB sont l’expression des pathologies neurodégénératives les plus fréquentes chez les personnes âgées. Dans les deux cas, il s’agit d’un dépôt progressif de protéines mal repliées (AD : bêta-amyloïde et Tau/DLB : alpha-synucléine), qui entraîne une perte progressive des synapses et des cellules nerveuses, ainsi qu’une aggravation des troubles cognitifs. Avec l’âge, les comorbidités des deux pathologies et surtout les combinaisons avec des lésions cérébrales d’origine cérébrovasculaire se multiplient.
Ces dernières années, les nouveautés ont surtout porté sur le diagnostic et la compréhension de la maladie. Dans les deux formes de démence, le traitement continue à faire appel en premier lieu aux inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et au ginkgo, la mémantine étant également disponible en cas de démence d’Alzheimer modérée. De nouvelles substances ayant une approche causale de la maladie sont en phase avancée d’essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer.
Nouveaux systèmes de diagnostic
Les nouveaux systèmes de diagnostic reflètent un changement de compréhension de la maladie et favorisent le diagnostic précoce.
La DLB et la MA ont toutes deux pour origine biologique une pathologie qui s’accumule au fil des années et qui évolue initialement sans troubles cognitifs détectables avec certitude par le diagnostic. Il y a ensuite un stade où les pertes cognitives sont détectables sur le plan neuropsychologique, mais entraînent au maximum un handicap mineur dans la vie quotidienne pour des activités complexes. Celui-ci est bien défini, en particulier dans la MA, et est défini dans des lignes directrices diagnostiques spécifiques comme un “trouble cognitif léger dû à une maladie d’Alzheimer” ou comme une “maladie d’Alzheimer prodromique” [1,2].
Lorsque l’autonomie de vie est compromise, on parle de “démence”. Dans la pratique courante, c’est souvent à ce stade que l’on attribue la cause.
Dans le DSM V, la notion de démence disparaît et un “trouble neurocognitif mineur” ou “majeur” peut être diagnostiqué. Dans les deux stades, une attribution étiologique est faite, par exemple “trouble cognitif mineur dû à la maladie d’Alzheimer”. La condition de base est une détérioration cognitive constatée subjectivement ou par un tiers (proche, médecin traitant) et une limitation mesurable dans l’un des domaines cognitifs suivants : attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, langage, capacités perceptivo-motrices et cognitions sociales. Ceux-ci entraînent dans le trouble majeur un certain manque d’autonomie, c’est-à-dire une dépendance à l’aide pour des tâches complexes, ce qui n’est pas le cas dans le trouble mineur.
Ces modifications favorisent le diagnostic précoce, car elles permettent de diagnostiquer la maladie indépendamment du concept de démence. De plus, contrairement au DSM IV et à la CIM 10, le diagnostic peut être posé indépendamment de la présence de troubles de la mémoire. Cela est opportun, car dans de nombreuses maladies conduisant à la démence, ce n’est pas la mémoire qui est principalement touchée.
Dans la pratique clinique actuelle, le concept de démence reste cependant très important, car il fait partie intégrante de la communication commune des patients, des proches, des soignants, des assureurs, des neuropsychologues et des médecins, et il est actuellement impossible d’y renoncer [3].
Intégration de biomarqueurs dans les systèmes de diagnostic
Les biomarqueurs peuvent améliorer la fiabilité du diagnostic, tant pour la MA que pour la DLB. La publication de systèmes de diagnostic intégrant des biomarqueurs devrait faciliter leur application clinique. Cependant, il existe peu d’études qui démontrent de manière prospective un bénéfice de l’utilisation de biomarqueurs sur les résultats thérapeutiques ou la qualité de vie des personnes atteintes. Celui-ci est implicitement supposé via l’augmentation de la sécurité du diagnostic. De plus, les études comparant l’utilité des différents biomarqueurs par rapport à des questions spécifiques sont encore peu nombreuses dans l’ensemble [4].
L’utilisation de biomarqueurs dépend donc de la question posée au cas par cas et exige du médecin une connaissance détaillée de la valeur diagnostique des différents biomarqueurs et de leurs incertitudes. Il est aussi et surtout important d’examiner avec le patient les bénéfices que l’on peut attendre d’un diagnostic plus précoce et plus précis.
Biomarqueurs dans la maladie d’Alzheimer (MA)
Le tableau 1 énumère les biomarqueurs les plus couramment utilisés pour étayer le diagnostic d’AK dans le cadre d’un diagnostic précoce et différentiel [4].
Diagnostic précoce et gestion des patients
La CA peut être diagnostiquée avec une bonne certitude diagnostique, tant au stade de trouble cognitif léger qu’à celui de démence légère. Le moment optimal pour établir un diagnostic dépend à nouveau fortement des besoins de chaque cas. Il est essentiel d’exclure soigneusement et rapidement d’autres causes, éventuellement réversibles. D’autres arguments en faveur d’un diagnostic plus précoce sont des conséquences claires pour la planification de l’avenir et la situation sociale du patient (par exemple, les patients qui travaillent encore et pour lesquels une incapacité de travail serait prévisible). Un diagnostic précoce peut servir à éviter les complications en prenant des mesures de réduction des risques. Dans ce cas, l’éventail va du retrait social et des mauvaises décisions commerciales au délire ou aux accidents de la route. L’accent doit être mis sur les besoins du patient, qui, grâce à un diagnostic précoce, aura la possibilité d’utiliser ces connaissances pour planifier sa vie future. Mais il devrait aussi avoir la possibilité d’adopter une approche attentiste et observatrice si cela lui convient mieux [5]. L’efficacité du traitement médicamenteux est certaine au stade de la MA légère.
Traitement médicamenteux de la maladie d’Alzheimer
Ces dernières années, aucun nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer n’a reçu d’autorisation de mise sur le marché en Suisse. Les inhibiteurs de la cholinestérase sont également autorisés dans la MA légère à modérée, la mémantine dans la MA modérée et sévère et le ginkgo biloba. De nombreuses études ont montré qu’une médication anti-démence, en plus d’avoir une influence favorable sur la cognition et les symptômes neuropsychiatriques, a également un effet sur d’autres critères d’évaluation très importants pour les patients et leurs proches. Par exemple, le temps nécessaire à l’entrée en maison de retraite est prolongé. Plusieurs études indiquent que l’association de la mémantine et des inhibiteurs de la cholinestérase a un effet supérieur à celui d’une monothérapie, en particulier aux stades modérés de la maladie. Il n’existe cependant aucune obligation de prise en charge par les caisses d’assurance maladie à cet égard [6].
Études cliniques
Actuellement, des substances ayant une efficacité biologique claire avec une approche de la bêta-amyloïde sont en phase d’essais cliniques avancés (phase III). Les inhibiteurs de la bêta-sécrétase réduisent la formation de nouvelle bêta-amyloïde ; les stratégies impliquant l’administration d’anticorps contre la bêta-amyloïde tentent de réduire la bêta-amyloïde dans le cerveau. Par exemple, dans une étude de phase Ib, l’anticorps aducanumab a entraîné une réduction dose-dépendante des plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau après une administration d’environ un an. Cela s’est en outre accompagné d’un ralentissement de la détérioration clinique [7]. Les groupes cibles de ces études sont actuellement principalement les patients atteints de MA légère ou de troubles cognitifs légers dus à la maladie d’Alzheimer, car on pense que les substances ont une meilleure efficacité à des stades plus précoces. L’espoir est qu’une nouvelle approche thérapeutique efficace soit disponible dans un avenir proche. En outre, les premières grandes études sont également entreprises avec des participants sans troubles cognitifs, mais présentant des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer [8].
Nouveaux critères de diagnostic de la DLB
La DLB a tendance à être sous-diagnostiquée et un diagnostic de MA est souvent posé à la place. Et ce, bien qu’il existe des différences notables en termes de symptômes cliniques et de difficultés attendues dans l’évolution de la maladie.
Pour y remédier, des critères de diagnostic de la DLB ont été mis en œuvre et une nouvelle révision a été publiée en 2017. La condition de base pour le diagnostic d’une DLB est un déclin cognitif qui conduit à une capacité limitée dans la vie sociale et professionnelle ou dans la gestion de la vie quotidienne. Contrairement à la MA, il n’existe pas encore de critères spécifiques pour un diagnostic précoce.
Les critères cliniques clés sont une cognition fluctuante, des hallucinations optiques et des troubles moteurs de type parkinsonien. Désormais, le trouble du comportement du sommeil paradoxal fait également partie des critères de base.
La cognition fluctuante peut se manifester, par exemple, par des phases d’étourdissement, de regard fixe ou de discours incohérent, alors que dans d’autres phases, la clarté cognitive est présente. Les hallucinations visuelles sont typiquement élaborées et ont souvent pour contenu des personnes ou des animaux. En ce qui concerne les troubles moteurs, on ne trouve souvent qu’un seul des symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson : la rigidité, la bradykinésie ou les tremblements. Le trouble du sommeil paradoxal se caractérise par l’expression de contenus oniriques qui ont souvent un caractère de fuite ou d’attaque. Ceci en raison de l’absence d’atonie musculaire durant cette phase de sommeil. La sévérité du trouble du sommeil paradoxal peut varier et même s’atténuer au fil du temps.
Si deux de ces symptômes clés sont présents, le diagnostic de DLB probable peut être posé. Les biomarqueurs fortement évocateurs d’une DLB sont les preuves d’une réduction de la liaison des transporteurs de dopamine des traceurs spécifiques TEP ou SPECT dans le striatum ou d’une réduction de l’innervation sympathique post-ganglionnaire du cœur (scintigraphie cardiaque à la métaiodobenzylguanidine). La détection polysomnographique d’une absence d’atonie en sommeil paradoxal est également un biomarqueur évocateur. S’il est présent, l’association avec l’un des symptômes clés suffit à diagnostiquer une DLB probable.
Les caractéristiques cliniques fréquentes de la DLB, bien que non spécifiques, sont critiques pour l’évolution de la maladie. Il s’agit notamment d’une forte sensibilité aux substances antidopaminergiques, d’une instabilité posturale, de chutes, de signes de dysfonctionnement autonome tels que la constipation, l’incontinence ou l’hypotension orthostatique [9].
Traitement médicamenteux de la DLB
Le traitement médicamenteux est très complexe et s’oriente fortement sur les symptômes. Les preuves les plus claires concernent l’utilisation des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, avec des indications d’amélioration de la cognition et du niveau de fonctionnement dans la vie quotidienne, ainsi qu’un retard de la progression de la maladie. Les symptômes neuropsychiatriques tels que les hallucinations visuelles, les phénomènes délirants ou l’apathie peuvent également s’améliorer sous inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. Les substances antidopaminergiques doivent être évitées. Lors du traitement des troubles moteurs, il convient de noter que la L-Dopa a tendance à être moins efficace que dans la maladie de Parkinson et peut entraîner une aggravation des symptômes neuropsychiatriques. C’est pourquoi le principe “start low, go slow” est particulièrement recommandé ici. En raison de la complexité du traitement médicamenteux et de la multiplicité des symptômes possibles, une gestion thérapeutique étroite impliquant les proches ou d’autres aidants est fortement recommandée [9].
Littérature :
- Dubois B, et al : Advancing research diagnosis criteria for Alzheimer’s disease : the IWG-2 criteria. The Lancet Neurology 2014 ; 13(6) : 614-629.
- Albert MS, et al : The diagnosis of mild cognitive impairment due to Alzheimer’s disease : recommendations from the National Institute on Aging-Alzheimer’s Association workgroups on diagnostic guidelines for Alzheimer’s disease. Alzheimer & démence : la revue de l’Association Alzheimer 2011 ; 7(3) : 270-279.
- Maier W, Barnikol UB : [Neurocognitive disorders in DSM-5 : Pervasive changes in the diagnosis of dementia]. Le neurologue 2014 May ; 85(5) : 564-570.
- Frisoni GB, et al : Biomarqueurs pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer dans la pratique clinique : une feuille de route intersociale italienne. Neurobiology of aging 2017 ; 52 : 119-131.
- Gietl AF, Innocence PG : [Screening and prevention of cognitive disorder in the elderly]. Revue médicale suisse 2015 ; 11(491) : 1944-1948.
- Kressig RW : [Dementia of the Alzheimer type : non-drug and drug therapy]. Ther Umsch 2015 ; 72(4) : 233-238.
- Sevigny J, et al : L’anticorps aducanumab réduit les plaques d’Abeta dans la maladie d’Alzheimer. Nature 2016 ; 537(7618) : 50-56.
- Aisen P, et al : EU/US/CTAD Task Force : Lessons Learned from Recent and Current Alzheimer’s Prevention Trials. J Prev Alzheimers Dis 2017 ; 4(2) : 116-124.
- McKeith IG, et al. : Diagnostic et prise en charge de la démence avec corps de Lewy : Quatrième rapport de consensus du Consortium DLB. Neurology 2017 ; 89(1) : 88-100.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(2) : 23-27