Les troubles du sommeil sont l’un des troubles les plus courants dans la population normale. Jusqu’à un quart d’entre eux souffrent de troubles de l’endormissement ou d’un sommeil non réparateur d’une durée d’au moins six mois. Les conséquences négatives sont des troubles de l’attention et de la concentration liés à la fatigue et à la somnolence, avec des conséquences parfois fatales sur la route ou chez les professionnels exposés. La classification internationale (ICSD-2) [1] regroupe un total de 88 troubles du sommeil/de la veille. Dans ce contexte, un diagnostic et un traitement rationnels sont essentiels.
Un traitement rationnel nécessite un diagnostic précis des troubles du sommeil et de l’éveil. L’anamnèse doit tout d’abord classer les troubles du sommeil et de la vigilance en deux grandes catégories, à savoir l’insomnie avec troubles de l’endormissement et/ou du maintien du sommeil et l’hypersomnie sous forme de somnolence diurne et de durée de sommeil accrue. La somnolence diurne désigne une capacité réduite à maintenir l’éveil et l’attention continue. Cliniquement, la somnolence se traduit par une sensation subjective et une tendance à s’endormir, surtout dans des situations monotones. La somnolence peut être évaluée de manière standardisée à l’aide de questionnaires (par exemple le score de somnolence d’Epworth) et objectivée et quantifiée à l’aide de tests de vigilance (test de latence de sommeil multiple ; MSLT et test de maintenance de la somnolence ; MWT) [2]. Il faut distinguer la somnolence diurne de la fatigue, qui désigne une diminution de la capacité de l’ensemble de l’organisme à remplir ses fonctions. Cela concerne les fonctions motrices (musculaires) et psychologiques dans différentes dimensions (perception, cognition) et les performances psychosociales. Cliniquement, la fatigue se traduit par une sensation subjective de lassitude et d’épuisement liée à l’activité. Le terme anglo-américain de fatigue est de plus en plus utilisé et correspond à un état d’épuisement physique ou cognitif persistant, perçu subjectivement, même en l’absence de toute sollicitation préalable. La fatigue ne peut pas être objectivée ou mesurée, mais elle est graduée en termes de gravité à l’aide de questionnaires (par exemple, l’échelle de sévérité de la fatigue).
Le troisième groupe principal de parasomnies devrait être délimité comme étant des phénomènes moteurs, sensoriels ou mentaux inadéquats pendant le sommeil, parfois avec des modèles de comportement complexes. Outre ces trois groupes principaux, la CISD-2 classe d’autres troubles du sommeil et de l’éveil qui ne relèvent pas nécessairement de l’insomnie, de l’hypersomnie ou de la parasomnie (par exemple, les troubles circadiens) ou qui peuvent induire à la fois une insomnie et une hypersomnie (par exemple, les troubles respiratoires liés au sommeil). Pour établir un diagnostic précis, il est parfois nécessaire de recourir à des appareils supplémentaires et à des examens de laboratoire complexes. Les tableaux 1 et 2 donnent un aperçu des causes les plus fréquentes de troubles du sommeil et de l’éveil et des examens complémentaires recommandés. Le traitement rationnel des troubles du sommeil et de l’éveil doit s’orienter vers trois aspects :
- De quel groupe de troubles du sommeil et de la vigilance s’agit-il ? (insomnie, hypersomnie, parasomnie, autres)
- Quel est le degré d’urgence de la thérapie ? Outre les aspects médicaux, les questions de médecine du travail et les aspects liés aux assurances jouent ici un rôle (par exemple, le patient peut-il conduire un véhicule ? Le patient peut-il continuer à exercer sa profession, par ex. pilote)
- Que peut faire le médecin non spécialisé et quand est-il nécessaire d’orienter le patient vers un centre spécialisé ?
Insomnies
La plupart des patients insomniaques sont traités par des médicaments prescrits par des médecins non spécialisés, ce qui pose souvent des problèmes dans le cadre d’un traitement à long terme. De plus, le traitement de l’insomnie a évolué ces dernières années. Alors que l’on considérait auparavant que le traitement de la maladie de base (par exemple la dépression) traitait en même temps l’insomnie de manière suffisante, on suit aujourd’hui le concept d’insomnie comorbide, dans lequel le trouble du sommeil doit également être traité de manière spécifique. L’idée de base des thérapies non médicamenteuses implique l’identification et le traitement des facteurs qui déclenchent et maintiennent l’insomnie [4]. Les règles thérapeutiques de base comprennent un environnement de sommeil adéquat, l’introduction de rituels du soir, l’évitement de la consommation de caféine ou d’alcool, le respect d’un rythme sommeil/éveil régulier, la restriction des heures de coucher au temps de sommeil réel, l’abandon de l’environnement de sommeil en cas de troubles de l’endormissement ou de la continuité du sommeil et l’évitement du sommeil diurne même après des “nuits blanches”. Les séances psychoéducatives spéciales jouent un rôle central, en corrigeant les informations erronées sur (par exemple “j’ai besoin de 8 heures de sommeil par jour”) et en enseignant des techniques d’interruption des ruminations et/ou des techniques de relaxation (relaxation musculaire progressive, training autogène) et le biofeedback.
En ce qui concerne le traitement médicamenteux, les hypnotiques ne sont autorisés que pour l’intervention de crise sur une période de deux à quatre semaines ; un traitement général à long terme de l’insomnie ne peut pas être préconisé. Le tableau 3 donne un aperçu des substances disponibles dans le commerce. Certains aspects méritent d’être brièvement mentionnés ici. Les agonistes des récepteurs des benzodiazépines sont aussi efficaces que les benzodiazépines classiques. Un traitement par intervalles avec des agonistes des récepteurs des benzodiazépines peut être une bonne alternative. Les antidépresseurs sédatifs trazodone, doxépine et mirtazapine peuvent être recommandés. Les neuroleptiques de faible puissance sont à éviter compte tenu des risques spécifiques à chaque substance. La mélatonine ne peut pas être recommandée de manière générale pour le traitement de l’insomnie, à l’exception de la mélatonine à libération prolongée pour le traitement de l’insomnie chez les patients âgés de >55 ans.
hypersomnies/somnolence diurne
Le traitement des hypersomnies dépend exclusivement du diagnostic sous-jacent et doit être confié à un médecin spécialisé. Le manque de sommeil chronique est aujourd’hui l’une des principales causes de la somnolence diurne, et de nombreux patients ne connaissent pas leurs besoins individuels en sommeil. En règle générale, les temps de repos/d’activité (mesurés par actigraphie) ne doivent pas différer de plus de 1,5 à 2 heures les jours ouvrables et les jours non ouvrables. Les troubles circadiens qui peuvent entraîner une somnolence diurne (ou insomnie) doivent être traités progressivement sous la forme d’un décalage des phases de sommeil, soutenu par la mélatonine et la luminothérapie. Dans ce cas, une évaluation minutieuse entre les mains d’un médecin du sommeil ou d’un chronobiologiste est nécessaire, car l’effet de la lumière et de la mélatonine dépend du moment de l’application et du syndrome spécifique. Le tableau 4 donne un aperçu du traitement de l’hypersomnie/somnolence diurne spécifique.
Parasomnies
Le traitement des parasomnies vise à éviter les facteurs déclencheurs (alcool, médicaments, manque de sommeil, fièvre et autres) et à adapter l’environnement du sommeil (retirer les objets potentiellement blessants, fermer les fenêtres). Les procédures thérapeutiques spéciales non médicamenteuses (réveil anticipé, formation de l’intention) doivent être effectuées dans des centres spécialisés. Les preuves concernant le traitement médicamenteux se limitent à des rapports de cas individuels de faible niveau de preuve. Le traitement standard consiste en des benzodiazépines, notamment du clonazépam ou des inhibiteurs de recapture de la sérotonine (ISRS), bien que ces substances puissent paradoxalement être des déclencheurs de parasomnies. Dans le trouble du comportement du sommeil paradoxal, le clonazépam à faible dose 0,25-0,5 mg (max. 2 mg) environ 30 minutes avant le coucher est efficace dans la majorité des cas (plus de 80%). En cas de trouble du comportement du sommeil paradoxal, il convient également d’informer le patient du risque accru de maladie neurodégénérative appartenant au groupe des synucléinopathies.
Littérature :
- Académie américaine de la médecine du sommeil. Classification internationale des troubles du sommeil : Manuel de diagnostic et de codage, 2ème édition. American Academy of Sleep Medicine, Westchester, Illinois 2005.
- Weess HG, et al., et groupe de travail Vigilance de la DGSM : Vigilance, tendance à l’endormissement, attention soutenue, fatigue, somnolence – outils de diagnostic pour la mesure des processus liés à la fatigue et à la somnolence et leurs critères de qualité. Somnologie 2000 ; 4 : 20-38.
- Sommeil non réparateur/troubles du sommeil. Lignes directrices S3 Société allemande de recherche et de médecine du sommeil (DGSM). Somnologie 2009 ; 13 : 4-160.
- Riemann D, Perlis ML : Les traitements de l’insomnie chronique : une revue des agonistes du récepteur des benzodiazépines et des thérapies psychologiques et comportementales.Sleep Medicine Reviews 2009 ; 13 : 205-214.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2013 ; 11(1) : 28-31