L’objectif thérapeutique du psoriasis en plaques modéré à sévère est de soulager autant que possible les patients de leurs symptômes cutanés (PASI ≥75%). Si vous n’y parvenez pas dans certains délais, une optimisation du traitement s’impose. Les directives sont désormais résumées dans un consensus européen récent, auquel ont également participé des experts suisses. Une formation continue à Bâle a été consacrée à ce sujet.
En 2011, le professeur Ulrich Mrowietz de Kiel et des experts de 19 pays européens ont élaboré et publié des objectifs thérapeutiques pour le psoriasis en plaques modéré à sévère [1]. Sur cette base, le groupe nouvellement élargi au Canada s’est à nouveau réuni et présente actuellement un document de consensus dans lequel les différents traitements sont décrits avec leurs avantages, leurs inconvénients et leurs particularités [2]. Curdin Conrad, le professeur Lars French, le docteur Peter Häusermann, le docteur Antonios Kolios, le docteur Alexander Navarini et le professeur Nikhil Yawalkar ont participé à l’élaboration du consensus.
147 experts de 33 pays ont discuté lors d’une réunion des quatorze séries de questions préalablement posées par le comité de pilotage, avec 93 questions sur des sujets cliniquement pertinents, et ont fourni des réponses sur la thérapie systémique, l’optimisation et l’utilisation des médicaments biologiques. Les réponses ont pris en compte la littérature actuelle avec les preuves respectives. Lorsque la littérature faisait défaut, l’avis d’experts a été pris en compte.
De nombreuses options thérapeutiques
Lors de la formation continue à Bâle, il est apparu clairement que la thérapie et l’optimisation dans la pratique ne peuvent pas se faire simplement selon des schémas. Le Dr Simon Müller, Bâle, a comparé le large éventail de traitements du psoriasis au réseau métropolitain de Tokyo. Pour atteindre l’objectif d’une amélioration rapide de l’état, il faut toujours évaluer où se trouve exactement le patient. “La gravité est essentielle, car elle représente le point de départ”, a souligné le Dr Müller [1].
Selon la règle des dix, le psoriasis est considéré comme modéré à sévère si la Body-Surface-Area (BSA, zones de peau malade en pourcentage de la surface totale du corps), le Psoriasis-Area-and-Severity-Index (PASI, en tenant compte de la sévérité et de la localisation des symptômes cutanés) et le Dermatology-Life-Quality-Index (DLQI, qualité de vie spécifique à la maladie) sont tous supérieurs à 10.
A l’aide d’exemples, le Dr Müller a montré que tant la détermination du PASI que celle du BSA ne sont souvent pas si simples à établir dans la pratique. La théorie peut sembler simple, mais des erreurs sont souvent commises lors de l’établissement du diagnostic. L’estimation de l’étendue avec les paumes du patient comporte des sources d’erreur, tout comme la graduation de l’érythème, de l’inflammation et de la desquamation. Ces symptômes peuvent par exemple être l’expression d’une nouvelle poussée ou de la guérison. Un resterythème post-inflammatoire sans élévation ni desquamation doit être noté 0.
De telles subtilités dans l’évaluation médicale ont un impact sur l’estimation du PASI. Cette valeur détermine à son tour la suite des événements.
Dans les cas de psoriasis léger, un traitement local est suffisant. Dans les formes modérées à sévères et les formes particulières, un traitement systémique est nécessaire. Par définition, les cas graves comprennent également une atteinte des zones cutanées visibles ou des organes génitaux, une onycholyse ou une onychodystrophie de deux ongles ou plus et un prurit accompagné d’un grattage fréquent.
Un inconvénient majeur du PASI : il ne tient pas compte de la “qualité de vie”. C’est pourquoi le DLQI devient de plus en plus important dans les décisions thérapeutiques. Si la valeur DLQI est supérieure à 5, l’objectif du traitement n’est pas atteint et le traitement doit être modifié.
Phase d’induction
La durée de la phase d’induction est fixée à 16-24 semaines. Pour les traitements à action rapide (par ex. avec l’infliximab, l’adalimumab), la phase d’induction dure jusqu’à la semaine 16, pour les traitements à action plus lente (par ex. avec le méthotrexate, l’acitrétine, l’étanercept) jusqu’à la semaine 24. “Ce n’est qu’à la fin qu’il est utile de vérifier le succès du traitement”, explique le Dr Müller. Si l’objectif d’améliorer le PASI de 75% n’a pas été atteint, des modifications sont à prévoir. Pendant la phase d’entretien, il convient également de vérifier, lors des examens de contrôle réguliers tous les deux mois, si les objectifs thérapeutiques ont été atteints.
Le groupe d’experts a accordé une importance particulière aux thèmes suivants :
- Quand la thérapie systémique optimale est-elle atteinte ?
- Si méthotrexate, combien de temps doit-on le donner ?
- Si Ciclosporine A, à quoi faut-il faire attention ?
- Quand faut-il passer des traitements conventionnels aux traitements biologiques ?
- Comment passer d’un biologique à un autre de la manière la plus sûre possible ?
Les recommandations relatives au méthotrexate (MTX) concernent l’administration orale, car dans la plupart des études sur le psoriasis, le médicament est administré par voie perorale. Selon le consensus, il y a peu de preuves que l’acide folique puisse améliorer la tolérance. Que faire si la réponse est insuffisante ? Après la huitième semaine, une augmentation de la dose à 20 mg/semaine peut être effectuée. Si une réponse insuffisante persiste après 16 à 24 semaines, il faut arrêter le traitement ou envisager de l’associer à un biologique. Concernant la durée du traitement par MTX : tant qu’il est efficace et bien toléré, il n’y a pas de limite. La toxicité hépatique est considérée comme faible, mais le propeptide N-terminal du procollagène III (PIIINP) doit néanmoins être déterminé tous les trois à six mois. Le dépistage de la tuberculose n’est pas nécessaire.
Pour la ciclosporine A, une dose initiale de 2,5-3 mg/kgKG/jour est suffisante et l’effet maximal est attendu après cinq à douze semaines. La durée du traitement peut être fixée de manière intermittente pour une période de trois à six mois, au maximum. deux ans en continu. Un contrôle du cancer de la peau est toujours obligatoire lors du suivi (clinique et laboratoire). Les interruptions ou l’arrêt du MTX et de la ciclosporine A ne sont pas recommandés. Les patients doivent être bien informés de la possibilité de récidive. En cas de récidive rapide ou grave, l’efficacité d’un traitement conventionnel réinduit est souvent insuffisante.
Quand changer ?
Il n’y a pas d’indication autorisée en Suisse pour les combinaisons de traitement conventionnel et de traitement systémique avec des produits biologiques. Le consensus mentionne NF-Alpha et MTX ou TNF-Alpha et acitrétine. Il ne faut pas combiner CyA et TNF-alpha/Ustekinumab. “Si un traitement spécial non autorisé par Swissmedic est envisagé, il est toujours recommandé de demander une garantie de prise en charge des coûts avant de commencer”, ont conseillé les intervenants à Bâle.
L’opinion de base est qu’un traitement biologique doit être administré en continu, car on craint une éventuelle perte d’efficacité en cas d’arrêt. En cas de bonne réponse, le consensus prévoit qu’une réduction de la dose (infliximab, ustékinumab) ou un allongement de l’intervalle (adalimumab, étanercept) peuvent être envisagés en cas de monothérapie par des agents biologiques. La réduction de la dose du produit biologique (en particulier l’infliximab) est également une option en cas de traitement combiné par MTX et antagonistes du TNF.
L’arrêt d’un traitement biologique n’est généralement pas recommandé. Si une guérison complète a été obtenue pendant un an, l’arrêt peut être envisagé si le patient en fait la demande expresse, si l’intervalle sans maladie est plus long, s’il n’y a pas de comorbidités significatives, s’il n’y a pas de PsA, si l’impact sur la qualité de vie est faible et si la maladie ne s’est pas aggravée après des réductions de dose ou des interruptions de traitement antérieures. “Le risque est que 20% d’entre eux n’obtiennent pas de réponse PASI-75 après la reprise du traitement”, a conclu le Dr Häusermann.
Source : Formation continue sur le “Consensus international sur l’optimisation du traitement du psoriasis”, 23 avril 2013, Bâle
Littérature :
- Mrowietz U, et al : Définition des objectifs de traitement pour le psoriasis modéré à sévère : un consensus européen. Archives of Dermatological Research 2011 ; 303 : 1-10.
- Mrowietz U, et al : A consensus report on appropriate treatment optimization and transitioning in the management of moderate-to-severe plaque psoriasis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2013 Feb 26. doi : 10.1111/jdv.12118. [Epub ahead of print].