Les causes et les effets des maux de tête sont multiples. Le Dr Isabelle Rittmeyer, médecin-chef en psychosomatique au RehaZentrum Davos de Zurich, s’est focalisée sur les aspects psychosomatiques lors du congrès d’automne 2018 de la SSMIG. Son objectif : donner des outils aux patients souffrant de maux de tête.
Les approches thérapeutiques courantes pour les maux de tête comprennent l’administration d’analgésiques et de triptans, de prophylactiques et d’oxygène, d’injections de Botox ou de neurostimulation crânienne externe, par exemple à l’aide de Cefaly®. Le Dr Isabelle Rittmeyer, médecin-chef en psychosomatique au RehaZentrum Davos de Zurich, adopte une approche différente. Sans nier l’efficacité des méthodes citées, elle souligne que les maux de tête sont souvent d’origine psychologique et que les approches médicamenteuses ne sont donc pas suffisantes.
Interaction psychosomatique
Le stress psychologique est le moteur d’une évolution qui peut contraindre la personne concernée à entrer dans un cercle vicieux (fig. 1). Selon le Dr Rittmeyer, les maux de tête sont comme une maladie chronique, une situation de stress. Malgré leurs problèmes de santé, de nombreuses personnes auraient recours à des analgésiques pour ne pas risquer de perdre leur emploi. Il en résulte des émotions négatives comme la peur ou la colère, peut-être même en rapport avec le mal de tête (peur de la douleur/colère contre la douleur). Celles-ci se manifestent notamment sous la forme d’un changement de comportement contre-productif. Une “posture de défense” interne peut entraîner une mauvaise posture du corps (par exemple, une position haute des épaules). Le manque d’entraînement, par exemple en raison d’un manque d’énergie ou de temps, se traduit par un déséquilibre musculaire qui s’accompagne d’une diminution de la stabilité du tronc et d’une faiblesse musculaire au niveau des épaules et du cou. D’autres modèles de comportement concernent une modification du rythme sommeil/éveil avec des performances irrégulières, un comportement alimentaire différent, le bruxisme et éventuellement une exigence de performance accrue. Une consommation accrue de médicaments est également problématique et peut évoluer en MOH (“Medication Overuse Headache”, pendant ≥15 jours par mois). Le seuil critique est de 10 (analgésiques mixtes) ou 15 (analgésiques simples) jours par mois – prendre des médicaments plus souvent, c’est s’exposer au risque de MOH [1]. A ces facteurs internes s’ajoutent des facteurs externes tels qu’une mauvaise ergonomie sur le lieu de travail ou des lunettes inadaptées, voire l’absence de lunettes, en cas de problèmes oculaires. L’ergonomie du sommeil joue également un rôle central : “Si vous vous réveillez le matin avec un mal de tête, vous devez observer comment vous vous couchez dans votre lit”.
Faire l’expérience du psychique
Un schéma de traitement neurologique prévoit la clarification de la localisation et de l’intensité des maux de tête ainsi qu’une médication appropriée. En revanche, une évaluation psychosomatique se concentre sur l’interaction entre les activités et les processus psychiques et somatiques. Ainsi, un appel téléphonique imminent avec un supérieur peut provoquer du stress et donc des maux de tête.
Le Dr Rittmeyer examine cette relation avec le patient à l’aide d’un protocole de céphalées (tableau 1). La description de l’état d’esprit est un élément important de ce protocole. Parler de ses sentiments est difficile pour de nombreux patients, mais c’est aussi la clé pour comprendre les relations psychosomatiques. La conférencière a décrit cela à l’aide d’un exemple de cas : la patiente A s’était réveillée avec un mal de tête de force 4 le matin précédant l’entretien thérapeutique, après des semaines sans symptômes. La pensée que tout avait été “pour rien” la mettait en colère. Alors qu’elle devait encore remplir le questionnaire et nommer ses sentiments, le mal de tête est passé à 6. C’est ainsi qu’ils ont pu faire l’expérience du mécanisme. Pour vous aider, vous pouvez travailler avec la “main des émotions”, qui visualise les cinq émotions de base que sont la joie, la peur, la colère, l’amour et la tristesse ; pour les patients souffrant de maux de tête, les sentiments de tension que sont la peur et la colère jouent notamment un rôle central. Certains aspects de la personnalité y sont souvent associés : un sens élevé des responsabilités, le modèle intérieur “je ne peux pas être faible”, une forte pression pour la performance avec un manque de souci de soi, le perfectionnisme et la répression des sentiments. Parce qu’il est difficile de parler des sentiments, les questions qui se rapportent à ces aspects de la personnalité sont appropriées lors de l’entretien d’anamnèse (“Vous sentez-vous responsable de XY ?”, “Aimez-vous faire votre travail à la perfection ?”, “Êtes-vous très exigeant envers vous-même ?”, etc.)
Là où le psychique et le somatique se rejoignent : les trigger points
Travell et Simmons décrivent les trigger points comme des durcissements locaux d’un faisceau/brin de muscle squelettique surchargé, qui réagit douloureusement (localement ou par irradiation) à la pression. Ils font la distinction entre les points de déclenchement actifs et les points de déclenchement latents. Alors que les points actifs génèrent un schéma de douleur permanent spécifique au muscle, les points latents ne réagissent qu’à la palpation [2]. La palpation des points gâchettes permet également de détecter la localisation et l’intensité des maux de tête. Plusieurs études indiquent que le stress psychologique active les points de déclenchement. En cas de stress émotionnel ou mental, l’activité des trigger points myofasciaux a augmenté, alors que les muscles voisins n’ont pas été affectés [3,4]. En outre, il semble y avoir une corrélation entre l’activité des points de déclenchement et les sentiments négatifs tels que la peur, la colère et le désespoir [5]. Dans le traitement des points gâchettes, l’importance de la médecine manuelle est régulièrement rappelée sur [6]. Le travail de médecine manuelle sur les points de déclenchement peut en outre faciliter l’accès des patients souffrant de maux de tête à des approches thérapeutiques psychosomatiques.
Activer les patients
“Il est important pour moi que mes patients puissent faire quelque chose par eux-mêmes, qu’ils aient des outils”, souligne le Dr Rittmeyer. “L’autogestion est le message clé. Ainsi, le patient passe à l’action et n’est plus impuissant face au mal de tête. Les points de déclenchement, par exemple, peuvent être facilement traités par l’utilisateur lui-même, par exemple à l’aide d’un rouleau de fascia (par exemple Blackroll®) ou d’une boule de fascia. En outre, les muscles de soutien de la colonne cervicale doivent être entraînés afin d’éviter une sollicitation excessive de certaines parties musculaires. Pour ce faire, il suffit d’effectuer des exercices faciles à réaliser, par exemple en allongeant le patient sur le dos ou sur le ventre et en soulevant lentement la tête. D’autres aides sont, entre autres, les coussins chauffants, les coussins de massage ou les coussins d’assise ergonomiques (p. ex. SISSEL®). Ces derniers aident les patients à modifier leur attitude pour qu’elle soit plus favorable à la santé. Le bruxisme, souvent associé aux céphalées et dont le stress est un des facteurs de risque [7], peut être combattu par un massage quotidien du visage (figure 2). Enfin, la conférencière insiste sur le fait qu’il faut éviter d’augmenter la prise de médicaments contre les maux de tête en raison du risque de MOH. Les antidépresseurs offrent des alternatives médicamenteuses, l’Anafranil® ayant particulièrement fait ses preuves selon l’intervenante.
Source : Congrès d’automne de la SSAIM, 20-21 septembre 2018, Montreux
Littérature :
- Diener HC, et al. : Céphalées en cas de surconsommation de médicaments contre la douleur ou la migraine (Medication Overuse Headache = MOH), ligne directrice S1, 2018. Dans : Société allemande de neurologie : lignes directrices pour le diagnostic et le traitement en neurologie.
- Simons DG, Janet GT, Simons LS : Douleurs et dysfonctionnements myofasciaux : Le manuel des points de déclenchement Vol. 1 et 2, 2e édition. Baltimore : Williams & Wilkins, 1999.
- McNuthy WH, et al : Needle electromyographic evaluation of trigger point response to a psychological stressor. Psychophysiology 1994 ; 31 : 313-316.
- Lewis C, et al. : Needle trigger point and surface frontal EMG measurements of psychophysiological responses in tensiontype headache patients. Biofeedback & Self-Regulation 1994 ; 3 : 274-275.
- Linton SJ : A review of psychological risk factors in back and neck pain. Spine 2000 ; 25 : 1148-1156.
- Dommerholt J, Bron C, Franssen J : Trigger points myofasciaux. Revue fondée sur des données probantes. Thérapie manuelle 2011 ; 15 : 1-13.
- Ahlberg J, et al : Bruxisme rapporté et expérience de stress. Community Dent Oral Epidemiol 2002 ; 30 : 405-408.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(11) : 31-33