Aujourd’hui, 90% des cancers de la prostate sont détectés à un stade localisé et donc potentiellement curable. Trouver la meilleure stratégie thérapeutique pour un cancer localisé est un défi pour les médecins et les patients. Les options disponibles sont la surveillance active, la vésiculectomie radicale de la prostate, la radiothérapie percutanée externe et la curiethérapie de la prostate. La décision thérapeutique doit toujours être prise individuellement, en tenant compte des caractéristiques de la tumeur (biologie ou agressivité de la tumeur) et des caractéristiques du patient (âge, comorbidités, préférences). De nombreux patients n’ont pas besoin d’un traitement actif immédiat, mais pour un nombre non négligeable de patients, un traitement actif précoce peut sauver la vie.
Avec près d’un tiers de tous les nouveaux cas de cancer détectés chez les hommes, le cancer de la prostate (PCa) est le cancer le plus fréquent chez l’homme et la deuxième cause de décès par cancer après le cancer du poumon. Un homme sur six sera confronté à un diagnostic de PCa au cours de sa vie, et un sur sept de ces hommes mourra de PCa [1]. L’introduction du test PSA comme test de dépistage a, d’une part, considérablement augmenté l’incidence du PCa au cours des dernières décennies et, d’autre part, le test PSA a également pour conséquence que plus de 90% des cas de PCa sont aujourd’hui détectés à un stade localisé et donc potentiellement curable (“stage shift”) [2].
Biologie des tumeurs
Le PCa présente une variabilité étonnamment large en termes d’agressivité biologique. La plupart du temps, on constate une croissance très lente pendant des décennies, comparée à d’autres types de cancer. Les hommes atteints d’une forme peu agressive de PCa ne développent souvent jamais de symptômes et meurent plus souvent avec le PCa que du PCa. Une étude de suivi à long terme sur des patients non traités atteints de PCa peu agressif a montré un taux de mortalité spécifique au cancer de seulement 17% sur une période de 20 ans [3]. En règle générale, les hommes dont l’espérance de vie est inférieure à 10-15 ans ne bénéficient guère d’un traitement curatif.
Morbidité et mortalité
La létalité relativement faible du PCa par rapport à d’autres cancers, qui peut s’expliquer par les nombreuses variantes peu agressives, ne doit pas faire oublier qu’environ trois fois plus d’hommes souffrent de problèmes liés au PCa qu’ils n’en meurent [4]. La morbidité est donc considérable. Les problèmes les plus courants, qui peuvent avoir un impact important sur la qualité de vie, sont la macrohématurie, les troubles de l’écoulement urinaire du bas et du haut appareil urinaire, les fractures osseuses pathologiques et les effets secondaires des thérapies systémiques. C’est précisément dans le contexte de l’évolution démographique de la population que ce point ne doit pas être oublié dans la discussion sur le PCa.
Thérapies curatives et palliatives
Il existe des traitements efficaces qui permettent de prévenir ou du moins de retarder fortement la mortalité et surtout la morbidité du PCa. On distingue généralement les traitements curatifs et les traitements palliatifs, sachant qu’aujourd’hui encore, seules les formes localisées de PCa sont curables. Les approches thérapeutiques palliatives des affections métastatiques comprennent des traitements systémiques par ablation hormonale, chimiothérapie et parfois radiothérapie. La décision thérapeutique doit toujours être prise individuellement, en tenant compte des caractéristiques de la tumeur (biologie ou agressivité de la tumeur) et des caractéristiques du patient (âge, comorbidités, préférences). Les modalités de traitement potentiellement curatives du PCa localisé sont présentées ci-dessous.
Surveillance active
La surveillance active (Active Surveillance, AS) est une stratégie d’observation à visée curative pour les PCa de faible malignité, dont l’objectif est de réduire les surtraitements. Les patients sont suivis de près grâce à l’évolution du PSA et aux biopsies répétées de la prostate, afin de détecter précocement une progression tumorale ou même une mauvaise classification de la tumeur, puis de mettre en place un traitement curatif. La sélection correcte des patients est particulièrement cruciale dans cette stratégie.
Les résultats obtenus jusqu’à présent sont prometteurs : la survie globale des patients à long terme est identique à celle des patients ayant reçu directement un traitement curatif. Environ 25% des patients sous SA reçoivent un traitement curatif au cours de leur évolution [5]. L’AS n’est pas assimilable à ce que l’on appelle le watchful waiting. Il s’agit d’une stratégie d’observation et de traitement à visée palliative pour les patients qui ne bénéficieraient guère d’une approche thérapeutique curative.
Vésiculectomie radicale de la prostate
La vésiculectomie radicale de la prostate (rPVE) consiste à retirer chirurgicalement la totalité de la prostate, y compris la capsule et les vésicules séminales. Outre la technique ouverte, la procédure est aujourd’hui de plus en plus souvent proposée par voie laparoscopique assistée par robot (technique DaVinci). Chez les patients atteints de PCa cliniquement localisé, la rPVE est associée à une meilleure survie spécifique au cancer par rapport aux patients sous watchful waiting (niveau de preuve 1) [6]. Pour les tumeurs agressives, la rPVE est notamment supérieure à la radiothérapie, avec un profil d’effets secondaires comparable (incontinence, impuissance) [7].
Une lymphadénectomie pelvienne est souvent pratiquée pendant la rPVE ; on ne sait pas encore si cette mesure contribue à un meilleur contrôle de la tumeur en plus d’une précision dans le staging.
En cas de récidive locale après rPVE, l’irradiation locale supplémentaire constitue une forme de traitement postopératoire puissante avec une morbidité relativement faible. En règle générale, plus le patient est jeune et plus la tumeur est agressive, plus la rPVE est susceptible d’être la modalité de traitement de choix.
Radiothérapie externe percutanée de la prostate
La radiothérapie externe percutanée de la prostate (EPRP) est une forme de traitement curatif non invasif. En dehors de la rPVE, l’EPRP est la forme de traitement la plus étudiée avec une efficacité prouvée dans des études à long terme. Il n’existe pas d’études randomisées comparant directement l’EPRP à la rPVE, mais il semble que le contrôle de la tumeur soit globalement un peu moins bon avec l’EPRP qu’avec la rPVE, en particulier en cas de PCa agressive [8,9]. Dans les PCa localement avancés, la combinaison de l’EPRP et de la déprivation androgénique supplémentaire est associée à un avantage de survie par rapport à la déprivation androgénique seule (niveau de preuve 1) [10].
Ces dernières années, de grands progrès techniques ont été réalisés dans le domaine de l’EPRP, avec une minimisation des effets secondaires grâce à l’optimisation des champs d’irradiation et un meilleur contrôle de l’application des doses. Le traitement de la récidive locale après EPRP représente un défi, car le sauvetage-rPVE, bien que techniquement possible, est associé à des résultats fonctionnels relativement médiocres. On ne sait pas non plus si des seconds cancers d’origine radiogénique surviennent après l’EPRP, ni à quelle fréquence.
Curiethérapie de la prostate
La curiethérapie est une forme de radiothérapie interne curative. De très petites sources de rayonnement (appelées grains) en titane et en iode-125 sont insérées dans la prostate. Les grains restent dans la prostate pour y déployer leur effet radiothérapeutique – hautement dosé et ciblé – sur le tissu tumoral. Comme il s’agit d’une procédure plutôt récente, la curiethérapie est moins bien étudiée scientifiquement que l’EPRP ou la rPVE, et là encore, il n’existe pas d’études randomisées comparant directement cette procédure à d’autres traitements curatifs. Dans des études de séries de cas, la curiethérapie montre un bon contrôle de la tumeur à long terme [11].
Ici aussi, il est important de sélectionner soigneusement les patients : Les tumeurs doivent être faiblement à moyennement agressives, mais pas agressives, le volume de la prostate ne doit pas dépasser 50 ml et la miction doit être possible sans gêne. En cas de récidive locale, les problèmes sont les mêmes que pour l’EPRP. Dans l’ensemble, chez les patients bien sélectionnés, la curiethérapie est une procédure conceptuellement attrayante, peu invasive et présentant un profil d’effets secondaires plus favorable que la rPVE ou l’EPRP.
Que nous réserve l’avenir ?
Une possible révolution dans le traitement du PCa est potentiellement à l’ordre du jour grâce aux améliorations techniques dans le domaine de l’imagerie avec une représentation optimisée de la prostate. Si, à l’avenir, il est possible de visualiser avec précision les foyers de carcinome à l’intérieur de la prostate (ce qui n’est généralement pas encore possible aujourd’hui avec suffisamment de fiabilité), un traitement local ciblé pourrait alors être mis en œuvre, tout en préservant l’organe. De telles thérapies sont déjà partiellement utilisées aujourd’hui (par ex. prostatectomie partielle ou ablation à haute fréquence de la prostate [HIFU]), mais les résultats oncologiques à long terme font encore totalement défaut.
Des recherches intensives sont également menées dans le domaine des biomarqueurs pronostiques, qui devraient permettre de distinguer les PCa significatifs des PCa non significatifs. De tels marqueurs seraient extrêmement précieux pour le choix de la modalité de traitement.
Dans l’ensemble, tous les efforts visent à réduire le surtraitement des PCa peu agressifs et, par conséquent, à réduire la morbidité et les coûts associés au traitement. D’autre part, les patients atteints de formes plus agressives de PCa devraient être identifiés à temps et traités efficacement afin de réduire la mortalité et la morbidité du PCa, qui restent considérables.
Conclusion
Trouver la meilleure stratégie thérapeutique pour un PCa localisé est un défi pour tous les médecins impliqués, mais aussi pour les patients. La biologie tumorale du PCa ainsi que les avantages et inconvénients des différentes formes de traitement doivent être discutés de manière critique avec le patient. La décision thérapeutique doit être prise de manière individualisée, en tenant compte des caractéristiques de la tumeur et du patient. De nombreux patients atteints de PCa n’ont pas besoin d’un traitement actif immédiat, mais pour un nombre non négligeable de patients, un traitement actif précoce peut sauver la vie.
Take home messages
- Le PCa est un carcinome très fréquent dont l’agressivité biologique est très variable.
- La prévalence et l’incidence du PCa, déjà élevées aujourd’hui, vont encore considérablement augmenter en raison de l’évolution démographique.
- Tous les hommes chez qui un PCa est diagnostiqué ne vont pas en mourir ; ainsi, tous les hommes atteints d’un PCa localisé ne doivent pas être traités immédiatement.
- La prise de décision individualisée est le grand défi clinique d’aujourd’hui.
- Pour le PCa localisé, il existe différentes options thérapeutiques curatives qui, si elles sont correctement indiquées, permettent toutes d’obtenir un contrôle relativement élevé de la tumeur.
Littérature :
- Jemal A, et al : Cancer statistics, 2010. CA Cancer J Clin 2010 ; 60 : 277-300.
- Schroder FH, et al : Screening and prostate cancer mortality in a randomized European study. N Engl J Med 2009 ; 360 : 1320-1328.
- Lu-Yao GL, et al : Résultats du cancer localisé de la prostate après une prise en charge conservatrice. JAMA 2009 ; 302 : 1202-1209.
- Popiolek M, et al : Natural history of early, localized prostate cancer : a final report from three decades of follow-up. Eur Urol 2013 ; 63 : 428-435.
- Klotz L : Surveillance active du cancer de la prostate : pour qui ? J Clin Oncol 2005 ; 23 : 8165-8169.
- Bill-Axelson A, et al : Radical prostatectomy versus watchful waiting in early prostate cancer. N Engl J Med 2011 ; 364 : 1708-1717.
- Resnick MJ, et al : Long-term functional outcomes after treatment for localized prostate cancer. N Engl J Med 2013 ; 368 : 436-445.
- Merglen A, et al : Mortalité à court et à long terme avec un cancer localisé de la prostate. Arch Intern Med 2007 ; 167 : 1944-1950.
- Hoffman RM, et al : Mortalité après prostatectomie radicale ou radiothérapie par faisceau externe pour un cancer localisé de la prostate. J Natl Cancer Inst 2013 ; 105 : 711-718.
- Warde P, et al : Combined androgen deprivation therapy and radiation therapy for locally advanced prostate cancer : a randomised, phase 3 trial. Lancet 2011 ; 378 : 2104-2111.
- Potters L, et al : 12-year outcomes following permanent prostate brachytherapy in patients with clinically localized prostate cancer. J Urol 2008 ; 179(5 Suppl) : S20-24.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2014 ; 2(8) : 15-17