Lors du congrès de la SHG à Genève, un symposium satellite a été consacré à l’état actuel des études dans le domaine de la fibrillation auriculaire non valvulaire. Comment prévenir efficacement les AVC et quel est le profil bénéfice/risque de chaque molécule ? L’accent a été mis en particulier sur la réalité de la pratique. Il semble qu’il y ait encore du retard à rattraper en ce qui concerne la mise en œuvre des résultats des études dans la pratique clinique quotidienne, et ce bien que les preuves ne laissent guère de questions sans réponse.
La discussion a parfois porté sur les caractéristiques des patients qui influencent le choix du traitement antithrombotique. En outre, les résultats de sécurité et d’efficacité de chaque molécule ont été passés en revue et les différences régionales de prescription ont été discutées. Il a d’abord été question de la grande étude internationale de registre GLORIA-AF. Il s’agit d’un programme lancé en mai 2011 qui inclut les patients atteints de fibrillation auriculaire non valvulaire (FAV) nouvellement diagnostiquée. L’objectif est de collecter des données issues de la pratique clinique – ces données devraient être fournies par environ 56 000 patients de près de 50 pays (et plus de 2200 centres). Tous présentent un risque d’accident vasculaire cérébral (score CHA2DS2-VASc ≥1). Les données transversales [1] présentées au congrès ESC 2014 à Barcelone couvraient une période de recrutement allant de novembre 2011 à février 2014 et étaient basées sur 10 675 cas de patients (dont 85,5% avec un score VASc CHA2DS2 ≥2). Ils proviennent de la deuxième phase du programme GLORIA-AF. Celle-ci a débuté peu après l’approbation du dabigatran, le premier NOAK pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux dans le cadre de la FHV.
Les données provenant de 39 pays montrent que, bien qu’un changement croissant vers les NOAK soit visible dans la pratique clinique (Fig. 1), le processus est lent et le taux de patients sous-traités reste élevé. En outre, les antagonistes de la vitamine K (AVK) restent les médicaments les plus utilisés dans les cas de FVH nouvellement diagnostiqués, et l’aspirine représente toujours une part importante.
Agir contre les preuves ?
C’est surprenant, car les preuves parlent d’elles-mêmes : les NOAK peuvent être considérés comme le traitement standard de l’HVF. Si l’on passe en revue les études (RE-LY [2–4], ROCKET-AF [5], ARISTOTLE [6], ENGAGE-AF [7]), on peut dire que les NOAK sont supérieurs aux AVK en termes de profil bénéfice/risque. A titre d’illustration, selon une récente revue de l’étude RE-LY [4], le dabigatran à la dose de 2× 150 mg/j présente un risque relatif d’AVC ou d’embolie systémique de 0,65 (IC 95% 0,52-0,81 ; p<0,001), soit une réduction du risque de 35% par rapport à la warfarine. Pour les AVC ischémiques ou non spécifiques, la valeur était de 0,76 (IC à 95% : 0,59-0,97 ; p=0,03).
Selon GLORIA-AF, l’implémentation des connaissances dans la pratique se déroule le mieux en Amérique du Nord et en Europe, où les NOAK dépassent lentement les AVK. En revanche, en Asie notamment (mais aussi en Amérique du Nord), de nombreux patients – bien qu’ils présentent un risque élevé d’accident vasculaire cérébral – ne sont toujours pas traités ou sont traités exclusivement avec de l’aspirine.
Cette approche est contraire aux études actuelles. Une analyse indépendante de la FDA [8] a récemment démenti une nouvelle fois les craintes selon lesquelles les effets des NOAK se présentent différemment dans le cadre d’un essai randomisé que dans la réalité clinique. Elle a confirmé le bon profil bénéfice/risque du dabigatran dans le cadre de la pratique quotidienne avec une cohérence étonnante : les données recueillies auprès de 134 414 patients âgés concordaient largement avec celles de RE-LY (tableau 1) .
Il est donc important d’appliquer davantage les preuves à l’action clinique. En se basant sur les caractéristiques des patients, le professeur Hans-Christoph Diener, Essen, a montré comment cela pourrait se faire. L’algorithme est illustré à la figure 2 .
Source : “Sheltering patients from stroke : optimizing protection”, symposium satellite du congrès SHG, 29-30 janvier 2015, Genève
Littérature :
- Huisman MV, et al. : Enregistrement global du traitement antithrombotique oral à long terme chez les patients atteints de fibrillation auriculaire : caractéristiques de base des 10 000 premiers patients dans GLORIA-AF Phase II. Session “Registry Hot Line : Atrial fibrillation and myocardial infarction”. Congrès de l’ESC 2014.
- Connolly SJ, et al : Dabigatran versus warfarine chez les patients atteints de fibrillation auriculaire. N Engl J Med 2009 Sep 17 ; 361(12) : 1139-1151.
- Connolly SJ, et al : Événements nouvellement identifiés dans l’essai RE-LY. N Engl J Med 2010 Nov 4 ; 363(19) : 1875-1876.
- Connolly SJ, Wallentin L, Yusuf S : Événements supplémentaires dans l’essai RE-LY. N Engl J Med 2014 Oct 9 ; 371(15) : 1464-1465.
- Patel MR, et al : Rivaroxaban versus warfarine dans la fibrillation auriculaire non valvulaire. N Engl J Med 2011 Sep 8 ; 365(10) : 883-891.
- Granger CB, et al : Apixaban versus warfarine chez les patients atteints de fibrillation auriculaire. N Engl J Med 2011 Sep 15 ; 365(11) : 981-992.
- Giugliano RP, et al : Edoxaban versus warfarine chez les patients atteints de fibrillation auriculaire. N Engl J Med 2013 Nov 28 ; 369(22) : 2093-2104.
- Graham DJ, et al : Cardiovascular, bleeding, and mortality risks in elderly medicare patients treated with dabigatran or warfarin for nonvalvular atrial fibrillation. Circulation 2015 Jan 13 ; 131(2) : 157-164.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(4) : 33-35