L’oncologie est une discipline où l’agonie et la mort sont omniprésentes. Ainsi, le suicide assisté est également un cas fréquent – et sujet controversé – dans la pratique quotidienne de l’oncologie. Alors que la Suisse l’autorise depuis longtemps, nos voisins allemands ne font pas de même. voisins actuellement.
Le sujet éthiquement controversé du suicide assisté se reflète dans les législations très divergentes de différents pays. En principe, il s’agit de fournir à une personne souhaitant se suicider une substance mortelle qu’elle ingère de manière autonome, sans intervention extérieure. D’une part, l’autodétermination et donc un éventuel désir de mourir devraient être respectés, d’autre part, la vie devrait être protégée et il ne devrait en aucun cas en résulter une promotion du suicide pour de mauvaises raisons, telles que des sentiments d’obligation sociale [1]. Cette tension entre les principes éthiques a donné lieu à différents cadres juridiques au cours des dernières décennies – et ceux-ci sont en constante évolution. Ainsi, une modification de la loi en Allemagne est probablement imminente. Et en Suisse aussi, le code de déontologie de la FMH pourrait bientôt être adapté.
En accéléré : le suicide assisté en Allemagne
Le serment d’Hippocrate, toujours fréquemment cité, laisse peu de place à l’interprétation, du moins pour les médecins. On y lit “Je ne donnerai ni ne conseillerai jamais à quiconque, même à sa demande, d’administrer un poison mortel. De même, je ne donnerai jamais à une femme un médicament abortif. Je garderai ma vie et mon art saints et purs”. [2] La position selon laquelle la participation au suicide est contraire à l’éthique médicale s’est maintenue en Allemagne jusqu’à il y a quelques années, apparemment sans grande résistance. En 2011, l’Ordre fédéral des médecins déclarait encore, en des termes quelque peu atténués, que le suicide assisté n’était pas une tâche médicale. Le code de déontologie correspondant stipulait alors que “les médecins … ne devaient pas apporter d’aide au suicide”. Une phrase qui a été supprimée en mai de cette année, reflétant un changement accéléré ces dernières années. Jusqu’à présent, ce changement a atteint son point culminant avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande de février 2020, qui a jugé inconstitutionnelle l’interdiction de l’aide au suicide dans le cadre d’une activité commerciale et, par conséquent, de toutes les organisations d’aide à la mort. Il y est stipulé que le droit général de la personnalité, en tant qu’expression de l’autonomie personnelle, inclut le droit à une mort autodéterminée, y compris par suicide. Selon l’arrêt, il est également possible de demander de l’aide pour cela, mais personne ne peut être obligé de fournir une assistance au suicide. On remarque ici que la Cour constitutionnelle fédérale n’exige pas de souffrance pour recourir à l’assistance au suicide, la décision n’est pas limitée à certaines situations de vie ou de maladie.
Et pour le reste, certaines choses restent actuellement floues pour les médecins de notre pays voisin. Si l’assistance au suicide n’est plus interdite, la prescription de barbituriques à des fins de suicide l’est. Une réglementation légale n’est probablement pas attendue avant fin 2022, ce qui aggrave encore la situation actuelle. Pourtant, selon une enquête, jusqu’à 50% des oncologues allemands sont confrontés à la question du suicide assisté dans leur pratique [3].
La Suisse en comparaison
Contrairement à l’Allemagne, il existe en Suisse depuis 35 ans des organisations dites d’aide à la mort comme EXIT et DIGNITAS. Le Conseil fédéral et le Parlement ont respectivement décidé en 2011 et 2012 de ne pas réglementer explicitement l’assistance organisée au suicide [4]. Selon l’article 115 du Code pénal, l’assistance au suicide n’est pas punissable si elle est pratiquée sans mobile égoïste. Cela s’applique à toutes les personnes. Les conditions pour l’impunité de l’assistance au suicide sont en outre la capacité de discernement de la personne concernée ainsi que la maîtrise de l’acte, c’est-à-dire la réalisation autonome du suicide. La prescription de phénobarbital sodique dans l’intention de donner la mort est soumise à une obligation de déclaration aux autorités cantonales, le suicide assisté étant considéré comme un “cas de décès exceptionnel” [6]. Ce contexte pénal libéral se reflète également dans le code de déontologie de la FMH, où l’on s’accorde à dire que l’euthanasie ne peut être réglementée de manière satisfaisante sans expertise médicale [5,6]. En ce qui concerne l’assistance au suicide, les règles de l’ASSM actuellement fixées dans le code de déontologie (Académie Suisse des Sciences Médicales), les directives de 2004 exigent, outre la capacité de discernement de la personne concernée, que la personne souhaitant mourir soit proche de la fin de sa vie, que des aides alternatives aient été discutées et mises en œuvre si elles étaient souhaitées et que la demande soit mûrement réfléchie, sans pression extérieure et durable. La capacité de discernement ainsi que l’autonomie, le caractère bienveillant et la constance de la volonté de mourir doivent être confirmés par deux personnes indépendantes [6]. Si la possibilité d’euthanasie n’est donc pas limitée légalement aux patients en fin de vie, les directives de la FMH sont plus réservées à ce sujet.
En 2016, 928 décès de personnes résidant en Suisse et ayant bénéficié d’une euthanasie ont été enregistrés. Cela représentait 1,4% de tous les décès. Un peu plus de personnes – 1016 personnes – sont décédées à la suite d’un suicide non assisté [7]. Il est également intéressant de noter que le cancer a été déclaré comme maladie de base dans 42% des cas, suivi par les maladies neurodégénératives (14%) , les maladies cardiovasculaires (11%) et les maladies de l’appareil locomoteur (10%) [4]. Les médecins oncologues sont donc plus concernés que la moyenne par cette question importante, qui est loin d’être terminée. Ainsi, une majorité de la Chambre médicale s’est opposée aux nouvelles directives sur le suicide assisté adoptées par l’ASSM en 2018, ce qui a conduit à ce qu’elles ne soient pas intégrées au code de déontologie. La principale raison de ce rejet était la notion de “souffrance insupportable”, jugée trop vague et subjective par beaucoup. Cette situation – s’inquiète-t-on – pourrait conduire à une insécurité juridique ainsi qu’à une augmentation de la demande, les personnes souhaitant mourir n’ayant plus besoin de se trouver explicitement en fin de vie. En septembre 2021, un groupe de travail spécialement créé à cet effet a donc adopté un sous-chapitre révisé sur le suicide assisté pour les directives de l’ASSM. Celui-ci est actuellement soumis au Sénat de l’ASSM avant d’être soumis à la Chambre médicale au printemps 2022. L’objectif est une intégration dans le code de déontologie [8].
Le médecin, ange de la mort ?
Alors que le cadre juridique diffère encore considérablement entre l’Allemagne et la Suisse, un principe s’applique partout : personne ne peut être obligé de pratiquer l’assistance au suicide – pas même un médecin. Il appartient donc à chaque professionnel de la santé de décider de la manière dont il souhaite aborder le sujet du désir de mort. Fermer les yeux sur ce sujet difficile n’est pas une solution – les experts présents à la conférence annuelle étaient d’accord sur ce point. Indépendamment de l’attitude personnelle du praticien, ils ont considéré qu’une discussion sur le sujet était une première étape importante. Et dans tous les cas, en tant que tâche médicale. Il est également du devoir du médecin d’indiquer des alternatives telles que les offres palliatives et/ou psychothérapeutiques. En revanche, il appartient à chaque praticien de décider dans quelle mesure le suivi ultérieur sera pris en charge. Il s’agit bien plus d’une décision de conscience individuelle que d’un devoir professionnel – une décision de conscience qui peut très bien changer au fil du temps ou varier entre différents patients.
Source : Symposium scientifique “Ärztlich assistierter Suizid” présidé par Christian Junghanß et Ulrich Schuler, 01.10.2021, réunion annuelle des sociétés allemande, autrichienne et suisse d’amatologie et d’oncologie médicale, Berlin (D)
Littérature :
- Schildmann J, Vollmann J : Physician assisted suicide — ethical, legal and clinical aspects. Dtsch Med Wochenschr. 2006 ; 131(24) : 1405-1408.
- Traduction de Müri W : Le médecin dans l’Antiquité. Pièces de sources grecques et latines d’Hippocrate à Galien. Artemis & Winkler, Munich/Zurich ; 6e édition , 2001.
- Schildmann J : Exposé “Assistierte Selbsttötung in der Onkologie. Résultats d’une étude empirique”. dans le cadre de la réunion annuelle de la DGHO, OeGHO, SSMO et SGH/SSH. 01.10.2021. Berlin.
- Junker C : Statistiques sur les causes de décès : le suicide assisté (euthanasie) et le suicide en Suisse. Office fédéral de la statistique (OFS) ; 2016.
- FMH : Annexe 1 au code de déontologie de la FMH. www.fmh.ch/files/pdf7/anhang-1-standesordnung-fmh.pdf (dernier accès le 08.11.2021).
- ASSM/FMH : Bases légales dans la pratique médicale quotidienne – un guide pour la pratique. 2008.
- OFSP : Suicide assisté. www.bag.admin.ch/bag/de/home/strategie-und-politik/politische-auftraege-und-aktionsplaene/aktionsplan-suizidpraevention/suizide-und-suizidversuche/assistierte-suizide.html (dernier accès le 03.11.2021).
- Gilli Y, Bounameaux H : La FMH et l’ASSM révisent les directives “Attitude face à la mort” – Médecins et suicide assisté. SAZ 2021 ; 102(44) : 1436-1437.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2021 ; 9(6) : 37-38