Les troubles cognitifs dans le cadre de la SEP doivent être pris très au sérieux. La pertinence au quotidien de tels symptômes est élevée. Par exemple, la capacité de travail des patients dépend de manière cruciale de leurs performances cognitives. L’état cognitif devrait donc être évalué pour chaque patient nouvellement diagnostiqué et documenté au fil du temps.
La sclérose en plaques est un événement critique dans la vie des patients. D’un point de vue psychologique, on observe une multitude de facettes dans la manière d’aborder le diagnostic. Refoulement, déni complet, dépression, agressivité, tristesse, déclaration de guerre ne sont que quelques-unes des réactions spontanées possibles. Très vite, des questions se posent sur les projets d’avenir, tant sur le plan familial que professionnel. Tout est finalement axé sur le traitement le plus efficace et le mieux toléré, afin que le patient puisse continuer à vivre le plus longtemps possible. La fonctionnalité personnelle et la qualité de vie qui en découle sont la priorité de presque toutes les personnes concernées.
Dans notre société actuelle, conserver sa fonctionnalité signifie bien plus que de rester capable de marcher et de rester mobile. La vitalité et les performances intellectuelles sont des facteurs bien plus importants pour les personnes concernées en ce qui concerne le niveau de fonctionnement social et professionnel. Ces derniers sont malheureusement encore considérés par de nombreux collègues neurologues comme des “symptômes mous” de la maladie et sont trop rarement pris en compte dès le début, y compris dans les décisions thérapeutiques.
Troubles cognitifs dans la SEP
La prévalence des troubles cognitifs dans la SEP est estimée à environ 50% [1,2], bien que des données récentes indiquent plutôt 40%. Bien qu’ils fassent partie des symptômes cardinaux avec la fatigue et les changements affectifs émotionnels (dépression, troubles anxieux), ils sont considérés comme “soft”. Du point de vue des personnes concernées, cette évaluation est erronée, car le déclin des fonctions cognitives a des conséquences importantes. Il est ainsi admis qu’une réduction des capacités cognitives a nécessairement un impact négatif sur la capacité de travail. Une étude récente sur ce sujet a démontré de manière impressionnante que la capacité de travail est une fonction directe des performances cognitives [3]. Ce fait n’a pas seulement une signification personnelle pour les personnes concernées, mais aussi une importance non négligeable pour la société du point de vue de l’économie de la santé. Un travail qui vient d’être publié sur l’estimation du coût de la SEP en Europe montre clairement que les symptômes tels que la baisse des performances cognitives et la fatigue, qui contribuent au tableau clinique dès le début et indépendamment du degré de handicap, ne doivent pas être considérés comme mineurs, mais comme importants. Ils représentent précisément les facteurs qui ont une influence considérable sur les coûts lorsqu’il s’agit d’arrêts de travail fréquents et de retraites anticipées [4].
Faits
Les troubles cognitifs peuvent apparaître à des stades très précoces de la maladie et peuvent être détectés par des tests sensibles même en cas de syndrome cliniquement isolé (SCI) [5,6] et radiologiquement isolé (SRI) [7]. Le degré de handicap n’indique pas de manière fiable si un patient présente ou présentera des problèmes cognitifs. Il n’existe malheureusement actuellement que peu de données sur l’évolution longitudinale des troubles cognitifs. Toutefois, si on les compare à l’évolution dans le temps des maladies neurodégénératives classiques, elles montrent clairement que la progression doit être considérée comme plutôt modérée. Il existe des preuves issues d’études longitudinales et transversales qui montrent que la progression la plus nette est attendue dans les cinq premières années après le diagnostic [8,9]. La neuroinflammation est considérée ici comme le “moteur”, qui est clairement au premier plan au cours des premières années.
Quelles sont les fonctions cognitives les plus touchées par la SEP ?
Les patients atteints de SEP ne se plaignent pas d’un déclin cognitif global, mais de déficits dans les domaines clés suivants :
- Vitesse cognitive (“red flag” dans la SEP dès les phases les plus précoces)
- Attention soutenue, concentration
- Mémoire à court terme et apprentissage
- Multitâche.
Le ralentissement cognitif est aujourd’hui considéré comme un “drapeau rouge” de la SEP, car ces pertes fonctionnelles se manifestent souvent dès le début de la maladie. L’objectivation précoce est importante, car les personnes concernées pensent souvent à tort qu’elles souffrent en premier lieu de troubles de la mémoire et qu’elles deviendront par la suite démentes. Dans ce cas, un dépistage ciblé peut rapidement apporter des éclaircissements aux personnes concernées, à leurs proches, mais aussi aux médecins traitants. En raison du ralentissement cognitif, les patients atteints de SEP peuvent courir le risque de se faire remarquer très tôt dans leurs processus de travail, car ils ont besoin de beaucoup plus de temps pour fournir une bonne qualité – contrairement à ce qui se passait auparavant.
Outre le ralentissement pur et simple, des problèmes de concentration et d’attention soutenue apparaissent, ainsi que des problèmes de multitâche (flexibilité cognitive). Les domaines cognitifs mentionnés ci-dessus, qui sont particulièrement limités dans le cas de la SEP, ont une énorme importance dans la vie quotidienne et représentent une charge non négligeable pour les personnes atteintes à tout moment de la maladie.
Mesurer les déficits clés et les documenter au fil du temps
Étant donné que les performances cognitives sont très importantes pour le travail et la vie quotidienne des patients, une évaluation régulière de l’état cognitif (une fois par an) devrait avoir lieu. Cette documentation permet d’une part aux patients de comprendre l’impact de leur traitement sur leurs performances cognitives, et d’autre part au médecin traitant de savoir si et quand l’état cognitif d’un patient se détériore de manière significative. Une détérioration évidente de l’état cognitif doit également toujours être l’occasion de reconsidérer de manière critique le traitement actuel.
L’outil de dépistage actuellement le plus recommandé au niveau national et international est la batterie BICAMS [10]. Cet outil de dépistage se compose de trois tests individuels, le SDMT (Symbol Digit Modalities Test) [11], le VLMT (Verbal Learning and Memory Test) [12] et le BVMT-R (Brief Visual Memory Test Revised) [13]. Le temps de réalisation de l’ensemble de la batterie de dépistage est d’environ 20 minutes. Si vous ne disposez pas de suffisamment de temps pour cela dans votre routine clinique, il est recommandé d’effectuer au moins le SDMT régulièrement une fois par an. Le test ne prend que 90 secondes et est très efficace. En particulier, le déficit de la vitesse cognitive et de la mémoire de travail peut être cartographié de manière très fiable avec cette méthode.
Un dépistage ne remplace en aucun cas un examen neuropsychologique élaboré, mais doit servir à détecter précocement un changement de performance par rapport au pré-test individuel et à intégrer la cognition dans le processus de décision thérapeutique.
Traitement des troubles cognitifs
L’évolution du côté du diagnostic peut être considérée comme extrêmement positive, tandis que le traitement des troubles cognitifs nous pose toujours de grands défis. La situation actuelle reste donc insatisfaisante. Il n’existe pas de traitement symptomatique efficace basé sur des preuves, ce qui ne permet pas de dégager un gold standard [14,15]. Cela ne signifie pas pour autant que l’on ne choisira pas, dans certains cas, d’utiliser l’un des médicaments dans le sens d’un “essai thérapeutique”.
En ce qui concerne les immunothérapies modificatrices de l’évolution, la situation a évolué favorablement dans la mesure où les représentants des entreprises pharmaceutiques ont reconnu que la cognition est un thème important dans la SEP et qu’il peut également être avantageux pour le placement de nouveaux médicaments sur le marché de faire une déclaration sur l’effet de leur propre médicament sur la performance cognitive (ce qui mettrait un aspect fonctionnel au premier plan).
Dans l’ensemble, les données disponibles sont toutefois encore peu nombreuses. Il a été démontré que les interférons et l’acétate de glatiramère n’ont pas d’effet négatif sur les performances cognitives – au contraire, les patients sous traitement ont de meilleurs résultats cognitifs que ceux sous placebo [16–20]. Pour le natalizumab, les résultats de deux études documentent une amélioration des performances cognitives dans des domaines cognitifs essentiels pour la SEP [21,22]. Le fingolimod et le diméthylfumarate [23] se sont révélés stabilisateurs de la cognition. Une amélioration cliniquement pertinente a récemment été présentée pour le daclizumab dans l’étude DECIDE [24]. En comparaison directe avec l’interféron bêta-1a i.m., les patients ont clairement obtenu de meilleurs résultats sur une période de 144 semaines. De plus, après la période d’observation mentionnée, les patients se sont améliorés au SDMT dans une mesure cliniquement significative (avec respectivement trois et quatre points de différence par rapport à l’examen initial).
Parmi les interventions non pharmacologiques, l’entraînement d’endurance modéré sur tapis roulant s’est avéré positif pour les performances cognitives [25]. A la question non négligeable de l’intensité de l’entraînement d’endurance, les résultats d’une étude répondent qu’un entraînement intensif, modéré et léger a des effets positifs équivalents [26]. Pour les patients, cela signifie qu’il est important de faire de l’exercice, qu’ils peuvent se dépasser, mais que l’intensité de l’entraînement peut être adaptée à leur forme du jour.
Outre l’activité sportive, l’entraînement cognitif est une mesure de traitement supplémentaire dont les patients peuvent bénéficier [27,28]. Cependant, l’entraînement cognitif doit être spécifiquement adapté aux déficits de chaque patient et ne doit pas être une approche globale du type “beaucoup d’entraînement aide beaucoup”.
Messages Take-Home
- Dans le cadre de la SEP, les troubles cognitifs sont des symptômes à prendre extrêmement au sérieux et qui ont un impact important sur la vie quotidienne. Les performances cognitives sont cruciales pour la capacité de travail des patients.
- L’état cognitif doit être évalué pour chaque patient nouvellement diagnostiqué.
- Les données doivent être collectées de manière à pouvoir documenter l’évolution individuelle dans le temps. La batterie BICAMS représente le gold standard national et international pour le dépistage cognitif de la SEP.
- Une immunothérapie précoce a un effet positif sur les performances cognitives.
- Une détérioration cognitive significative peut être le signe d’une poussée et doit toujours inciter à reconsidérer le traitement actuel.
- Il est urgent de sensibiliser les médecins traitants à ce sujet, afin que le réseau cognitif soit protégé par le
- L’utilisation d’immunothérapies et de traitements symptomatiques précoces permet de préserver le plus longtemps possible la santé des patients.
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