Un patient de 70 ans se présente chez son médecin généraliste avec des douleurs brûlantes dans la bouche et la gorge. Les symptômes apparaissent surtout le matin, mais peuvent ensuite durer plusieurs heures. Les symptômes s’aggravent parfois après la prise de nourriture ou l’exercice physique. Le patient signale qu’il souffre rarement de symptômes de reflux tels que brûlures d’estomac et remontées acides.
Anamnèse et diagnostic : Le patient ne fumait pas, ne buvait que rarement de l’alcool et était en outre en bon état général. Il ne prenait pas de médicaments et n’avait pas d’antécédents de comorbidités. Un essai de traitement avec un inhibiteur de la pompe à protons (Pantozol®, 20 mg une fois par jour) avait déjà été réalisé pendant deux semaines, mais il n’avait pas permis d’améliorer les symptômes et avait donc été interrompu. Le fait de mâcher du chewing-gum après avoir mangé a eu plus de succès. Les examens de laboratoire réalisés dans le cadre de l’anamnèse et une endoscopie du tractus gastro-intestinal supérieur étaient dans l’ensemble sans particularité. L’examen effectué par un spécialiste de l’ENT a révélé une sinusite chronique bénigne, mais aucune autre anomalie n’a été constatée.
Après cette consultation, le patient a demandé un deuxième avis à un gastroentérologue. Celui-ci a effectué une manométrie à haute résolution (HRM) et une mesure d’impédance pH-métrique sur 24 heures pour déterminer la cause des symptômes. Les examens physiologiques ont montré un sphincter œsophagien supérieur très faible et une petite hernie hiatale en position couchée. La mobilité de l’œsophage tubulaire était normale. La mesure de l’impédance pH-métrique sur 24 heures a révélé une exposition à l’acide dans la plage normale, avec seulement quelques épisodes de reflux par jour, mais une exposition prolongée à l’acide la nuit. Un lien a été établi entre les symptômes et la régurgitation proximale du contenu gastrique. Sur la base de ces examens, le diagnostic d’hypersensibilité au reflux avec symptômes laryngo-pharyngés prévalents a été posé.
Traitement et évolution : Le patient a refusé un traitement à long terme par un inhibiteur de la pompe à protons (Nexium®, 40mg deux fois par jour) et a été traité à la place par une forte dose d’antagoniste des récepteurs H2 (Ranitidine®, 300mg la nuit). Sous ce traitement alternatif du reflux, les symptômes se sont améliorés et le patient a décidé, après quelques semaines, de passer à un traitement à l’alginate (Gaviscon®) à sa discrétion.
Commentaire du professeur Mark Fox : Le reflux laryngo-pharyngé ou supra-œsophagien est une cause de maux de gorge chroniques, de sensation de brûlure dans la bouche et d’autres symptômes similaires. Cependant, les symptômes sont plutôt non spécifiques et ne sont que rarement améliorés par un traitement avec des inhibiteurs de la pompe à protons à dose standard. Les examens endoscopiques ne révèlent que rarement des inflammations graves dans le pharynx ou l’œsophage chez ces patients. De plus, le reflux ne peut être détecté par la mesure du pH-impédance que chez environ 1 patient sur 4 présentant ces symptômes atypiques [1].
Dans ce cas, ce sont les modifications de la manométrie haute résolution qui ont indiqué un reflux gastro-œsophagien et gastro-pharyngé (c’est-à-dire des sphincters faibles [2]), ainsi que la charge acide pathologique limite observée la nuit lors de la pH-métrie ambulatoire. De plus, il existait un lien entre la survenue des événements de reflux et les symptômes du patient. En se basant sur la classification de Lyon, qui intègre les résultats de tous les examens pertinents, cette combinaison de résultats permet de diagnostiquer une hypersensibilité au reflux [3].
Dans ce cas, une suppression de l’acidité à haute dose peut être une approche thérapeutique utile, car les structures laryngo-pharyngées ne se rétablissent que lentement après le contact avec l’acidité. Dans ce cas, le patient a préféré l’antagoniste des récepteurs H2, la ranitidine®, qui supprime efficacement la sécrétion acide nocturne basale. L’administration régulière de Gaviscon® s’est avérée encore plus utile. Cette préparation neutralise l’acidité et forme une couche apaisante sur la membrane oropharyngée et œsophagienne. De plus, un radeau se forme sur le contenu de l’estomac, ce qui supprime le reflux acide et non acide. L’arôme de menthe peut également avoir un effet thérapeutique en cas d’hypersensibilité au reflux accompagnée d’une sensation de brûlure, car l’huile de menthe poivrée est un agoniste du récepteur transitoire potentiel de la mélastatine 8 (TRPM8), qui est activé par le menthol (le principe actif de la menthe) et produit une sensation de fraîcheur dans la bouche [4].
Littérature :
- Mainie I, Tutuian R, Shay S, et al : Acid and non-acid reflux in patients with persistent symptoms of acid suppressive therapy : a multicentre study using combined ambulatory impedance-pH monitoring. Gut 2006;55 : 1398-1402.
- Babaei A, Venu M, Naini SR, et al : Impaired upper esophageal sphincter reflexes in patients with supraesophageal reflux disease. Gastroenterology 2015;149 : 1381-1391.
- Gyawali CP, Kahrilas PJ, Savarino E, et al : Diagnostic moderne du RGO : le Consensus de Lyon. Gut 2018;67 : 1351-1362.
- Premkumar LS : Transient receptor potential channels as targets for phytochimicals. ACS Chem Neurosci 2014;5 : 1117-1130.