Outre l’élimination des causes, l’évitement des déclencheurs et l’induction de la tolérance, le traitement pharmacologique est le quatrième pilier de la gestion des maladies de cette affection cutanée invalidante. Plusieurs antihistaminiques de deuxième génération sont disponibles, ainsi que quelques autres options thérapeutiques.
Alors que l’urticaire aiguë (durée <6 semaines) est une maladie fréquente, avec une prévalence à vie de 12 à 24%, mais ne pose généralement que peu de problèmes thérapeutiques, cela peut être le cas pour l’urticaire chronique (UC) , plus rare, dont la prévalence à 1 an est estimée à 0,8% [1,2]. Les données sur la fréquence à laquelle une urticaire aiguë évolue vers une forme chronique sont malheureusement rares. Les explications suivantes se basent d’une part sur la directive européenne actuelle sur l’urticaire, sur les autres publications disponibles et sur notre propre expérience dans la prise en charge des patients atteints d’UC [3]. Elles s’appliquent également aux angioedèmes chroniques qui ne sont pas dus à la prise d’inhibiteurs de l’ECA ou à des troubles de l’inhibiteur C1.
Différenciation clinique et enquête étiologique
La distinction arbitraire entre les deux formes sur la base de leur durée de vie de moins ou de plus de 6 semaines a des implications pour les mesures diagnostiques visant à déterminer leur étiologie. En cas d’urticaire aiguë unique sans déclencheur anamnestique, les examens allergologiques sont peu utiles, surtout s’ils durent plus de 24 heures. En revanche, les patients atteints d’urticaire chronique, en particulier, se posent la question de l’origine de la maladie. Les expériences passées nous ont désenchantés avec des diagnostics souvent très étendus, de sorte que les seuls examens non ciblés recommandés sont la détermination de paramètres inflammatoires tels que la CRP et une numération formule sanguine. D’autres mesures concernant les inflammations chroniques des dents, des voies respiratoires supérieures ou du tractus gastro-intestinal dépendent généralement des symptômes décrits. Ces examens peuvent conduire à un traitement causal au moins partiellement efficace ou, comme dans le cas d’une thyroïdite de Hashimoto découverte pour la première fois, donner lieu à des contrôles du fonctionnement des organes. La mise en évidence d’une urticaire dite autoréactive avec des auto-anticorps activant les mastocytes apporte tout d’abord une réponse possible à la question de l’origine de la maladie, mais les implications dans le sens d’un traitement causal n’en résultent que chez certains patients.
Outre les examens appropriés, on ne saurait trop insister sur une enquête anamnestique intensive, car il faut aussi distinguer l’urticaire chronique spontanée (CSU), avec ses quintes qui semblent surgir de nulle part, des formes inductibles, pour lesquelles des facteurs physiques jouent le plus souvent un rôle. En effet, d’une part, plusieurs formes d’urticaire physique peuvent coexister chez un même patient et, d’autre part, il n’est pas rare qu’elles coexistent avec une urticaire chronique spontanée. Cette différenciation chez le patient individuel est importante afin de ne pas négliger les stratégies d’évitement décisives. En outre, lorsque le patient déclare en bloc l’absence d’effet d’un traitement symptomatique, il faut tenir compte de son effet variable sur les différentes formes d’urticaire. C’est le cas, entre autres, de l’urticaire retardée associée à la pression.
Une autre indication pour le diagnostic et le traitement à entreprendre est donnée par la Diagnostic différentiel des lésions cutanées urticariennes, telles qu’elles apparaissent dans un certain nombre de cas très différents. des maladies peuvent survenir (Aperçu 3). La durée de vie de chaque efflorescence (plus de 24 heures) doit être prise en compte. heures ?) et les symptômes associés (fièvre, douleurs osseuses et articulaires ou crampes abdominales) sont importants. Dans de nombreux cas, il est nécessaire d’effectuer une biopsie d’échantillon à partir d’une quenouille pour obtenir des informations complémentaires.
Des algorithmes de diagnostic sont disponibles dans différentes publications [3,4].
Approches thérapeutiques
1. élimination des causes
Malheureusement, même un diagnostic très poussé n’a permis, par le passé, d’identifier les causes sur lesquelles il est possible d’agir thérapeutiquement que chez un pourcentage plutôt faible de patients. En outre, l’éradication d’Helicobacter pylori ou de parasites intestinaux, par exemple, n’entraîne pas régulièrement la disparition de l’urticaire dans un délai raisonnable. L’évaluation des études thérapeutiques correspondantes est rendue difficile par des résultats contradictoires, parfois des faiblesses méthodologiques et le fait que la maladie présente une tendance non négligeable à la guérison spontanée (voir ci-dessous). La décision de mettre en œuvre un traitement approprié doit donc être prise individuellement. Si l’anamnèse révèle un lien entre l’activité du CSU et le stress physique ou émotionnel, cela doit inciter à rechercher des moyens de le réduire. D’autre part, d’autres options de traitement sont recommandées pour l’urticaire cholinergique ou l’urticaire d’effort afin d’éviter l’inactivation.
L’intérêt d’un régime dit “pseudo-allergénique”, qui a été plus souvent utilisé dans le passé, ou d’un régime pauvre en histamine est controversé. Un essai répond au besoin de certains patients, mais ne devrait alors être effectué que sous un bon contrôle des symptômes (UAS7) et pendant au moins 2 à 3 semaines.
2) Éviter les facteurs aggravants
Les patients concernés doivent être informés que la consommation d’alcool, la prise d’AINS ou la chaleur (bains de soleil, sauna) peuvent entraîner des exacerbations de l’urticaire chronique. Il en va de même pour les infections (fébriles). La connaissance de tels liens est souvent utile pour les patients qui s’inquiètent de l’aggravation aiguë de leur maladie.
3. induction de tolérance
Leur place est globalement faible et reste la plus probable en cas d’urticaire solaire, lorsqu’un traitement pharmacologique symptomatique ne suffit pas. L’effet est basé sur une insensibilité temporaire à l’agent déclencheur initial et nécessite donc une ré-exposition continue. En revanche, cela rend souvent le traitement de l’urticaire cholinergique ou de l’urticaire de contact au froid impraticable.
4. thérapie pharmacologique avec inhibition de la libération ou de l’action des médiateurs mastocytaires
Les manifestations cliniques de l’urticaire étant principalement dues à l’action de l’histamine libérée sur les récepteurs H1 des vaisseaux et des nerfs, l’utilisation d’antagonistes appropriés est l’approche thérapeutique privilégiée. Le mécanisme des médicaments appelés antihistaminiques repose sur une liaison préférentielle aux récepteurs H1 inactifs et sur la stabilisation de cet état. Cela explique également le meilleur effet clinique d’une prise régulière par rapport à une médication à la demande. Cette dernière a toutefois un sens si, dans le cas d’une urticaire physique, le patient peut prévoir qu’une exposition correspondante, par exemple au froid, est imminente. En raison de la pharmacodynamie, il est recommandé dans ce cas de prendre le médicament 1 à 2 heures avant.
Les antihistaminiques sédatifs de première génération ne devraient plus être utilisés dans le traitement de l’urticaire chronique en raison de leurs effets secondaires. Dans ce cas, la clémastine, disponible pour l’administration parentérale, a tout au plus encore un intérêt en cas d’urticaire aiguë.
Antihistaminiques de 2e génération : en raison de leur meilleur spectre d’effets secondaires, les antihistaminiques dits de 2e génération sont à privilégier. En Suisse, les médicaments disponibles sont la cétirizine ou la lévocétirizine, la loratadine ou la desloratadine, la fexofénadine et la bilastine. La lévocétirizine est un énantiomère de la cétirizine, qui se présente normalement sous forme de racémate, et la desloratadine est un métabolite naturel de la loratadine. Par conséquent, les effets et les effets secondaires potentiels sont en grande partie identiques. Une sédation perceptible est plus susceptible d’être observée chez certains patients avec la cétirizine ou la lévocétirizine. Le traitement consiste généralement en une dose unique prise une fois par jour, les démangeaisons étant souvent plus sensibles que les rougeurs ou les gonflements. Parfois, les patients signalent des différences d’efficacité entre les préparations, sans qu’il y ait de modèle reproductible ou d’explication pharmacologique à ces différences. C’est pourquoi un changement de préparation peut parfois être envisagé si l’effet n’est pas suffisant. Si les symptômes ne sont pas suffisamment contrôlés dans un délai de 1 à 2 semaines, il est recommandé d’augmenter la dose du double au quadruple (fig. 2). L’expérience montre qu’une répartition régulière des prises n’est pas nécessaire et qu’une administration 2× par jour semble suffisante. Une augmentation supplémentaire au-delà de la quadruple dose n’est pas recommandée dans la ligne directrice actuelle. Il en va de même pour l’association de plusieurs antihistaminiques. Une réduction de la dose de loratadine, de cétirizine et de fexofénadine n’est recommandée que pour les patients présentant un dysfonctionnement hépatique ou rénal sévère. En raison du manque d’expérience, le fabricant déconseille l’utilisation de la bilastine pour les deux groupes de patients ; il est donc recommandé de faire preuve d’une certaine prudence chez les patients présentant de tels troubles fonctionnels, si des augmentations de dose sont envisagées.
Omalizumab : si cette étape du logarithme thérapeutique ne permet pas d’obtenir un contrôle acceptable de la maladie, l’administration d’omalizumab est la solution de choix. Ce médicament, initialement utilisé dans l’asthme bronchique, est désormais également autorisé dans le CSU de longue durée comme adjuvant en cas de réponse insuffisante aux antihistaminiques H1. En général, une dose de 300 mg est administrée toutes les 4 semaines, avec la possibilité de réduire la dose à 150 mg. Contrairement à l’asthme bronchique, cette dose est indépendante de la concentration totale d’IgE dans le sérum et du poids corporel en cas d’urticaire chronique. Il est frappant de constater que de nombreux patients observent une régression des démangeaisons et de la formation de papules quelques jours seulement après la première injection, ce qui leur permet de réduire ou d’arrêter la prise de l’antihistaminique, alors que la réponse peut être retardée, en particulier dans le cas d’une urticaire chronique auto-réactive. D’autres patients ont encore besoin d’un antihistaminique supplémentaire pour contrôler suffisamment leurs symptômes. Si l’absence totale de symptômes persiste même avec une dose réduite d’omalizumab, nous prolongeons généralement les intervalles entre les injections d’une semaine à la fois et arrêtons le traitement si aucune nouvelle manifestation de la maladie n’apparaît après 8 semaines. Toutefois, en cas de récidive, le médicament peut être réutilisé sans qu’il soit nécessaire de s’attendre à une réponse limitée. Le ligélizumab, un autre anticorps anti-IgE, semble même être plus efficace que l’omalizumab chez les patients dont le CSU est globalement plus difficile à traiter (par ex. autoréactif), mais il n’est pas encore disponible [6].
Cyclosporine A : en cas d’échec du traitement, même avec l’omalizumab, l’utilisation de la cyclosporine A peut être envisagée. Il s’agit toutefois d’une utilisation hors étiquette. Plusieurs études ont démontré l’efficacité de ce médicament à des doses comprises entre 3 et 5 mg/kg de poids corporel par jour. En plus de son effet immunosuppresseur, qui devrait se manifester dans le cas des auto-anticorps activant les mastocytes, la ciclosporine A a également un effet direct sur la libération de médiateurs par les mastocytes. Lors de l’utilisation de ce médicament, il convient bien entendu de respecter les examens préalables et de contrôle correspondants ainsi que les contre-indications, même en cas de CSU.
Autres options : Les antagonistes des leucotriènes tels que le montelukast, qui figuraient dans les algorithmes thérapeutiques précédents, ont un faible niveau de preuve quant à leur efficacité dans le CSU, de sorte qu’ils ne sont plus recommandés de manière générale en complément des antihistaminiques. En cas d’urticaire chronique réfractaire, d’autres formes de traitement peuvent être envisagées, bien que les preuves de leur efficacité, attestées par des publications, soient peu nombreuses. Néanmoins, en cas d’évolution réfractaire, on envisagera leur utilisation dans le cas du CSU ou d’une urticaire inductible (tableau 2). Les glucocorticostéroïdes systémiques ont tout au plus leur place dans le traitement d’une exacerbation incontrôlable de la maladie, où ils peuvent être administrés sous forme de doses brèves d’une dose maximale de 10 mg par jour. 10 jours peuvent être appliqués.
Stratégie de traitement adaptée à l’évolution : si l’une des mesures énumérées permet d’obtenir un contrôle complet de l’urticaire, le traitement doit être interrompu au bout de 3 à 6 mois afin de pouvoir saisir l’évolution naturelle de la maladie et donc une éventuelle rémission spontanée. Malheureusement, les données épidémiologiques sur l’évolution spontanée du CU sont limitées et donc assez divergentes : dans une étude néerlandaise, 47% des patients atteints de CSU ne présentaient plus de symptômes après 1 an. En revanche, la guérison était moins fréquente en cas d’urticaire chronique inductible (physique) [7]. La présence simultanée d’une urticaire physique peut donc compromettre considérablement l’obtention de l’absence de manifestations recherchée. Même si les symptômes de l’urticaire chronique spontanée disparaissent sous antihistaminique, les patients rapportent bien la persistance de leur urticaire factice ou de leur urticaire retardée à la pression. Dans ce cas, on peut envisager d’étendre le traitement avec des substances du tableau 2 ou d’utiliser l’omalizumab. Il s’agit d’une utilisation off-label.
Le traitement des enfants pose le problème suivant : selon l’autorisation officielle, l’utilisation d’antihistaminiques de deuxième génération n’est possible qu’à partir de l’âge de 6 ou 12 ans. Seul le dimétindène, qui appartient à la première génération, a une autorisation de mise sur le marché dès la première année de vie. Cependant, les anciens produits (clémastine et dimétindène) présentent un profil de sécurité inférieur à celui des antihistaminiques de deuxième génération. Les enfants doivent donc être traités de la même manière que les adultes, en fonction de leur poids et de leur âge, avec des antihistaminiques de deuxième génération. La disponibilité de la forme liquide ou du comprimé à dissolution rapide joue également un rôle dans le choix de la préparation. Les alternatives thérapeutiques mentionnées plus haut, comme l’augmentation de la dose d’antihistaminique ou l’administration d’omalizumab ou de cyclosporine A, n’ont pas été bien étudiées en ce qui concerne l’urticaire.
Traitement des enfants, pendant la grossesse et l’allaitement
Il existe de nombreuses expériences d’utilisation pendant la grossesse et l’allaitement, au moins pour la loratadine et, dans une moindre mesure, pour la cétirizine, de sorte que ces deux antihistaminiques devraient au moins être privilégiés. Il n’existe pas d’études de sécurité sur une dose plus élevée d’antihistaminiques pendant la grossesse, ce qui doit au moins être pris en considération. D’autre part, il n’existe à ce jour aucune preuve d’un effet tératogène de l’omalizumab ou de la ciclosporine A. Dans ce contexte, la ligne directrice actuelle recommande d’utiliser avec prudence le même algorithme de traitement chez les femmes enceintes, mais aussi chez les femmes qui allaitent, après une bonne évaluation du rapport risque/bénéfice. Il faut en tout cas tenir compte du fait que les nourrissons allaités peuvent également présenter une sédation et donc, par exemple, une difficulté à boire en cas de prise d’antihistaminiques de première génération par la mère.
Messages Take-Home
- En cas d’urticaire chronique sans antécédents, il n’est pas nécessaire de procéder à une enquête étiologique étendue.
- Dans le cadre du traitement de l’urticaire chronique spontanée, il faut tenir compte de l’urticaire physique concomitante.
- Les antihistaminiques sédatifs de première génération sont à éviter.
- En cas d’effet insuffisant d’un antihistaminique à dose simple, il est recommandé d’augmenter rapidement la dose. Si l’effet souhaité n’est pas obtenu, l’omalizumab peut être utilisé.
Littérature :
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- Zuberbier T, et al : Le guide EAACI/GA²LEN/EDF/OMS pour la définition, la classification, le diagnostic et la prise en charge de l’urticaire. Allergy 2018 ; 73(7) : 1393-1414.
- Bernstein JA, et al : The diagnosis and management of acute and chronic urticaria : 2014 update. J Allergy Clin Immunol 2014 ; 133(5) : 1270-1277.
- Weller K, et al. : Development and validation of the Urticaria Control Test : a patient-reported outcome instrument for assessing urticaria control J Allergy Clin Immunol 2014 ; 133(5) : 1365-1372.
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- Spertini F, et al. : Gestion de l’urticaire en soins primaires. Forum Med Suisse 2017 ; 17(32) : 660-664.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2019 ; 29(6) : 8-11