La classification des rides selon Glogau, Kreyden et de Maio a des conséquences sur la thérapie. Il est donc important de reconnaître les différents groupes de patients, de poser un diagnostic correct et de cibler le traitement. Le principe est le suivant : “technique follows function ! Le domaine principal du traitement BTX est le tiers supérieur du visage. Cela s’explique par le fait que dans le tiers supérieur du visage, les rides sont majoritairement de nature mimétique, que la lipatrophie ne joue un rôle que dans la zone sous-orbitaire et que nous avons un nombre et une disposition relativement clairs des structures musculaires. Les rides de colère (glabelle), les rides d’inquiétude (front) et les rides du sourire (contour latéral de l’œil) sont les indications les plus fréquentes du BTX pour le tiers supérieur du visage.
“Bei Mir Bistu Shein” (Chez moi tu es belle), titre d’un morceau de swing, Andrews Sisters de la comédie musicale yiddish “Men ken lebn nor men lost nisht” (On pourrait vivre, mais ils ne nous laissent pas), New York, 1938
Les rides peuvent être classées selon différents critères. Cette classification est utile et a des conséquences thérapeutiques, comme nous le verrons. D’une part, selon Glogau [1], nous distinguons quatre types de rides avec l’âge, en fonction de leur sévérité (Fig. 1) :
- Type I : pas de rides
- Type II : rides liées aux mouvements mimétiques
- Type III : rides même sans expressions faciales
- Type IV : les rides dominent l’ensemble de l’apparence.
Une autre classification des rides, parfois plus importante sur le plan clinique, concerne l’étiologie de la formation des rides [2] (Fig. 2) :
Rides dues à une hyperfonctionnalité mimétique
Rides dues à une diminution du volume sous-cutané (tissu adipeux, muscle, atrophie osseuse)
Rides dues à des modifications cutanées (au sens strict, élastose actinique, mais aussi altérations actiniques de la peau telles que lentigines, kératoses actiniques, etc.)
Enfin, De Maio divise (au lieu des rides) les patients présentant des rides faciales mimétiques hyperfonctionnelles en trois groupes, qu’il souhaite également voir traités différemment [3] (fig. 3) :
- patients cinétiques (mimiques conscientes, “je bouge quand je veux”)
- patients hyperkinétiques (mimiques inconscientes, “victimes des mimiques involontaires”)
- les patients hypertoniques (mimiques persistantes, “je ne peux pas me détendre”).
La classification la plus ancienne, celle de Glogau, recommande que le type I ne nécessite aucun traitement ou tout au plus un traitement topique. Les types II et III sont adaptés au traitement à la toxine botulique, tandis que le type IV devrait plutôt faire l’objet d’un traitement chirurgical ou d’un peeling profond. Cette classification claire, qui était encore valable il y a dix ans, est quelque peu relativisée par la longue expérience acquise avec le médicament toxine botulique (BTX). D’une part, il a été constaté que les traitements multiples avec le BTX (et en particulier les traitements de comblement) permettent d’obtenir une amélioration de l’aspect de la peau et de son apparence. En outre, il a été démontré que de meilleurs résultats à long terme sont obtenus lorsque le traitement est mis en place le plus tôt possible. Cela a conduit à la conclusion que les traitements esthétiques en général et les applications BTX en particulier devraient être effectués de manière prophylactique plutôt que thérapeutique. Le groupe présentant une mimique cinétique (correspondant à Glogau I) est celui qui bénéficie le plus du traitement BTX, car c’est là que la durée d’efficacité est la plus longue. En règle générale, un traitement par an suffit comme prophylaxie, nonobstant la perte d’efficacité après environ six mois. Dans le groupe des patients hyperkinétiques, la durée d’efficacité est plus courte (trois à quatre mois) et il n’est pas rare que des injections ultérieures soient effectuées pour améliorer le résultat clinique. Les patients présentant des mimiques hyperkinétiques constituent le groupe le plus souvent traité. Le patient hypertonique avec une contracture mimique permanente est le plus difficile à traiter car, d’une part, l’efficacité du BTX est très limitée (parfois seulement un à deux mois) et, d’autre part, la ride du lion ne disparaît généralement pas complètement. L’objectif est de faire passer ces patients dans la catégorie hyperkinétique et, au mieux, dans la catégorie kinétique. Il n’est pas rare d’y parvenir par des traitements répétitifs jusqu’à quatre fois par an. Au fil du temps, les patients “oublient” de contracter leurs muscles, devenant ainsi des patients cinétiques. Ce groupe de patients souffre également d’une fréquence disproportionnée de migraines ou de troubles du sommeil. les céphalées de tension, qui sont également bien traitées par le traitement BTX.
Le BTX ne convient pas à tous les types de rides. Cette affirmation, qui peut sembler anodine, revêt une importance considérable dans la pratique clinique quotidienne. Il n’est pas rare que les thérapeutes tentent de traiter les rides non mimétiques, c’est-à-dire les rides dues à un déficit de volume du visage ou à une élastose actinique, avec le BTX. Cela provient généralement du fait que le médecin traitant a suivi une formation complémentaire unilatérale (“je ne sais qu’injecter du BTX selon un schéma donné”) ou n’a pas posé de diagnostic, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas demandé quelle était la cause de la formation clinique des rides. Cela a conduit à la classification étiologique (“technique follows function !”) [2]. Le BTX permet de traiter exclusivement les rides d’origine mimétique, c’est-à-dire les rides qui apparaissent en raison d’une hyperactivité musculaire. Si les rides existent en raison d’une perte de volume sous-cutanée due à une lipatrophie, voire à une atrophie osseuse dans les cas avancés, on n’obtiendra aucune amélioration avec un traitement au BTX, voire le plus souvent une aggravation du tableau clinique. Les rides sous-orbitales dues à la lipatrophie dans la région des pommettes en sont des exemples. Si l’on traite ici avec du BTX, il en résulte des poches disgracieuses sous les yeux, car le muscle orbiculaire occuli représente encore la seule structure de maintien. Les patients atteints d’élastose actinique (Glogau IV) ne bénéficient pas non plus d’un traitement au BTX, car la formation de rides sous-jacente est due à des modifications structurelles de la peau. Pour cette raison, ce groupe de patients a besoin d’un rafraîchissement de la peau elle-même (peeling, traitement au laser), voire d’une intervention chirurgicale.
En résumé, on peut donc constater que les différentes classifications des rides ont une conséquence clinique et qu’il est très important de reconnaître à l’avance les différents groupes de patients afin de pouvoir appliquer le bon traitement après avoir posé le bon diagnostic (“technique follows function !”).
Utilisation de la toxine botulique dans le tiers supérieur du visage
Disons-le tout de suite : Le domaine de prédilection du traitement BTX est le tiers supérieur du visage. Cela s’explique par le fait que dans le tiers supérieur du visage, les rides sont majoritairement de nature mimétique, que la lipatrophie ne joue un rôle que dans la zone sous-orbitaire et que nous avons un nombre et une disposition relativement clairs des structures musculaires. Les indications les plus fréquentes de BTX dans le tiers supérieur du visage sont les suivantes :
- Rides du front (glabella)
- Rides d’inquiétude (front)
- Rides du sourire (contour latéral de l’œil)
Des indications plus rares, réservées aux thérapeutes plus expérimentés, sont le lifting des sourcils, les rides dites “bunny lines” (rides du nez), le relèvement de la pointe du nez et les asymétries faciales. Nous n’aborderons ci-après que les principales indications.
Les rides du front (glabella) : Les rides du front sont provoquées par trois muscles :
- M. corrugator supercilii : tire les sourcils médians vers le bas
- M. depressor supercilii : tire les sourcils médians vers le médial
- M. procerus : tire l’espace interoculaire vers le bas.
Tous les muscles sont dits dépresseurs, c’est-à-dire qu’ils tirent la peau du visage vers la région caudale. En cas d’affaiblissement correspondant de la musculature, il y a donc un effet de lifting de la zone traitée. Le but du traitement est de faire disparaître les rides verticales dans la région interoculaire (muscle corrugator ou depressor supercilii) ainsi que la ride horizontale à la racine du nez (muscle procerus). La quantité totale de BTX d’environ 20 unités de Ona- resp. Incobotulinum resp. 60 unités d’abobotulinum(voir la première partie du numéro 1/2015) est réparti sur quatre points d’injection, voire cinq en cas de traitement conjoint du muscle procerus (fig. 4). Si les points d’injection sont placés trop haut, la partie médiale du muscle frontal est également traitée. Dans ce cas, on observe une ptose sourcilière médiale (avec un regard fatigué en conséquence) et, par compensation, une élévation latérale des sourcils (“Spock-eye” ou “sourcils de Méphisto”). Une complication redoutable est la ptose des paupières après le traitement de la glabelle. Cette complication ne se produit pas si la pointe de l’aiguille est toujours placée dans le sens inverse de l’œil.
Rides de souci (front) : Les rides horizontales du front (rides de souci) sont le résultat d’une activité accrue du muscle frontalis (releveur des yeux et du front). La plupart du temps, celui-ci est trop sollicité, car le patient compense involontairement une blépharochalasis croissante. Le muscle frontal est le seul muscle qui tire vers le haut dans le tiers supérieur du visage. Ceci est important dans la mesure où nous devons toujours nous attendre à une ptose des sourcils lors d’un traitement des rides d’inquiétude (traitement du front, M. frontalis), en particulier si les points d’injection sont placés trop bas sur le front. Dans ce cas, le résultat ne sera pas le rafraîchissement souhaité, mais au contraire, il en résultera une expression faciale fatiguée et déprimée. La patiente le remarque en se maquillant les paupières tous les jours. Comme le sourcil et donc la partie apicale de la paupière supérieure sont abaissés, l’application de l’ombre à paupières ne peut se faire qu’à l’aide d’une tension de la main non dominante. Cliniquement, cela est facile à vérifier : On demande au patient d’adopter une expression faciale détendue en regardant devant lui. Avec la main qui examine, il est très facile de simuler l’ampleur de l’affaissement frontal et donc de déterminer avec précision la hauteur des points d’injection. Toutefois, dans certains cas, une blépharoplastie doit être recommandée avant le traitement BTX du front afin d’obtenir un résultat satisfaisant pour tous. En fonction de l’étendue du traitement, six à dix points d’injection de 2 unités d’Ona- ou Incobotulinum ou de 2 unités d’Incobotulinum sont injectés. 6 unités d’Abobotulinum.
les rides du sourire (yeux latéraux, “pattes d’oie”) : Il y a des rides qui sont plutôt associées à une expression amicale du visage et d’autres où c’est le contraire. En principe, les rides superficielles et radiaires de la partie latérale de l’œil (également appelées “pattes d’oie”) font partie des rides “sympathiques”, d’autant plus qu’elles ne sont généralement visibles qu’en cas de rire franc, raison pour laquelle l’expression “rides du sourire” est plus appropriée. Cependant, ces rides peuvent être esthétiquement gênantes, en particulier pour les peaux claires (Fitzpatrick I et II). Tant qu’ils ne sont visibles que sous forme de mimiques, le traitement par BTX est extrêmement efficace. Selon l’étendue, trois à quatre points d’injection de 2 unités d’ona- ou d’incobotulinum, ou de 2 points d’injection de 2 unités d’incobotulinum sont effectués. 6 unités d’abobotulinum nécessaires pour harmoniser la partie latérale de l’œil. Le traitement concerne la partie latérale du muscle orbiculaire occulte. Si les points d’injection sont choisis trop bas, il y a un risque d’atteinte du muscle grand zygomatique ou du muscle grand dorsal. mineur. La fonction de ces deux muscles est de soulever la lèvre supérieure ainsi que le philtrum. Régulièrement décrite dans la littérature comme une complication fréquente du traitement par BTX de la région latérale et sous-orbitaire, cette complication est de facto négligeable. Le thérapeute devrait en effet choisir des points d’injection très caudaux et très profonds pour risquer un “sourire figé”.
Le traitement du tiers inférieur du visage sera le thème du prochain bloc de formation. Réjouissez-vous, cela va être passionnant !
Littérature :
- Glogau RG, Matarasso SL : Peaux chimiques. Acide trichloroacétique et phénol. Dermatol Clin 1995 ; 13 : 263-276.
- Kreyden OP : Botox et les hommes – Concepts thérapeutiques spécifiques au genre. In : Ruzicka T, et al. (éd.) : Fortschritt der praktischen Dermatologie und Venerologie 2008 ; Volume 21 : 452-458.
- De Maio M, Rzany B : Sélection du patient. In : De Maio M, Rzany B (éd.) : Botulinum Toxin in Aesthetic Medicine. Springer 2007 ; 11-21.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(2) : 30-33