Les pieds, et donc leur peau et leurs ongles, sont sollicités quotidiennement. Il existe une interaction entre le pied et la chaussure. Le port de chaussures fermées peut à lui seul contribuer à l’apparition de lésions et de maladies cutanées. Une mauvaise position peut encore accentuer ce phénomène en raison d’une répartition inégale de la pression lors de la marche, de pressions ponctuelles dans la chaussure et d’espaces particulièrement étroits entre les orteils. Le traitement nécessite souvent une réflexion interdisciplinaire de la part du médecin traitant dans le sens d’une prise en charge directe de la lésion cutanée et d’une élimination des causes d’un point de vue orthopédique.
Comme nous transpirons toujours dans des chaussures fermées, la peau se macère plus rapidement, ce qui peut entraîner une détérioration mécanique et l’apparition d’infections, notamment le keratoma sulcatum (Fig. 1), des infections du pied à Gram négatif et des mycoses. Même si les matériaux modernes, notamment ceux utilisés pour les chaussures de sport, sont censés évacuer la transpiration de la peau, le cuir, en tant que matériau naturel, est souvent le plus approprié comme matériau de chaussure au quotidien. Indépendamment de sa capacité à absorber la transpiration, une chaussure portée doit sécher pendant un ou deux jours avant d’être portée à nouveau.
Les chaussures étroites et pointues et les talons hauts contribuent à leur tour aux contraintes mécaniques et, par la suite, au développement de déformations secondaires (fig. 2). Les femmes et les hommes portant des chaussures très pointues, selon la mode du moment, ne sont pas les seuls à être exposés à ce risque. L’angle physiologique de l’hallux-valgus est généralement inférieur à 15°. Cependant, les chaussures de confection ont souvent des angles de 15 à 20° avec le bord interne du pied, ce qui expose le côté médial du premier rayon à une pression accrue et le pousse de plus en plus vers une position en valgus. Trouver un équilibre entre les exigences de la mode et la santé du pied est difficile pour le patient et surtout pour le conseiller.
Problèmes aigus et chroniques consécutifs
Il peut en résulter des modifications cutanées aiguës et chroniques. D’un point de vue mécanique, on observe des bulles aux points de pression et éventuellement des hématomes aux talons (“black heel”) et aux orteils (“runners toe”) (fig. 3) lorsque les chaussures sont mal ajustées. Les contraintes mécaniques chroniques entraînent physiologiquement un épaississement de la couche cornée. Selon le degré et l’étendue de la charge, cela peut entraîner la formation de cals ou de clavi (cors). Ces dernières sont justement dues à des pressions ponctuelles (Fig. 4). Les clavi sont souvent diagnostiqués à tort comme des verrues plantaires, alors que les deux diagnostics peuvent être facilement différenciés cliniquement. L’ablation de la kératose à l’aide d’une lame de scalpel révèle, dans le cas du clavus, une kératose homogène d’aspect vitreux, tandis que dans le cas de la verruca, on observe des points noirs qui correspondent à des thromboses capillaires dues à la néovascularisation. Contrairement au clavus, le verruca interrompt le motif régulier des dermatoglyphes.
L’hyperkératose peut également se produire entre les orteils en raison d’une pression accrue. Comme celui-ci est mou en raison de la macération accrue qui s’y produit, on parle également d’heloma molle. Enfin, en cas de prédisposition, comme une polyneuropathie (diabète sucré !), un ulcère de pression (malum perforans) peut également survenir.
Toutes les modifications cutanées dues à la pression ont en commun le fait que le traitement dermatologique topique n’a qu’une importance de soutien. En premier lieu, il convient d’analyser les pressions locales, dues entre autres à des chaussures inadaptées et à une mauvaise position.
Hallux valgus
L’hallux valgus est une déformation fréquemment observée, qui s’accompagne d’un pied étalé et de la formation d’orteils en marteau. Outre des chaussures inadaptées (avec une semelle dure et un rétrécissement latéral du pied), des facteurs génétiques et des comorbidités (par ex. l’obésité) semblent être une cause possible.
En conséquence, on observe des modifications cutanées dues à la pression dans la zone de la pseudo-exostose à la base du gros orteil (fig. 5), dans la zone des articulations interphalangiennes dorsales en raison de la malposition des orteils en marteau de la pointe des orteils et très souvent dans la zone des têtes métatarsiennes II/III plantaires en raison du pied étalé qui en résulte. Ce dernier cas en particulier s’accompagne souvent de la formation de callosités douloureuses (appelées “callosités”). 6) et peut être mal diagnostiqué comme un clavus.
Dans tous les cas, le diagnostic doit être établi par un orthoprothésiste qui mesurera la pression sur le pied ou analysera la démarche avec et sans chaussures, ou qui fera appel à un orthopédiste si nécessaire.
S’attaquer aux causes avant tout
Pour remédier à la cause de la mauvaise charge et donc à la cause des modifications de la peau, il convient d’abord d’épuiser toutes les possibilités de traitement conservateur. Outre le port de chaussures adéquates, il convient de discuter, entre autres, de semelles orthopédiques, d’attelles de nuit ou même de chaussures spéciales. L’intervention chirurgicale doit être considérée comme une solution de dernier recours.
Modifications des ongles
On peut également observer des hématomes sous-unguéaux sur les ongles ou, en cas de pression chronique, des stries transversales, une trachyonychie ou une dystrophie. La conséquence maximale peut être la perte totale de l’ongle. Si l’ongle n’est pas encore tombé mais qu’il est complètement onycholysé, il y a un risque de rétronychie si la pression exercée par la chaussure se poursuit. L’unguis incarnatus est généralement dû à une disproportion entre la largeur de l’implantation de l’ongle et la largeur disponible du lit de l’ongle. Une pression chronique peut accentuer cette disproportion suite à un rétrécissement supplémentaire du lit de l’ongle. Les ongles tubulaires (“pincer nails”) peuvent également être dus à la marche avec une charge réduite sur le gros orteil.
Les exostoses ou les séquestres osseux (après une fracture) exercent une pression par le bas contre l’ongle, entraînant ainsi une déformation. Avant de pratiquer une biopsie en cas de suspicion de tumeur sous-unguéale, il est donc préférable de toujours procéder à un examen radiologique afin d’exclure les causes osseuses.
Littérature complémentaire :
- Singh D, Bentley G, Trevino SG : Callosities, corns, and calluses. BMJ 1996 ; 312 : 1403-1406.
- Freeman DB : Cornus et cals résultant d’une hyperkératose mécanique. Am Fam Physician 2002 ; 65 : 2277-2280.
- Coughlin MJ : Causes communes de la douleur dans l’avant-pied chez les adultes. J Bone Joint Surg Br 2000 ; 82 : 781-790.
- Kosaka M, et al. : Étude morphologique des ongles normaux, incarnés et pincés. Dermatol Surg 2010 ; 36 : 31-38.
- Sano H, Shionoya K, Ogawa R : Le chargement des pieds est différent chez les personnes avec et sans ongles en pinces : une étude de contrôle de cas. J Foot Ankle Res 2015 ; 8 : 43.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2015 ; 26(1) : 6-9