La réunion annuelle de la Société suisse de neurologie s’est tenue fin octobre 2015 à Berne. Une série de conférences a présenté et expliqué les différentes causes des maux de tête. Il est apparu que chez certains patients, les maux de tête peuvent avoir des origines complexes – par exemple la surconsommation d’analgésiques ou des fluctuations hormonales. La prise en charge et le traitement des patients concernés sont par conséquent complexes et souvent longs.
Le professeur Peter Sandor, de la RehaClinic Zurzach, a donné un aperçu des céphalées liées à la surconsommation de médicaments (Medication Overuse Headache, MOH). Comparé à d’autres types de céphalées comme les céphalées de tension (60% de la population) et les migraines (15%), le MOH est plutôt rare avec une prévalence de 2%. Mais cela concerne tout de même environ 160 000 personnes en Suisse, ce qui est considérable.
Les maux de tête chroniques modifient le cerveau
Le MOH est ce que l’on appelle une “céphalée de transformation” : les crises de céphalées fréquentes se transforment en céphalées chroniques si le patient prend trop souvent des médicaments (tab. 1). Pratiquement tous les médicaments courants contre les maux de tête peuvent déclencher un MOH. Le MOH est fortement associé à des troubles psychiatriques (dépression dans plus de 20% des cas, troubles anxieux dans 3,5% des cas) et la structure de la personnalité des patients est souvent similaire à celle des toxicomanes (réduction du contrôle des impulsions). D’un point de vue physiopathologique, il est également possible de mettre en évidence des modifications de la substance grise frontale et du tronc cérébral chez les patients, qui régressent après un sevrage réussi.
Une première tentative de sevrage peut être effectuée en ambulatoire si le MOH n’est pas présent depuis plus de deux ans, si le patient ne souffre pas de comorbidités psychiatriques importantes et s’il n’est pas dépendant aux sédatifs ou aux opioïdes. Si ces conditions ne sont pas remplies, un sevrage en milieu hospitalier est nécessaire.
Pendant le sevrage hospitalier, le patient ne prend plus de médicaments contre les céphalées aiguës et reçoit 100 mg/j de prednisone (en association avec un IPP) pendant cinq jours. Pendant cette période, il faut essayer d’établir un traitement prophylactique des maux de tête, en fonction du type de maux de tête. Le patient doit également tenir un journal de ses maux de tête.
Réhabilitation après un sevrage
Le sevrage hospitalier est trop court pour qu’une éducation complète du patient ainsi que des mesures supplémentaires telles que la thérapie par l’exercice ou la thérapie comportementale puissent être mises en place. C’est pourquoi une rééducation ultérieure peut s’avérer utile. Elle est particulièrement indiquée pour les patients qui ont déjà subi des échecs thérapeutiques répétés ou pour ceux qui ont des problèmes psychosociaux importants (couple, travail, maladie psychiatrique). Pendant la rééducation, qui dure deux à trois semaines, différentes composantes thérapeutiques sont appliquées (tableau 2). A Zurzach, il existe un groupe de rééducation composé exclusivement de patients souffrant de céphalées.
La fréquence des crises de maux de tête après le sevrage dépend de la substance abusée : en cas de surconsommation de triptans, la douleur disparaît plus rapidement qu’en cas de surconsommation d’autres classes de substances. Après le sevrage, il n’est pas interdit aux patients d’utiliser des médicaments contre les maux de tête. Ils doivent toutefois être utilisés de manière sélective, et pas plus de dix jours par mois. Ou comme l’a dit le conférencier : “Hit hard or don’t hit at all”.
Aspects hormonaux chez les patientes migraineuses
Le professeur Anne MacGregor, MD, Londres, Royaume-Uni, a donné des informations sur les migraines menstruelles et les crises menstruelles. Ces deux types de céphalées ne sont pas identiques : dans le cas d’une migraine menstruelle, les crises de céphalées surviennent principalement (voire exclusivement) pendant les règles ; les crises menstruelles concernent les patientes qui connaissent des crises de céphalées tout au long du cycle, y compris pendant les règles. Cette distinction est importante pour les conséquences thérapeutiques. En cas de migraine menstruelle, la prophylaxie se fait de manière périmenstruelle, et en cas de crise menstruelle, selon la prophylaxie standard de la migraine. Pour cette raison, les patients doivent d’abord tenir un journal précis de leurs maux de tête, de manière à pouvoir déterminer le schéma des crises de migraine.
Crises menstruelles : dosage suffisamment élevé des analgésiques
En cas de crises menstruelles, le traitement doit être optimisé. De nombreuses femmes sont sous-traitées parce qu’elles n’osent pas prendre d’analgésiques plusieurs jours de suite. Or, cela est souvent nécessaire. Il faut donc informer les patientes que ce ne sont pas les doses individuelles qui comptent, mais le nombre de jours par mois où elles prennent des analgésiques. Le professeur MacGregor a recommandé une combinaison d’un triptan à longue durée d’action et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), qui devrait éventuellement être utilisée peu avant le début des menstruations. Il est également important d’identifier les déclencheurs possibles de crises – par exemple la déshydratation, les repas sautés, les longs voyages, l’alcool ou le manque de sommeil.
Prophylaxie des migraines menstruelles
Plusieurs options sont disponibles pour la prophylaxie périmenstruelle des migraines menstruelles. Les triptans pendant 5 à 7 jours ont des niveaux de preuve A et B. Ils doivent être pris environ deux jours avant le début des menstruations. Chez les femmes qui n’ont pas de cycle régulier – c’est-à-dire la plupart ! – c’est difficile. Le même problème se pose avec l’utilisation d’un gel œstrogénique pendant sept jours, car le traitement doit également commencer environ cinq jours avant les règles. L’administration d’œstrogènes prolonge en outre le cycle et la privation d’œstrogènes augmente le risque de migraine. La prise d’AINS pendant les règles est la solution la plus pratique pour de nombreuses femmes.
Pour les femmes qui ne souhaitent pas avoir d’enfant actuellement, la contraception hormonale par pilule, patch ou anneau vaginal est également une possibilité. Cependant, il y a également une privation d’œstrogènes au bout de 21 jours pour qu’une hémorragie de rupture se produise. Des études ont montré que les contraceptifs hormonaux sont plus efficaces contre les crises de migraine lorsque les patientes deviennent aménorrhéiques. L’aménorrhée peut être obtenue par un stérilet (DIU), des injections à libération prolongée ou la prise continue de contraceptifs (sans saignement d’arrêt). Chez les patientes souffrant de migraines avec aura, les contraceptifs hormonaux sont contre-indiqués avec l’indication de contraception, mais pas avec l’indication de prophylaxie de la migraine. Il faut toutefois informer les patientes du risque accru d’accident vasculaire cérébral – qui est toutefois très faible, même sous contraception.
Source : Réunion annuelle de la Société suisse de neurologie, 29-30 octobre 2015, Berne
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(1) : 40-41