La fibrinolyse intraveineuse est un traitement établi, validé et efficace en cas d’attaque cérébrale aiguë. Les déficits neurologiques graves sont généralement dus à l’obstruction d’une artère cérébrale majeure. Dans ces cas, la perspective d’une recanalisation rapide par un traitement intraveineux seul est faible. Des études multicentriques, contrôlées et randomisées ont montré que le traitement endovasculaire, qui permet d’obtenir mécaniquement des taux rapides et élevés de recanalisation des grosses artères cérébrales obstruées, associé à la lyse systémique, donne un meilleur résultat clinique pour le patient que le traitement intraveineux seul. Le facteur temps reste déterminant. Les patients victimes d’un AVC doivent être traités le plus rapidement possible et transférés dans des centres spécialisés (stroke centers). Chez les patients pour lesquels la lyse est contre-indiquée (par exemple, les patients sous traitement Marcoumar®), la thrombectomie mécanique est possible et constitue une bonne alternative.
Nous souhaitons, par le biais de cet article, fournir une mise à jour sur le traitement endovasculaire des AVC, en tenant compte des nouvelles études qui démontrent l’efficacité de cette méthode en combinaison avec le traitement intraveineux.
Au cours des dernières années, les outils de revascularisation endovasculaire pour les sténoses intracrâniennes de haut grade et les occlusions vasculaires se sont considérablement améliorés. Des micro-stents et des systèmes d’aspiration très flexibles permettent désormais de retirer des cloques intraluminales dans les artères cérébrales basales dans un délai très court. Les taux de recanalisation obtenus grâce à ces manœuvres mécaniques sont nettement supérieurs à ceux obtenus après une thérapie de lyse médicamenteuse intraveineuse ou intra-artérielle seule. D’un point de vue physiopathologique, le moment de la reperfusion joue le plus grand rôle dans le pronostic du patient.
Des études contrôlées et randomisées récemment publiées ont montré que la revascularisation mécanique immédiate en cas d’occlusion d’une grosse artère de la base du cerveau, associée à une thérapie de lyse introduite par voie intraveineuse immédiatement après l’exclusion d’une hémorragie, entraîne un résultat clinique significativement meilleur pour le patient que la thérapie de lyse intraveineuse seule. En d’autres termes, un patient victime d’un AVC et de l’occlusion d’une artère cérébrale majeure doit impérativement être transféré le plus rapidement possible dans un Stroke Center proposant ce traitement combiné.
L’attaque cérébrale aiguë est d’origine ischémique dans environ 80% des cas. Les attaques cérébrales sont la troisième cause de décès en Suisse et la première cause d’invalidité permanente. D’un point de vue physiopathologique, l’accident vasculaire cérébral ischémique est défini par l’occlusion aiguë d’une artère irriguant le cerveau au niveau cervical ou intracrânien. Si l’occlusion entraîne une insuffisance critique de l’approvisionnement du parenchyme cérébral, il en résulte des déficits neurologiques aigus selon le territoire concerné. Le type et l’ampleur du déficit dépendent de l’étendue et de la localisation du déficit de perfusion.
La cause la plus fréquente d’AVC ischémique dans la circulation antérieure est l’embolie cardiaque, suivie par les thromboembolies artério-artérielles. Dans la circulation postérieure, les thromboembolies secondaires à une sténose sous-jacente sont la cause la plus fréquente d’occlusion vasculaire. Dans environ 60% des thromboses basilaires, les sténoses arthéroscléreuses sont le mécanisme pathologique sous-jacent.
Les conséquences possibles d’un trouble circulatoire vont de l’accident ischémique transitoire (AIT) au décès, en passant par des déficits neurologiques et invalidants permanents, légers ou graves.
En cas d’occlusion vasculaire intracrânienne, plusieurs aspects physiopathologiques jouent un rôle et ont une influence sur le pronostic du patient. Certains paramètres sont déterminants pour l’évolution en cas d’occlusion vasculaire :
- Étendue de l’information moins fondée ou plus fondée zone cérébrale non perfusée, en fonction de la taille de l’artère occluse et de la vascularisation collatérale
- Durée de l’ischémie
- Apparition de complications (par exemple, hémorragie intracrânienne comme transformation hémorragique de l’infarctus ou conséquence du traitement).
Meilleur pronostic en cas de recanalisation réussie
Une méta-analyse de Rha et al. de 2007 [1] montre qu’une recanalisation réussie est le principal facteur déterminant d’une évolution favorable. Cette analyse a inclus 53 études portant sur 2066 patients et a conclu qu’il existe une forte corrélation entre la recanalisation et un bon résultat fonctionnel ainsi qu’une réduction de la mortalité. Il est également apparu clairement que la recanalisation dépendait du type de traitement. Les recanalisations sont survenues spontanément chez 24,1% des patients, après fibrinolyse intraveineuse chez 46,2%, après fibrinolyse intra-artérielle chez 63,2%, après utilisation combinée de la lyse médicamenteuse intraveineuse et artérielle chez 67,5% et après approche mécanique chez 83,6%.
La plus grande étude sur l’AVC, NINDS, a montré que la fibrinolyse intraveineuse donnait des résultats significativement meilleurs que le placebo si le traitement était initié dans les trois premières heures suivant le début des symptômes. Cependant, l’étude a également montré que les patients gravement atteints avec un NIHSS >16 ne semblent pas bénéficier d’une lyse intraveineuse. La fibrinolyse intraveineuse (ECASS III) apporte un résultat significativement meilleur par rapport au placebo, même dans les 4,5 heures suivant le début des symptômes, mais elle est plus souvent associée à des hémorragies symptomatiques.
Le NIHSS étant corrélé à la taille de l’artère occluse, notamment en cas d’AVC aigu par occlusion d’une grosse artère cérébrale, les mesures de traitement alternatives telles que l’extraction mécanique du caillot sont très importantes. Aujourd’hui, des séries de cas récemment publiées montrent des taux de recanalisation supérieurs à 90% lorsque des techniques mécaniques récentes sont utilisées pour l’embolectomie.
Des études multicentriques contrôlées et randomisées récentes confirment un bénéfice de l’embolectomie mécanique associée à la thérapie de lyse intraveineuse par rapport à la thérapie intraveineuse seule. Ainsi, l’étude MR CLEAN (Multicenter Randomized Clinical trial of Endovascular Treatment in the Netherlands) [2] a montré, dans le bras interventionnel, un meilleur résultat clinique 90 jours après l’AVC chez les patients présentant une occlusion vasculaire dans la circulation cérébrale antérieure et traités dans les six premières heures après le début des symptômes. Tous les paramètres de résultats secondaires (NIHSS à 24 heures et à une semaine, recanalisation et infarctus final) étaient significativement meilleurs dans le groupe interventionnel.
Sur la base de ces résultats, certaines études ont été arrêtées, par exemple SWIFT PRIME (Solitaire™ With the Intention For Thrombectomy as PRIMary treatment for acute ischemic strokE) [3] et EXTEND IA (EXtending the time for Thrombolysis in Emergency Neurological Deficits with Intra-Arterial therapy) [4], car une analyse intérimaire a confirmé le bénéfice de l’approche combinée.
Avantages et inconvénients de la thérapie endovasculaire
L’approche endovasculaire présente plusieurs avantages. Le traitement par fibrinolyse intra-artérielle permet d’obtenir localement, à l’endroit de l’obstruction artérielle, une concentration de principe actif plus élevée que lors de l’administration intraveineuse. Cela permet de diminuer la dose systémique et de réduire les complications potentielles. Une combinaison de fibrinolyse et de mobilisation mécanique du clot augmente la surface d’attaque pour l’interaction du médicament appliqué avec le clot. Une autre option de recanalisation est l’élimination mécanique directe du clot par aspiration locale ou extraction mécanique.
Les inconvénients potentiels d’un traitement endovasculaire sont les lésions vasculaires et la migration de cloques avec occlusion d’artères non affectées initialement.
Dispositifs de recanalisation mécanique
Les différents dispositifs de recanalisation mécanique sont fondamentalement différents.
Certains systèmes doivent d’abord être avancés à travers le segment vasculaire occlus, puis capturer et récupérer le clot lors du retrait (clot-retriever). Les stents rétractables sont introduits par un microcathéter qui doit d’abord traverser le segment de vaisseau obstrué. Si la partie ouverte du vaisseau, distale par rapport au clot, est atteinte, le stent et sa partie distale peuvent être placés ou libérés et ouverts à cet endroit, ce qui, en fonction du matériau du thrombus, entraîne souvent une réouverture très rapide du vaisseau. Le stent retriever est ensuite retiré, y compris le clot capturé.
Un autre principe de recanalisation d’une section de vaisseau occluse consiste à retirer successivement le matériel thrombotique depuis la partie proximale en guidant un système d’aspiration jusqu’au site de l’occlusion. Le système d’aspiration est un cathéter à large lumière, désormais très flexible, qui permet d’aspirer le caillot et de le retirer en aspirant (c’est-à-dire en appliquant une pression négative continue) lorsque le cathéter d’aspiration est retiré (fig. 1). Ce système permet de retirer assez rapidement le caillot ou des parties importantes du thrombus, en particulier si elles sont molles. Si les clots sont très durs et/ou calcifiés, le système n’est pas efficace.
Les systèmes correspondants sont devenus extrêmement flexibles, ce qui est une condition préalable au sondage supersélectif des sections artérielles intracrâniennes.
Globalement, la réussite du traitement endovasculaire dépend de plusieurs facteurs, tels que l’anatomie du vaisseau (élongation), le diamètre du vaisseau ou la nature du clot. D’après l’expérience acquise jusqu’à présent, il est plus facile d’extraire un cloaque “frais” avec un système d’aspiration qu’un cloaque organisé plus ancien, pour lequel un récupérateur peut être plus approprié pour l’extraction. Comme la cause d’une occlusion vasculaire n’est pas toujours connue ou évidente, le système utilisé en premier lieu ne donne pas toujours de résultats. Il est parfois nécessaire de combiner deux systèmes ou de les utiliser l’un après l’autre. Il est également possible d’aborder et de corriger par voie endovasculaire les éventuelles sténoses vasculaires existantes par cette voie d’accès.
Littérature :
- Rha JH, Saver JL : The impact of recanalization on ischemic stroke outcome : a meta-analysis. Accident vasculaire cérébral 2007 ; 38 : 967-973.
- Berkhemer OA, et al : A randomized trial of intraarterial treatment for acute ischemic stroke. N Engl J Med 2015 ; 372 : 11-20.
- Saver JL, Goyal M, Diener HC, SWIFT PRIME Investigators : Stent-Retriever Thrombectomy for Stroke. N Engl J Med 2015 Sep 10 ; 373(11) : 1077.
- Campbell BC, et al., EXTEND-IA Investigators : Endovascular therapy for ischemic stroke with perfusion-imaging selection. N Engl J Med 2015 Mar 12 ; 372(11) : 1009-1018.
Littérature complémentaire :
- Grech R, Schembri M, Thornton J : Thrombectomie avec stent versus activateur tissulaire du plasminogène par voie intraveineuse dans le cadre d’un accident vasculaire cérébral ischémique aigu : revue systématique et méta-analyse. Interv Neuroradiol 2015 Oct 21. pii : 1591019915609133 [Epub ahead of print].
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2015 ; 13(6) : 4-6