Les interventions basées sur Internet peuvent aider les patients atteints de certaines maladies. Les avantages des interventions en ligne sont la facilité d’accès, l’indépendance en termes de temps et de lieu et l’absence de délai d’attente. En Suisse, deux interventions en ligne sont actuellement disponibles pour les patients atteints de cancer : STREAM est un programme de gestion du stress destiné aux patients dont le cancer vient d’être diagnostiqué et FAMOCA s’adresse aux familles dont l’un des parents est atteint d’un cancer.
L’histoire d’Internet a à peine 20 ans – et pourtant, le World Wide Web s’est introduit dans pratiquement tous les domaines de la vie. Aujourd’hui, il existe encore une forte disparité au sein de la population en fonction de l’âge en ce qui concerne la durée et le type d’utilisation d’Internet. Mais dans un avenir très proche, les plus de 60 ans, qui représentent la grande majorité des patients atteints de cancer, utiliseront encore plus Internet. Il est donc temps d’explorer si et comment les interventions basées sur Internet peuvent aider les patients atteints de cancer.
Psychothérapies basées sur Internet pour des indications non oncologiques
Grâce à des recherches intensives, notamment en Scandinavie, nous savons aujourd’hui que les interventions psychologiques basées sur Internet sont efficaces pour certains troubles psychologiques. La plus grande expérience provient de la thérapie des troubles anxieux, des troubles de stress post-traumatique et des dépressions légères à modérées. L’approche psychothérapeutique la plus fréquemment utilisée dans le cadre d’un setting en ligne est celle de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). En raison de son approche structurée et orientée vers les solutions, la TCC est particulièrement adaptée à la mise en œuvre en ligne. Un contact écrit régulier (e-mail) avec le psychologue semble également essentiel en termes d’efficacité et de prévention de l’abandon.
Dans ces conditions, les interventions sur Internet atteignent une efficacité comparable à celle d’une thérapie traditionnelle “en face à face” dans la comparaison inter-études [1]. Il apparaît donc que l’intervention sur Internet, avec un contact régulier avec le psychologue traitant, est un complément précieux dans le traitement de certaines maladies mentales – d’autant plus que l’intervention sur Internet permet d’atteindre des patients qui échappent à la thérapie traditionnelle. En conséquence, la thérapie par Internet est déjà remboursée dans certains pays pour des indications définies.
Différentes formes d’intervention sur Internet
Les possibilités et les offres sur Internet pour les patients sont presque illimitées. En gros, on peut distinguer les catégories suivantes :
- Intervention structurée en ligne avec contact régulier avec un psychologue
- Programme d’auto-assistance sur Internet, sans offre de contact
- Portails Internet pour échanger avec d’autres personnes concernées (forums, blogs)
- Plateformes d’informations pures avec adresses, brochures, etc.
Avantages de la thérapie par Internet
Les principaux avantages de l’utilisation des services de soutien en ligne sont la facilité d’accès et l’anonymat accru. Ce sont surtout les hommes qui en profitent, car ils sont en général plus réticents que les femmes à parler de stress ou de problèmes psychologiques. Les personnes atteintes d’une maladie chronique doivent s’engager activement et accepter les offres de soutien. Il apparaît ici que les interventions sur Internet ne supplantent pas les thérapies traditionnelles établies, mais les complètent. L’indépendance en termes de temps et de lieu et l’absence d’attente pour une place en thérapie sont également des avantages majeurs de la thérapie par Internet. En conséquence, l’intérêt des patients pour participer à des interventions sur Internet est grand.
Limites de la thérapie par Internet
L’intervention sur Internet n’est pas adaptée aux situations de crise aiguë. C’est pourquoi, avant de commencer une intervention psychologique sur Internet, il faut s’assurer que le patient a un interlocuteur thérapeutique local.
Les interventions en ligne pour les patients atteints de cancer n’en sont qu’à leurs débuts. La faisabilité, les indications et l’efficacité de telles interventions sont actuellement examinées sous forme d’études. Selon les données actuelles, les interventions psychologiques établies auprès des patients atteints de cancer ne peuvent et ne doivent pas être remplacées par des interventions en ligne [2].
Critères de qualité
C’est justement parce que les possibilités sont si nombreuses sur Internet qu’il faut faire attention à la qualité lors de la sélection des offres. En principe, il doit toujours être possible de voir clairement qui se trouve derrière un site web. Les interventions sur Internet pour les patients atteints de cancer n’étant pas encore établies dans les pays germanophones, elles ont lieu dans le cadre d’études, de sorte que chaque participant reçoit une information sur le patient, signe une déclaration de consentement, qu’un comité d’éthique a approuvé l’étude et que, normalement, aucun frais ne devrait être lié à la participation. Il est également important de déclarer clairement comment la protection des données et la confidentialité sont assurées.
Les patients atteints de cancer et Internet
Des études montrent qu’au moins 70% des patients atteints de cancer recherchent des informations sur leur maladie sur Internet peu de temps après le diagnostic. Internet a donc un immense potentiel pour atteindre les patients qui cherchent un soutien. Cela va tout à fait dans le sens du Programme national contre le cancer 2011-2015 (PNC II) et de la Stratégie nationale contre le cancer 2014-2017 (SNC) qui en découle et qui visent à mieux relier les offres psycho-oncologiques existantes avec les soins oncologiques de base et à rendre l’offre de traitement accessible à tous. En outre, les offres doivent être faciles d’accès et efficaces en termes de temps et de coûts.
Interventions en ligne suisses
Nous présentons ici deux interventions en ligne, toutes deux développées à l’Hôpital universitaire de Bâle en collaboration avec l’Université de Berne et soutenues par la Recherche suisse sur le cancer et le Fonds national suisse :
- STREAM (www.stress-aktiv-mindern.ch) est le premier programme de gestion du stress en ligne destiné aux patients atteints d’un cancer nouvellement diagnostiqué dans l’ensemble des pays germanophones.
- FAMOCA (www.famoca.ch) est un service de soutien en ligne pour les familles dont l’un des parents est atteint d’un cancer.
Les deux interventions impliquent un contact régulier avec l’équipe psychologique et sont toutes deux proposées dans le cadre d’études cliniques approuvées par la Commission d’éthique du Nord-Ouest et de la Suisse centrale (EKNZ). La participation aux études est volontaire et gratuite.
STREAM – “Réduire-activement-le-stress.ch”
Le diagnostic de cancer et le traitement qui s’ensuit s’accompagnent d’une grande détresse psychologique. Outre les symptômes psychologiques, les réactions chroniques au stress peuvent également entraîner des changements physiques et une augmentation des effets secondaires du traitement, ce qui compromet la réussite du traitement [3]. STREAM a été développé par une équipe d’oncologues et de psychologues de l’Hôpital universitaire de Bâle en tant que premier programme de gestion du stress sur Internet en langue allemande pour les patients atteints de cancer. L’objectif du programme est d’aider les patients atteints d’un cancer pour la première fois à gérer leur stress. Les critères d’inclusion sont présentés dans le tableau 1 . Les études menées jusqu’à présent ont montré une bonne efficacité des interventions de TCC pour réduire le stress et améliorer l’adaptation à la maladie. Une meilleure gestion de la maladie a également été confirmée dans le premier programme de gestion du stress basé sur le web en langue anglaise [4].
L’étude randomisée et contrôlée STREAM vise à évaluer la faisabilité, la viabilité et l’efficacité préliminaire de l’intervention. Il s’agit d’étudier quels groupes de personnes, en fonction de l’âge, du sexe et du type de cancer, ont recours à cette forme d’assistance psycho-oncologique, pendant combien de temps et dans quelle mesure ils y ont recours. Afin de vérifier l’efficacité du programme, les participants à l’étude sont interrogés sur leurs scores de stress et leur qualité de vie à deux moments. Le recrutement des participants à l’étude se fait principalement par Internet.
Contenu et mise en œuvre du programme STREAM
Le portail en ligne de STREAM est divisé en une zone publique contenant des informations générales sur le programme de gestion du stress, ainsi que des possibilités de contact et d’inscription. La zone protégée par mot de passe n’est accessible qu’aux participants à l’étude (Fig. 1) .
L’intervention est basée sur des éléments de la TCC ainsi que sur des méthodes basées sur la pleine conscience et l’acceptation. Le programme comprend huit chapitres sur la compréhension et les effets du stress aux niveaux cognitif, émotionnel et physique. Des éléments interactifs permettent d’apprendre et de pratiquer des stratégies d’adaptation et de mobiliser des ressources. Chaque chapitre commence par une partie informative (p. ex. “Stress et cancer”), suivie d’une partie d’introspection et d’exercices (p. ex. faire une liste : “Quelles sont les situations quotidiennes qui me stressent ?”, “Où sont mes ressources ?”; fichiers audio à télécharger sur un lecteur mp3 avec des exercices de relaxation, des voyages imaginaires, etc.) Les contenus du programme sont traités par les patients eux-mêmes dans un ordre prédéfini. Le contact régulier avec les psychologues superviseurs de l’équipe d’étude a lieu chaque semaine sous forme écrite. Une fois le programme terminé, les participants sont libres de continuer à utiliser le contenu.
De plus amples informations, des dépliants et du matériel promotionnel sur le programme et l’étude sont disponibles sur www.stress-aktiv-mindern.ch ou stream@usb.ch.
FAMOCA : soutien en ligne pour les familles
Les parents atteints de cancer se préoccupent non seulement de leur propre santé, mais aussi et surtout du bien-être de leurs enfants. La stabilité, les relations et la qualité de vie de la famille peuvent changer après un diagnostic. Environ 25 à 30 % des patients, des partenaires et des enfants développent des symptômes psychologiques cliniquement significatifs [5–7]. Les facteurs de risque sont un manque de communication ouverte et affective au sein de la famille, de cohésion, de tentatives de faire face, d’adaptation dans la vie quotidienne de la famille, une charge mentale accrue chez les parents et des problèmes de couple [8]. Les conseils familiaux psycho-oncologiques se révèlent efficaces, mais les études sont lacunaires et les résultats à long terme font défaut [9]. Et bien que de nombreuses familles concernées souhaitent être soutenues, il est parfois difficile pour certaines d’entre elles de se rendre ensemble dans une institution pour des raisons de temps ou de situation géographique. Il n’existait pas encore d’offre en ligne pour les familles.
Le programme de soutien en ligne FAMOCA (“family online counseling for families with parental cancer”) s’attaque aux facteurs de risque en fournissant des informations adaptées à l’âge et en exerçant des stratégies d’adaptation. Le site web est divisé en une section pour adultes, une section pour jeunes et une section pour enfants (Fig. 2).
Cela permet de travailler individuellement, mais aussi de découvrir ensemble les thèmes principaux suivants : la communication intrafamiliale et la connaissance du cancer, l’organisation et la gestion du quotidien pendant le traitement du cancer, la gestion des situations et des émotions stressantes, le renforcement des ressources et la création de sens en vue de l’avenir.
Contenu et mise en œuvre de FAMOCA
Dans le programme, la famille trouvera entre autres les offres suivantes :
- Exercices de relaxation
- Histoires illustrées pour enfants sur la vie quotidienne avec le cancer
- Vidéo sur le cancer et les thérapies pour les jeunes
- Journal pour enfants et blog pour adolescents
- Instructions de bricolage
- Témoignages.
Le contact avec des psycho-oncologues par e-mail et un forum séparé pour les parents et les adolescents offrent également la possibilité d’échanger des informations.
L’efficacité du programme est actuellement évaluée dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé. L’inclusion de la famille est effectuée par l’équipe de l’étude. Après avoir signé le formulaire de consentement, les participants sont répartis de manière aléatoire dans le groupe A ou B. Le groupe A reçoit un login protégé pour le programme Internet FAMOCA, le groupe B reçoit un kit d’information composé de brochures et de matériel sur le cancer et la famille (“care as usual”). Les questionnaires sont remplis à trois moments de mesure (baseline, 1. et 2ème suivi).
Pour plus d’informations et pour commander des dépliants/affiches, rendez-vous sur www.famoca.ch ou info@famoca.ch.
Conclusion pour la pratique
- Les thérapies en ligne assistées par un thérapeute sont déjà bien établies pour certains troubles mentaux et sont aussi efficaces que les interventions “en face à face”.
- Les interventions en ligne présentent l’avantage d’être à bas seuil, indépendantes du temps et du lieu, et rentables.
- Les patients dont le cancer vient d’être diagnostiqué peuvent participer au premier programme de gestion du stress en ligne en langue française (STREAM) via www.stress-aktiv-mindern.ch.
- Les familles avec des enfants de 3 à 18 ans dont l’un des parents est atteint d’un cancer trouveront sur www.famoca.ch une offre de soutien en ligne adaptée à leur âge.
- Les interventions en ligne assistées par un thérapeute pour les patients atteints de cancer sont récentes et sont proposées dans le cadre d’études.
Littérature :
- Wagner B, Maercker A : Psychotherapeutenjournal 2011 ; 1 : 34-43.
- Faller H, et al : J Clin Oncol 2013 ; 31(6) : 782-793.
- Mitchell A, et al : Lancet Oncol 2011 ; 12 : 160-174.
- Carpenter KM, et al : J Behav Med 2013, Dec 12 (Epub ahead of print).
- Singer S, et al : Ann Oncol 2009 ; 21(5) : 925-930.
- Pitcealthy C, Maguire P : Eur J Cancer 2003 ; 39(11) : 1517-1524.
- Thastum M, et al : Cancer 2009 ; 115(17) : 4030-4039.
- Visser A, et al : Cancer Treat Rev 2004 ; 30(8) : 683-694.
- Niemelä M, et al. : Psychooncology 2010 ; 19(5) : 451-461.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2015 ; 3(1) : 27-30
