L’artériopathie oblitérante périphérique (AOP) est la manifestation d’une maladie dont l’importance est souvent méconnue par les patients, mais aussi par les médecins. Bien que la prévalence globale se situe entre 3 et 10%, elle atteint déjà environ 20% chez les patients >70 ans [1]. Initialement, elle n’est que peu symptomatique, mais les douleurs à l’effort entraînent insidieusement une réduction de l’activité physique – il en résulte une diminution de la qualité de vie [2]. Le pronostic des patients concernés est considérablement limité par la manifestation de la maladie sur d’autres organes. La rééducation multimodale est la seule approche thérapeutique qui va au-delà du traitement des symptômes locaux et qui améliore le pronostic des patients à long terme.
L’artériopathie oblitérante périphérique (AOP) est la manifestation d’une maladie vasculaire systémique qui peut toucher indifféremment tous les territoires vasculaires artériels. Outre les artères des jambes, les artères rénales, les artères coronaires et les artères irriguant le cerveau sont souvent touchées. Même si les symptômes de l’APVP peuvent être réduits localement grâce à différentes stratégies de traitement, la maladie systémique persiste – et progresse. Le pronostic des patients concernés est en fin de compte largement déterminé par la manifestation de la maladie sur d’autres organes : à savoir les coronaires ou les artères irriguant le cerveau. Le risque de complications cardiovasculaires est plus élevé chez les patients atteints d’AOP qu’après un infarctus du myocarde (Fig. 1).
Dans le traitement des patients atteints d’AOP, il est donc particulièrement important d’endiguer non seulement les symptômes manifestes, mais aussi la progression de la maladie sous-jacente. En conséquence, le concept de traitement comprend deux approches (Fig. 2) :
- Un traitement local de l’AOPV visant à éliminer les symptômes ou à prolonger la distance de marche
- Le traitement de la maladie sous-jacente dans le but d’améliorer la mortalité en réduisant les complications cardiovasculaires. Le traitement des facteurs de risque vasculaire est particulièrement important.
Directives
Selon les directives actuelles, une approche multimodale est recommandée pour les patients atteints d’AOP [3]. Cela comprend, outre un traitement médicamenteux, l’optimisation des facteurs de risque vasculaires. En cas d’AOPV asymptomatique (stade I selon Fontaine) ou de claudication intermittente (stade II selon Fontaine), une approche conservatrice peut être adoptée pendant trois à six mois. Dans ce contexte, une formation supervisée, contrairement à une formation autonome, fait l’objet d’une recommandation IA [3]. Ce n’est que si cela ne permet pas d’améliorer les symptômes qu’une approche interventionnelle ou chirurgicale est recommandée (Fig. 3).
Options thérapeutiques
Pour traiter les sténoses périphériques, un entraînement à la marche, des thérapies interventionnelles ou chirurgicales sont indiqués en fonction du stade de la maladie (tableau 1).
L’APVP aux stades I et II de Fontaine peut être traitée de manière conservatrice dans de nombreux cas. A partir du stade II, des procédures interventionnelles sont également utilisées. A partir des stades III et IV, une approche interventionnelle ou chirurgicale est généralement le traitement de choix.
Nous allons maintenant aborder les possibilités de traitement conservateur des patients atteints d’AOP.
Thérapie médicamenteuse
L’inhibition de l’agrégation plaquettaire pour améliorer la rhéologie ainsi qu’un traitement par statines sont la norme chez les patients atteints d’AOP. Les statines ont des propriétés pléomorphes qui vont au-delà de leur effet hypocholestérolémiant et qui ont un effet positif sur la progression de l’AOP. Ainsi, les statines ont permis de réduire considérablement les accidents vasculaires cérébraux et d’allonger la distance de marche par rapport au placebo [4].
Entraînement à la marche
Peu de gens connaissent les possibilités thérapeutiques d’un entraînement (à la marche) qui peut être effectué jusqu’au stade II. Plusieurs études ont montré qu’un programme d’entraînement structuré chez les patients atteints d’AOP de stade I et II était équivalent à un traitement interventionnel en termes d’allongement de la distance de marche sans douleur et en valeur absolue [5]. De plus, les patients ayant recours à une approche thérapeutique basée sur l’entraînement pour traiter l’AOP ont globalement besoin de moins d’interventions invasives [5], il s’agit d’un traitement rentable [6] (Fig. 4).
L’entraînement entraîne une amélioration de la fonction endothéliale et de la capillarisation, ainsi qu’une meilleure utilisation de l’O2 en périphérie [7]. Les études n’ont pas montré d’augmentation de la collatéralisation. L’amélioration de la perfusion permet également d’économiser les mouvements et de restructurer les muscles, ce qui améliore encore les performances. Il est intéressant de noter qu’une amélioration de la distance de marche sans douleur a été démontrée pour différents types d’entraînement [8]. Outre l’entraînement à la course, des effets positifs ont également été démontrés pour l’ergomètre ou la musculation, et l’entraînement du haut du bras était également efficace [9]. Les patients qui ne peuvent participer que de manière limitée à l’entraînement à la course peuvent ainsi obtenir une amélioration de leur maladie et un allongement de la distance de marche grâce à des formes d’entraînement alternatives. Un tel entraînement alternatif peut également être envisagé au stade III de Fontaine, alors qu’au stade IV, un entraînement basé sur l’activité physique est contre-indiqué. On peut s’attendre à des effets positifs de l’entraînement, en particulier chez les patients présentant des lésions proximales chez lesquels on peut encore mesurer de bonnes pressions de fermeture de la cheville (optimales >80 mmHg). Une longue période d’anamnèse ou une maladie concomitante limitante, qui toutes deux restreignent l’entraînement physique, ont un effet défavorable sur le succès de l’entraînement.
Amélioration du profil de risque cardiovasculaire
L’amélioration du pronostic des patients atteints d’AOP n’est obtenue que par une amélioration du profil de risque cardiovasculaire [7]. Le facteur de risque le plus important, mais aussi le plus difficile à maîtriser, est la fumée de cigarette. La consommation de cigarettes entraîne une progression plus rapide de l’AOP, une augmentation des amputations et une mortalité cardiovasculaire nettement plus élevée [10]. L’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’obésité et le diabète sont d’autres facteurs de risque ayant une influence sur le pronostic [11]. Un contrôle optimal de la pression artérielle peut entraîner une réduction des événements cardiovasculaires. En général, les valeurs tensionnelles <140/90 mmHg sont visées – la contre-indication aux bêtabloquants qui existait auparavant à partir du stade III a été supprimée. Chez les diabétiques, il faut en principe atteindre un taux d’HbA1c inférieur à 6,5 et viser des valeurs tensionnelles inférieures à 130/85 mmHg [12]. Sous traitement par statines, la valeur cible du cholestérol LDL est <1,8 mmol/l.
Traitement complet par la rééducation de l’AOP – Meilleur traitement médical ?
Un programme de rééducation ambulatoire spécifique à l’APVP (tableau 2) est actuellement la seule possibilité de traitement complet des patients. Les coûts d’un tel programme de rééducation ambulatoire de douze semaines sont pris en charge par les caisses d’assurance maladie. La combinaison d’un entraînement supervisé et dirigé par des professionnels, associée à une modification des facteurs de risque et à une optimisation du traitement médicamenteux grâce à un suivi étroit par des médecins et des services associés, permet d’améliorer les symptômes et le pronostic [13]. La continuité des soins offre aux patients un soutien pour les changements de comportement nécessaires.
Globalement, l’entraînement permet d’obtenir un allongement de la distance de marche de 50 à 200%. Pour obtenir un résultat optimal (c’est-à-dire une amélioration de la distance de marche), un entraînement approprié doit être effectué au moins trois fois par semaine pendant 30 minutes sur une durée d’au moins trois mois [14]. Une formation supervisée est supérieure à une formation autonome [15,16].
Dans le cadre d’un programme de rééducation, les patients sont encouragés à pratiquer une activité physique régulière et apprennent notamment à marcher de manière adéquate et efficace. Le programme d’entraînement comprend généralement différentes formes d’entraînement afin de s’adresser au plus grand nombre de patients possible et de les motiver à intégrer l’activité physique dans leur vie quotidienne. Ainsi, l’entraînement à la course est effectué en alternance avec d’autres formes d’entraînement. Les patients doivent courir à une intensité donnée jusqu’au début de la douleur, puis faire une pause jusqu’à la récupération de la douleur. Le concept d’un entraînement jusque dans la zone de douleur a été abandonné en raison d’une réduction de la compliance des patients. De plus, le bénéfice supplémentaire d’un tel entraînement “dans le domaine de l’ischémie” n’a pas pu être démontré avec certitude.
Afin de traiter au mieux les facteurs de risque secondaires, l’historique du tabagisme et la volonté d’arrêter de fumer sont évalués de manière standard par un conseil spécialisé en matière d’arrêt du tabac. Si le patient souhaite arrêter de fumer, il suit une thérapie comportementale avec un soutien médicamenteux si nécessaire. La disponibilité de tels services dans le cadre de programmes de réadaptation permet aux patients d’y accéder facilement – le suivi étroit pendant le programme de réadaptation augmente les chances de succès. Des conférences d’accompagnement et des conseils nutritionnels complets favorisent un changement de comportement responsable qui permet d’améliorer le profil de risque et le pronostic à long terme. Avec l’aide d’un psychologue, il est souvent plus facile de modifier les facteurs psychosociaux qui nuisent à l’observance et au succès du traitement à long terme.
Résumé
Les programmes de rééducation structurés pour les patients atteints d’AVP mettent en œuvre l’approche thérapeutique multimodale recommandée dans les directives. Les patients apprennent un entraînement structuré et efficace et améliorent leur profil de risque cardiovasculaire, ce qui explique les résultats positifs à long terme avec un taux d’intervention globalement plus faible. La rééducation multimodale est le seul concept thérapeutique qui, à long terme, va au-delà du traitement des symptômes locaux et améliore ainsi le pronostic des patients. Les coûts du programme sont pris en charge par les caisses d’assurance maladie conformément à l’Ordonnance suisse sur les prestations de l’assurance des soins.
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