Reto W. Kressig, du Centre universitaire de médecine gériatrique, Hôpital Felix Platter, Bâle, a présenté le débat sur la supplémentation en calcium et en vitamine D, qui dure depuis des années, ainsi que l’état actuel des connaissances sur les bénéfices et les risques, lors du congrès ESCIM à Genève.
Un apport adéquat en calcium et en vitamine D est important pour la santé des os, mais la supplémentation est controversée. Sans vouloir jeter de l’huile sur le feu, le professeur Reto W. Kressig, du Centre universitaire de médecine gériatrique, Hôpital Felix Platter, Bâle, a demandé “Quels sont les faits ?”.
En 2010, l’Institute of Medicine (IOM) des États-Unis a publié un avis sur ce qui constitue une couverture suffisante des besoins quotidiens en calcium et en vitamine D. L’IOM a estimé que les besoins en calcium et en vitamine D devaient être couverts de manière adéquate : Les valeurs étaient de 1200 mg de calcium et 400-600 UI de vitamine D. Cependant, l’Europe et la Suisse ont depuis pris leurs distances par rapport à ces valeurs cibles. Les sociétés de nutrition germanophones ont limité l’apport maximal recommandé en calcium à 1000 mg par jour. Ces valeurs ont été établies en tenant compte des risques et des complications liés à un apport élevé en calcium. D’une part, l’incidence du syndrome de l’alcali du lait, qui était déjà tombé dans l’oubli, a augmenté. En particulier, la prise simultanée d’antiacides contenant du bicarbonate provoque des nausées et des vomissements ainsi qu’une augmentation de la formation de calculs.
D’autre part, on sait aujourd’hui, grâce à plusieurs études, qu’une substitution en calcium sans administration simultanée de vitamine D non seulement ne sert à rien, mais augmente même le risque de fracture de la hanche. Une étude très médiatisée avait montré que la supplémentation de plus de 500 mg de calcium par jour sans supplémentation simultanée en vitamine D augmentait le risque d’infarctus du myocarde [1]. La quantité moyenne de calcium apportée par l’alimentation à l’âge adulte est de 700 mg pour les femmes et de 800 mg pour les hommes, selon Kressig. “Nous ne sommes donc pas trop éloignés des valeurs recommandées”. Le calculateur de calcium disponible sur www.rheumaliga.ch permet de suivre l’apport individuel en calcium d’un patient lorsqu’une supplémentation est discutée. Si un apport en calcium s’avère nécessaire, 500 mg associés à de la vitamine D sont une solution sûre.
Attention au calcium
Dans la prévention primaire des fractures chez les patientes ménopausées en bonne santé, la supplémentation en calcium et en vitamine D est désormais déconseillée [2]. Un apport très faible en calcium, inférieur à 800 mg par jour, est associé à un risque accru de fracture de la hanche, mais une prise de plus de 800 mg par jour ne semble pas procurer d’avantage [3]. L’absorption de cette dose serait normalement assurée par l’alimentation. Une prise de calcium supérieure à 1000 mg par jour est également soupçonnée d’augmenter le risque cardiovasculaire. En revanche, les patients présentant une carence avérée en vitamine D bénéficient d’une supplémentation en calcium.
La vitamine D est importante pour les personnes âgées
Moins de 20% de la population européenne a des niveaux adéquats de vitamine D, et aux États-Unis, environ deux tiers sont en dessous de la valeur cible. Il est donc d’autant plus étonnant que, selon l’OIM, l’approvisionnement en vitamine D ne soit pas un problème aux États-Unis, a déclaré Kressig. Or, la vitamine D est essentielle pour les processus cognitifs et immunologiques, en particulier chez les personnes âgées. Pour couvrir les besoins quotidiens (800 UI selon les dernières lignes directrices) à partir de l’alimentation, il faudrait environ deux portions de poisson gras par jour, ce qui n’est pas atteint en Suisse. Une exposition au soleil de tout le corps pendant 20 minutes apporte environ 14 000 UI. Il faut cependant garder à l’esprit que la synthèse de la vitamine D dans la peau est déjà complètement inhibée avec un facteur de protection solaire 8, selon Kressig. De plus, en raison du vieillissement de la peau, les patients âgés ont besoin de périodes d’exposition au soleil quatre fois plus longues que les personnes plus jeunes. On peut donc supposer qu’en Suisse aussi, de nombreuses personnes vivent avec un déficit latent en vitamine D.
Un taux beaucoup plus élevé que ce que l’on pensait jusqu’à présent, à savoir un taux de 25-hydroxyvitamine D de 75 nmol/l, est probablement optimal pour la prévention des chutes et des fractures, a déclaré Kressig. On sait, grâce à des études d’intervention sur la santé osseuse, que la vitamine D prévient les chutes et les fractures de manière dose-dépendante. Dans la prévention des fractures non vertébrales, une supplémentation en vitamine D s’est avérée protectrice, indépendamment d’une supplémentation concomitante en calcium.
Éviter la maladie d’Alzheimer et de Parkinson ?
“La vitamine D joue un rôle non seulement pour les muscles et les os, mais aussi pour la cognition”, a rapporté l’expert. Mais jusqu’à présent, il n’existe que des études épidémiologiques, par exemple sur la corrélation entre les fonctions cognitives (“Mini Mental Scale”, MMS) et le taux de vitamine D. Il n’existe pas d’études sur les effets de la vitamine D sur la santé. “Plus le taux de vitamine D est élevé, moins les patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent de troubles cognitifs”, explique le gériatre. Un faible taux sérique est en outre associé à un risque accru de maladie de Parkinson. Un seuil de 50 nmol/l (20 ng/ml) semble être en corrélation avec les troubles cognitifs chez les personnes âgées [4].
Éviter le surdosage
Une étude [5] a montré qu’une méga-dose orale de 500 000 IU de vitamine D une fois par an n’est pas non plus une alternative, car elle a entraîné une augmentation des chutes et des fractures, en particulier dans les premiers mois suivant l’administration. L’Office fédéral de la santé publique recommande une substitution de 800 UI par jour pour les patients âgés de 60 ans et plus, voire de 1500-2000 UI en cas de carence avérée. Une dose maximale de 4000 IU par jour ne doit cependant pas être dépassée.
Source : communication au Congrès européen et suisse de médecine interne (ESCIM), 14-16 mai 2014, Genève
Littérature :
- Bolland MJ, et al : Effet des suppléments de calcium sur le risque d’infarctus du myocarde et d’événements cardiovasculaires : méta-analyse. BMJ 2010 juillet 29 ; 341 : c3691.
- Moyer VA, et al : Vitamin D and calcium supplementation to prevent fractures in adults : U.S. Preventive Services Task Force recommendation statement. Ann Intern Med 2013 ; 158(9) : 691-696.
- Warensjö E, et al : Dietary calcium intake and risk of fracture and osteoporosis : prospective longitudinal cohort study. BMJ 2011 mai 24 ; 342 : d1473.
- Llewellyn DJ, et al : Vitamin D and Cognitive Impairment in the Elderly U.S. Population. J Gerontol A Biol Sci Med Sci Jan 2011 ; 66A(1) : 59-65.
- Sanders KM, et al : Annual high-dose oral vitamin D and falls and fractures in older women : a randomized controlled trial. JAMA 2010 ; 303(18) : 1815-1822.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(7) : 40-41
SPÉCIAL CONGRÈS 2014 ; 23-24