Le cerveau traite les impressions sensorielles, contrôle notre corps, stocke les informations et façonne notre conscience. Grâce à des méthodes techniques et numériques de pointe, les chercheurs peuvent aujourd’hui localiser les zones responsables de certaines aptitudes. Cependant, on ne sait toujours pas quel est le chemin exact emprunté par les impulsions neuronales dans le réseau dynamique très complexe d’environ 100 milliards de neurones, ni comment les différentes zones du cerveau interagissent dans l’espace et dans le temps.
Presque tous les processus sensorimoteurs et cognitifs reposent sur l’activité de grands réseaux dans notre cerveau. Pour échanger et intégrer des informations, différentes régions du cerveau doivent se coupler entre elles de manière dynamique. L’existence de ces couplages a été découverte il y a plus de 30 ans, mais on ne sait toujours pas quelle est leur signification fonctionnelle exacte. Les couplages dynamiques des signaux dans le cortex semblent jouer un rôle clé dans le développement de la perception, de l’attention, de la mémoire, du langage, du raisonnement et de la résolution de problèmes. Dans la vie quotidienne, le processus d’intégration multisensorielle revêt en outre une grande importance. Celui-ci permet l’échange d’informations entre les systèmes sensoriels respectivement impliqués. En cas de maladie, le traitement simultané des impressions sensorielles peut être modifié. En prenant l’exemple du traitement des signaux visuels et sonores, des chercheurs berlinois ont découvert, grâce à des mesures de l’activité cérébrale par EEG, que l’intégration multisensorielle peut aider à compenser les déficits d’attention qui existent dans le traitement des canaux sensoriels individuels chez les personnes atteintes de schizophrénie.
Réorganiser les réseaux après un AVC
L’accident vasculaire cérébral et la capacité du cerveau à surmonter ces limitations ont fait l’objet d’autres considérations. L’accident vasculaire cérébral (AVC) est l’une des causes les plus fréquentes d’invalidité acquise dans le monde. Les conséquences tardives comprennent des troubles de la parole ou une hémiplégie. De nouveaux traitements de plus en plus performants, tels que la thrombolyse et la thrombectomie, ont révolutionné le traitement des AVC aigus au cours des dernières années. Au-delà de la phase aiguë, le répertoire thérapeutique se limite toutefois en grande partie à des mesures d’entraînement spécifiques, avec un succès mitigé. Afin d’améliorer les possibilités thérapeutiques limitées de régénération, l’utilisation d’une stimulation cérébrale non invasive via la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est actuellement à l’étude chez les patients victimes d’un AVC. Celle-ci a le potentiel de moduler les réseaux cérébraux affectés après un AVC et d’atténuer leurs troubles neurologiques au-delà de l’effet des méthodes d’entraînement. Le facteur le plus important pour la récupération fonctionnelle après un AVC est la réorganisation neuronale. Celle-ci dépend de facteurs à la fois au niveau cellulaire et au niveau du réseau. Jusqu’à présent, les meilleurs résultats pour aider à la réorganisation des réseaux neuronaux ont été obtenus en combinant des techniques de neuro-imagerie et de neurostimulation comme la TMS. En outre, l’utilisation de l’intelligence artificielle pourrait également contribuer de manière significative à l’amélioration des résultats du traitement après un AVC à l’avenir. L’utilisation stratégique d’une quantité toujours croissante de données relatives aux patients peut aider à calculer des prédictions de résultats basées sur des algorithmes concernant l’évolution individuelle des patients victimes d’un AVC, tant au stade aigu que chronique. Les approches d’IA sont de plus en plus précises et révèlent les facteurs qui peuvent favoriser une régénération rapide ou une évolution compliquée. Les thérapies peuvent ainsi être adaptées individuellement.
La neurostimulation sans chirurgie ?
Qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson, de la maladie d’Alzheimer, d’un accident vasculaire cérébral, de l’épilepsie ou de douleurs chroniques, les scientifiques espèrent que la stimulation du cerveau par des stimuli électriques ou magnétiques permettra de trouver de nouvelles approches thérapeutiques pour les maladies neurologiques et psychiatriques. La stimulation cérébrale profonde est déjà bien établie dans le traitement de la maladie de Parkinson. Pour ce faire, des électrodes sont implantées dans le cerveau. La stimulation cérébrale non invasive offre de nouvelles possibilités lorsque les thérapies traditionnelles atteignent leurs limites ou lorsqu’une intervention chirurgicale est trop risquée. Jusqu’à présent, la stimulation transcrânienne par ultrasons focalisés (fTUS) de faible intensité est la méthode la plus étudiée, avec un nombre croissant de données issues d’études sur l’homme. Des transducteurs spéciaux et des fréquences ultrasonores de l’ordre de 0,5 MHz permettent de moduler les régions cérébrales focales superficielles et profondes. La technique a été étudiée chez des patients souffrant de douleurs chroniques, de démence, d’épilepsie, de traumatisme crânien et de dépression. Les effets de stimulation à court terme variaient en fonction des paramètres ultrasoniques et influençaient positivement l’excitabilité, la connectivité du cerveau, la plasticité ainsi que le comportement. Le profil d’effets secondaires était caractérisé par des troubles légers tels que des maux de tête, une détérioration de l’humeur, un réchauffement du cuir chevelu, des problèmes cognitifs, des douleurs cervicales, des contractions musculaires, de l’anxiété et de la somnolence. fTUS peut être utilisé avec une grande précision spatiale tout en étant non invasif pour moduler des zones cérébrales même profondes. C’est ce qui distingue cette méthode des autres technologies.
Une autre forme de neurostimulation actuellement à l’étude est la stimulation interférentielle temporelle (TIS). Elle utilise deux stimulateurs transcrâniens à courant alternatif (transcranial alternating current stimulation, tACS) capables de déclencher une interférence temporelle dans les régions profondes du cerveau. Alors qu’aucun effet biologique n’est attendu à la surface du cerveau en raison des hautes fréquences qui y prédominent (2 kHz), le champ électrique interférentiel (10 Hz) peut entraîner une modulation de l’activité neuronale en profondeur. Cela a été démontré par des expériences animales sur des souris.
Reconnaître les visages
L’aspect le plus fondamental de la perception des visages est la reconnaissance de la présence d’un visage, ce qui nécessite l’extraction des caractéristiques qu’il a en commun avec d’autres visages. Cela est probablement dû à la mise en correspondance d’informations sensorielles hautement dimensionnelles avec des modèles faciaux internes, obtenue par un couplage de haut en bas entre les régions préfrontales et les zones cérébrales du cortex occipito-temporal. Les tâches de reconnaissance faciale illusoire peuvent être utilisées pour étudier ces influences descendantes. Une étude a examiné les mécanismes impliqués dans la reconnaissance des visages en utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).
Un paradigme de reconnaissance faciale illusoire a été utilisé, dans lequel des images de bruit pur ont été présentées aux sujets. Mais on leur a dit que la moitié contenait un visage. L’objectif principal était d’étudier comment l’interaction du cortex préfrontal avec le système central conduit à la perception illusoire des visages. L’analyse des données IRMf a été divisée en cinq étapes. Les analyses 1 à 3 ont examiné le schéma de l’activité cérébrale pendant la reconnaissance illusoire des visages en comparant les essais dans lesquels un visage était reconnu à ceux dans lesquels aucun visage n’était reconnu. L’analyse 4 a examiné le schéma de connectivité fonctionnelle entre le système central et le cortex préfrontal à l’aide d’une analyse psychophysiologique des interactions (PPI). L’analyse 5 a examiné comment et quelles régions du cortex préfrontal régulent à la hausse l’activité cérébrale dans le système central pendant la reconnaissance illusoire des visages.
Il a été démontré que la perception de visages fictifs, tout comme celle de visages réels, active le système central, bien qu’avec une latéralisation gauche atypique de la zone occipitale du visage. Le système central était couplé à deux régions cérébrales différentes dans l’IFG et l’OFC. L’analyse DCM a révélé que l’activité dans le système central pendant la reconnaissance des faux visages était hautement régulée par une influence modulatrice de l’IFG spécifique au visage, et non par l’OFC, comme on le pensait auparavant.
Stimulation transcrânienne en cas d’audition dichotique
L’écoute dichotique (DL) consiste à présenter deux sons différents simultanément aux deux oreilles. Les participants ayant une dominance hémisphérique gauche rapportent plus de sons de l’oreille droite, ce qui constitue un avantage de l’oreille droite (REA). Dans le cas des rapports sur l’oreille gauche, les informations auditives doivent être transférées de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche (dominant). En conséquence, l’électroencéphalographie (EEG) a montré une connectivité fonctionnelle accrue entre les deux cortex auditifs pendant les rapports de l’oreille gauche. Dans une étude, cette connectivité entre les deux cortex auditifs a été modulée pendant le DL à l’aide de la stimulation transcrânienne par courant alternatif gamma (tACS). L’hypothèse était que la synchronisation et la désynchronisation de l’activité des deux cortex auditifs par le tACS interagissent avec l’activité cérébrale et influencent ainsi les performances comportementales pendant le DL.
Vingt-neuf participants droitiers ont été recrutés pour cinq séances en cinq semaines (à une semaine d’intervalle). Lors de chaque session, ils ont effectué deux blocs de DL avec un enregistrement EEG et un tACS simultanés. Chaque séance comprenait une stimulation bilatérale de 40 Hz des aires temporales pendant 20 minutes, avec une amplitude de 1 mA (crête à crête). Cinq conditions de stimulation différentes ont été appliquées (une par session) : une stimulation factice et 4 stimulations verum avec 4 déphasages différents (de 0°, 45°, 90° et 180°) entre les sites de stimulation tACS gauche et droit.
Au niveau comportemental, les participants ont montré l’avantage typique de l’oreille droite pendant la condition de stimulation apparente. Conformément à une étude antérieure similaire, les autres conditions n’ont pas montré de changements significatifs au niveau du comportement. Le calcul du déphasage entre les deux cortex auditifs a montré une différence significative entre les rapports pour l’oreille gauche et l’oreille droite dans la fenêtre temporelle 84-108 ms après la présentation du stimulus. Les retards de phase individuels au sein de cette fenêtre de temps n’étaient corrélés de manière circulaire avec les changements au niveau comportemental que pendant la condition de stimulation à 180°. Une analyse post-hoc personnalisée a montré que la condition de stimulation proche du retard de phase individuel (endogène) entraînait un REA.plus faible.
Les résultats indiquent que ce n’est pas la stimulation en elle-même qui influence la connectivité interhémisphérique, mais plutôt l’interaction entre le retard de phase de la stimulation et le retard de phase endogène. En ce sens, la condition de stimulation présentant le retard de phase le plus faible par rapport au retard de phase endogène peut améliorer la communication interhémisphérique entre les deux cortex auditifs et donc réduire le REA. D’un point de vue clinique, cette étude pourrait contribuer à identifier des cibles cérébrales potentielles pour la neurostimulation dans le traitement des hallucinations auditives dans la schizophrénie, qui sont associées à une connectivité interhémisphérique plus importante et donc à un REA anormalement réduit.
Congrès: Deutsche Gesellschaft für klinische Neurophysiologie und funktionelle Bildgebung (DGKN)
Littérature complémentaire :
- Engel A : Comment le cerveau fonctionne : nouvelles connaissances sur la dynamique des réseaux neuronaux. 28.02.2023. DGKN
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- Grefkes-Hermann C. Réseaux cérébraux et neuroréhabilitation : comment le cerveau peut surmonter un accident vasculaire cérébral. 28.02.2023. DGKN.
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www.doi.org/10.1186/s42466-020-00060-6 - Bonkhoff AK, Grefkes C: Precision medicine in stroke: towards personalized outcome predictions using artificial intelligence. Brain 2022; 145(2): 457–475.
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InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2023; 21(2): 18–19