Des recherches récentes indiquent que les cellules immunitaires et les cytokines associées à Th2 jouent un rôle important dans la pathogenèse du prurigo nodulaire (PN). Il s’agit de la cible thérapeutique des deux médicaments biologiques, qui sont considérés comme porteurs d’espoir, en particulier pour les patients gravement atteints. Le dupilumab bloque l’action de l’IL-4 et de l’IL-13 et a récemment obtenu de Swissmedic une extension d’indication pour la PN. Le némolizumab, également un agent biologique, cible l’IL-31 et a déjà été approuvé dans certains autres pays pour le traitement de la PN.
“Le prurigo nodulaire a un impact très négatif sur l’état des patients”, a souligné le professeur Dagmar Simon, médecin-chef, Clinique universitaire de dermatologie, Hôpital de l’Île, Berne [1]. Le plus important pour les patients est que les démangeaisons diminuent. Souvent, les personnes atteintes souffrent de troubles du sommeil et l’incidence des troubles anxieux et de la dépression est plus élevée que la moyenne chez les patients atteints de prurigo nodulaire (PN). La PN se manifeste le plus souvent chez les femmes d’âge moyen ou avancé [2]. “Le prurigo nodulaire est un sous-type du prurigo chronique”, a expliqué la conférencière. Le diagnostic de prurigo chronique peut être posé si le prurit persiste pendant au moins six semaines, s’il existe des signes de grattage répété (par ex. excoriations et cicatrices) et s’il existe de multiples lésions prurigineuses localisées ou généralisées [3].
Des lésions de grattage caractéristiques dominent le tableau clinique
L’une des caractéristiques cliniques de la PN est la présence de nodules/papules/plaques, principalement excoriées et parfois squameuses, avec parfois un centre blanchâtre et une hyperpigmentation sur les bords. Les lésions cutanées nodulaires se manifestent par des démangeaisons persistantes. Le grattage provoque des lésions sur la peau [4]. Par la suite, des excoriations se forment à la surface des nodules, qui ont tendance à former des dépôts kératosiques ou verruciformes et des croûtes hémorragiques [2]. Les sites de prédilection de la PN sont les extrémités et le haut du dos, a-t-elle expliqué [1]. Selon la gravité de la maladie, les nodules ou les lésions cutanées sont présents en nombre plus ou moins important [4]. Les caractéristiques histologiques de la PN sont une hyperkératose, une acanthose irrégulière très prononcée et des fibres de collagène verticales. Des infiltrats lymphohistiocytaires inflammatoires spécifiques, avec parfois des leucocytes éosinophiles, peuvent être observés dans la peau [5].
La physiopathologie du prurigo nodulaire n’est pas entièrement élucidée, mais les résultats des études indiquent que les mécanismes neurologiques et immunologiques sont étroitement imbriqués. Ce qui est certain, c’est que le cercle démangeaison-grattage joue un rôle important. Dagmar Simon, Hôpital de l’Île à Berne [1]. Une interaction complexe entre les fibres nerveuses, les kératinocytes, les cellules immunitaires et les cellules inflammatoires est impliquée et fait l’objet de recherches intensives depuis quelques années [6]. |
Cercle de grattage des démangeaisons et mécanismes neuro-immunologiques
La réduction de la fonction de la barrière cutanée (par exemple en raison d’une mutation de la filaggrine) facilite l’entrée de substances irritantes qui activent la libération de médiateurs inflammatoires dans les kératinocytes et déclenchent des réponses immunitaires inflammatoires Th2 (Fig. 1). Les lymphocytes Th2 activés (cellules Th2) entraînent la migration et l’activation des macrophages, des basophiles et des éosinophiles. “Cela entraîne à son tour la sécrétion de cytokines qui peuvent induire directement ou indirectement les démangeaisons”, a expliqué le professeur Simon. Les cytokines IL-4 et IL-13 provoquent, entre autres, une sensibilisation et une stimulation directe des neurones sensoriels, une prolifération des cellules Th2, ainsi que la migration des lymphocytes dans les tissus [6]. L’IL-31 se lie au récepteur alpha de l’IL-31 (IL-31Rα) et au récepteur bêta de l’oncostatine M, qui se trouvent sur les kératinocytes, les cellules immunitaires dermiques et les neurones sensoriels dans l’épiderme et le derme [6]. “Et il est intéressant de noter qu’il y a une ramification des fibres nerveuses dans le derme”, explique le professeur Simon. Mais il ne se passe pas seulement quelque chose dans la peau, mais aussi dans le système nerveux, a expliqué la conférencière. Parfois, il suffit de stimuli minimes pour déclencher une démangeaison, ce qui signifie que le seuil est très bas. Des signaux de récepteurs inhibiteurs modifiés, qui sont responsables de la transmission des démangeaisons dans le système nerveux central (SNC), jouent un rôle important, a rapporté l’oratrice [1]. Le SNC réagit de manière excessive à des stimuli minimaux et associe également des stimuli neutres à des démangeaisons. En outre, il y a une hyperinnervation des nerfs périphériques et la production continue de cytokines pro-inflammatoires entraîne une activation (sous-jacente) des nerfs périphériques.
Plusieurs cibles thérapeutiques
Pour la thérapie, il existe un schéma de traitement adapté aux différentes étapes. “Mais à l’avenir, nous mettrons probablement davantage l’accent sur les nouvelles thérapies”, a reconnu le professeur Simon [1]. Il s’agit en premier lieu du dupilumab et du némolizumab. Le schéma par étapes prévoit la procédure suivante : On utilise d’abord des corticostéroïdes topiques, auxquels on peut éventuellement ajouter des inhibiteurs topiques de la calcineurine. Et, en particulier, la capsaïcine fonctionne parfois relativement bien chez les patients atteints de formes localisées. La gabapentine, la paroxétine ou la naloxone sont également utilisées. Pour le traitement systémique, on peut utiliser soit des immunosuppresseurs classiques (ciclosporine ou MTX), soit, plus récemment, des produits biologiques.
Dupilumab et némolizumab : de nouveaux espoirs
Dupilumab (Dupixent®) a reçu cette année de Swissmedic une extension d’indication pour les adultes atteints de PN modérée à sévère pour lesquels les traitements topiques sur ordonnance ne sont pas efficaces [7]. Les effets de cet anticorps monoclonal reposent sur la liaison à la chaîne α du récepteur de l’interleukine (IL)-4, de sorte que l’action de l’IL-4 et de l’IL-13 est bloquée. Le programme d’études de phase III en double aveugle et contrôlé par placebo PRIME/PRIME2 a évalué l’efficacité et la sécurité du dupilumab chez 311 adultes atteints de PN non contrôlée. Le dupilumab a montré une amélioration cliniquement significative et statistiquement significative du prurit et des lésions cutanées par rapport au placebo. Les patients ont été randomisés selon un ratio 1:1 et ont reçu 300 mg de dupilumab s.c. ou un placebo tous les 14 jours pendant 24 semaines. Tous les critères d’évaluation primaires et secondaires importants spécifiés au préalable ont été atteints. Une réduction de ≥4 points sur l’échelle de notation numérique Worst-Itch (WI-NRS) à la semaine 24 a été obtenue dans le bras de l’étude dupilumab, soit 60,0% contre 18,4% sous placebo (intervalle de confiance de 95%). [KI]: 27,8–57,7 ; p<0,001) et à la semaine 12, les valeurs correspondantes étaient respectivement de 37,2% et 22,0% (IC 95% ; 2,3–31,2 ; p=0,022) (Fig. 2). Les signaux de sécurité étaient conformes au profil de sécurité connu du dupilumab [8].
L’anticorps antirécepteur IL-31, le nemolizumab, n’est pas encore commercialisé en Suisse, mais des résultats remarquables ont également été obtenus dans des études cliniques dans le domaine d’indication PN. Dans une étude de phase II, 70 patients atteints de PN modérée à sévère ont été randomisés pour recevoir du némolizumab contre un placebo dans un rapport 1:1. Dans le bras traité, le WI-NRS a diminué de 4,5 points (-53,0%) à la semaine 4, contre 1,7 point (-20,2%) sous placebo (IC à 95% ; -46,8 à -18,8 ; p<0,001) [9].
Congrès : Journées zurichoises de formation continue en dermatologie
Littérature :
- «Prurigo nodularis», Prof. Dr. med. Dagmar Simon,
Zürcher Dermatologische Fortbildungstage, 22.–23.06.2023. - Bruckner-Tuderman L, Zillikens D (Hrsg.) O. Braun-Falco, Dermatologie, Venerologie und Allergologie. 7. Auflage Springer Verlag 2018; 761–777.
- Pereira MP, et al.: EADV Task Force Pruritus group members. European academy of dermatology and venereology European prurigo project: expert consensus on the definition, classification and terminology of chronic prurigo. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018; 32(7): 1059–1065.
- Saco M, Cohen G: Prurigo nodularis: picking the right treatment. The Journal of Family Practice 2015; 64: 221–226.
- Lee MR, Shumack S: Prurigo nodularis: a review. Australasian Journal of Dermatology 2005; 46: 211–218.
- Ingrasci G, et al.: The pruritogenic role of the type 2 immune response in diseases associated with chronic itch. Exp Dermatol 2021; 30(9): 1208–1217.
- Swissmedic: Arzneimittelinformation, www.swissmedicinfo.ch, (letzter Abruf 20.09.2023)
- Yosipovitch G, et al.: Dupilumab in patients with prurigo nodularis: two randomized, double-blind, placebo-controlled phase 3 trials. Nat Med 2023; 29(5): 1180–1190.
- Ständer S, et al.: Trial of Nemolizumab in Moderate-to Severe Prurigo Nodularis. NEJM 2020; 382(8): 706–716.
- Wong L-S, Yen Y-T: Chronic Nodular Prurigo: An Update on the Pathogenesis and Treat-ment. International Journal of Molecular Sciences 2022; 23(20): 12390. www.mdpi.com/1422-0067/23/20/12390 (letzter Abruf, 20.09.2023).
DERMATOLOGIE PRAXIS 2023; 33(5): 38–39