Les activités sportives peuvent entraîner des modifications structurelles et électriques du cœur en fonction du volume et de l’intensité. Un aperçu complet des particularités qui en résultent pour les sportifs de haut niveau, y compris des conseils sur leur éventuelle aptitude au sport et à la compétition.
Il n’existe pas de définition universelle du sport de compétition. Du point de vue de la cardiologie sportive, on entend par là un entraînement physique régulier de plus de dix heures par semaine, associé à une activité de compétition dans des sports individuels ou collectifs et à des pics d’effort fréquents à la limite personnelle des athlètes [1].
Les activités sportives peuvent entraîner des modifications structurelles et électriques du cœur en fonction du volume et de l’intensité. En particulier, les sports à forte composante dynamique (par exemple, le jogging, le cyclisme, le ski de fond) nécessitent un débit cardiaque élevé. Le sport de compétition peut entraîner une augmentation harmonieuse de toutes les cavités cardiaques et une hypertrophie ventriculaire gauche excentrique [2].
Même si le “cœur d’athlète” est une adaptation physiologique à l’effort sportif, il peut favoriser le remodelage cardiaque, les arythmies bradycardiaques et tachycardiaques. La fibrillation auriculaire est le trouble du rythme le plus fréquent, qui survient généralement après une carrière sportive de haut niveau (>35 ans), comme cela a été documenté pour la première fois chez d’anciens coureurs d’orientation finlandais [3]. Par ailleurs, on a constaté une augmentation des bradycardies sinusales (<40/min), des blocages AV (PQ >250 ms) et des stimulateurs cardiaques implantés chez les anciens cyclistes professionnels du Tour de Suisse par rapport à des sujets témoins d’âge similaire [4]. La controverse porte sur le fait de savoir si le sport intensif peut entraîner un phénotype similaire à la cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (ARVC) et des arythmies ventriculaires consécutives via la charge en volume et en pression du ventricule droit. Mais il est probable qu’une certaine prédisposition (génotype) soit nécessaire [5].
Examen préventif et examen cardiologique
En Suisse, conformément aux recommandations européennes, les athlètes de haut niveau sont soumis à un examen physique annuel, à une anamnèse personnelle et familiale et à un électrocardiogramme [5]. L’ECG doit alors être évalué selon des critères spécifiques [6]. Même chez les athlètes asymptomatiques, il est ainsi possible de détecter des troubles du rythme ou un risque éventuel de troubles du rythme. Les palpitations sont également l’un des symptômes les plus fréquents pour lesquels les sportifs sont adressés à un cardiologue. Outre les vertiges et la baisse de performance et, dans de rares cas, les syncopes, ces symptômes peuvent indiquer un trouble du rythme cardiaque sous-jacent.
L’objectif important de l’examen est d’exclure une maladie cardiaque structurelle, électrique ou coronarienne, et de se prononcer sur l’aptitude au sport et à la compétition. Une hyperthyroïdie, une anémie ou une carence en fer doivent être exclues par des analyses de laboratoire. Un diagnostic de corrélation symptôme-rythme est nécessaire. Cela peut se faire lors d’un test de performance et/ou par un monitoring à long terme du rythme cardiaque. Il convient de noter que les arythmies cardiaques dépendantes de l’effort peuvent ne pas être déclenchées lors d’un test de performance conventionnel avec un protocole en rampe ou en paliers, mais nécessiter un protocole adapté à la situation d’effort spécifique au sport (Fig. 1). L’exclusion d’une cardiopathie structurelle se fait d’abord par échocardiographie transthoracique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être utile pour des questions spécifiques (myocardite, ARVC). Si la probabilité pré-test est suffisante, un scanner cardiaque peut être réalisé pour exclure une maladie coronarienne. Très rarement, un diagnostic invasif est nécessaire. Un examen électrophysiologique est généralement effectué en combinaison avec une ablation lorsque l’arythmie cardiaque est déjà documentée [7].
Bradyarythmie
La bradycardie sinusale (≥30/min), le rythme de remplacement jonctionnel, le bloc AV I° (PQ <400 ms) et le bloc AV II° de type Wenckebach au repos sont des résultats normaux chez les athlètes de haut niveau. Les causes sont, outre un vagotonus élevé, un remodelage du système de conduction et de stimulation. Elles ne nécessitent pas d’investigation supplémentaire chez les athlètes asymptomatiques [6].
En présence de symptômes, un test de performance doit être effectué afin de documenter une adaptation physiologique du rythme cardiaque. Les blocages sinuatriaux (SA) avec des pauses >3 secondes ou les bradycardies sinusales <30/min doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi, en particulier chez les athlètes symptomatiques. Le bloc AV II° de type Mobitz et le bloc AV III° indiquent un trouble de la conduction infrahissienne et doivent faire l’objet d’investigations supplémentaires. L’indication d’un stimulateur cardiaque est posée conformément aux directives générales [7]. Même avec un stimulateur cardiaque, il est souvent possible de continuer à pratiquer un sport de compétition. Il existe des restrictions en cas de maladie cardiaque structurelle sous-jacente. Il convient de noter que le risque de dysfonctionnement des électrodes est potentiellement un peu plus élevé dans les sports à risque correspondants (sports de contact). Il est déconseillé aux sportifs qui n’ont pas de rythme propre de pratiquer un sport de compétition dans ces disciplines.
Arythmies supraventriculaires
L’arythmie sinusale et les rythmes auriculaires ectopiques sont des résultats normaux chez les athlètes de haut niveau et ne nécessitent généralement pas d’examen complémentaire [6]. En cas d’extrasystoles supraventriculaires fréquentes, il convient d’exclure un dysfonctionnement thyroïdien [7].
Les tachycardies par réentrée du nœud AV, les tachycardies par réentrée AV (syndrome WPW) et les tachycardies auriculaires ne sont pas plus fréquentes chez les sportifs que dans la population normale. Cependant, l’activité physique peut être un déclencheur d’un épisode de tachycardie et la fréquence cardiaque rapide avec perte de synchronisation AV peut entraîner des vertiges et une baisse des performances. Un traitement médicamenteux n’est souvent pas indiqué. Après avoir été informée des avantages et des risques, l’ablation est le traitement de choix [7].
Lors de l’ECG de repos, il ne faut pas manquer la préexcitation asymptomatique en cas de voie de conduction auriculo-ventriculaire accessoire. La pré-excitation et les sports d’endurance favorisent la fibrillation auriculaire. Les fréquences auriculaires élevées peuvent alors entraîner des rythmes ventriculaires rapides via la voie de conduction accessoire, qui n’est souvent pas modulatrice de fréquence, et qui peut dégénérer en fibrillation ventriculaire (Fig. 2). Dans ces cas, la voie de conduction accessoire doit absolument être ablatée. En cas de découverte fortuite, sans documentation de tachycardie, l’ablation est réalisée après une stratification appropriée du risque (documentation d’une voie à conduction rapide lors de l’examen électrophysiologique ou de l’épreuve d’effort, indication généreuse dans le sport de compétition) [7].
La fibrillation et le flutter auriculaires sont plus fréquents chez les athlètes de haut niveau que dans la population normale. Il existe une association avec le volume et l’intensité de l’entraînement [8]. Même si une réduction du volume d’entraînement serait la thérapie de choix, ce n’est pas la préférence de nombreux athlètes. Le traitement médicamenteux et interventionnel, ainsi que la stratégie d’anticoagulation, suivent les lignes directrices générales. Comme les médicaments tels que Cordarone® entraînent une photosensibilisation, ils ne sont pas bien tolérés dans les sports de plein air. En cas de fibrillation auriculaire, l’isolation des veines pulmonaires peut donc être le traitement de première intention. En cas de flutter auriculaire typique, l’ablation isthmique doit être préférée à un traitement médicamenteux [7].
Le sport de compétition peut généralement être poursuivi après un traitement réussi (ablation, contrôle de la fréquence en cas de fibrillation auriculaire) et l’exclusion d’une cardiopathie structurelle pour toutes les arythmies supraventriculaires.
Arythmie ventriculaire
Les extrasystoles ventriculaires (ESV) sont une découverte fortuite fréquente chez les athlètes. Si elles surviennent rarement (≤1 ESV par côté bande rythmique à 25mm/s), elles ne nécessitent pas d’investigation supplémentaire [6]. Ils disparaissent souvent lors du test de charge. Si deux ESV ou plus sont observées par bande rythmique latérale ou si les ESV augmentent à l’effort, un ECG de 24 heures doit être réalisé. Dans une étude, les athlètes présentant plus de 2000 ESV en 24 heures ou des tachycardies ventriculaires non soutenues (≥3 ESV) avaient une maladie cardiaque sous-jacente dans 30% des cas [9]. Chez ces athlètes, il convient d’exclure une cardiopathie structurelle.
Les tachycardies ventriculaires (TV) monomorphes persistantes peuvent être idiopathiques ou être l’expression d’une maladie cardiaque structurelle (myocardite, VAR). En particulier, les TV rapides et symptomatiques provenant de la voie efférente du ventricule droit doivent être déchargées (Fig. 3).
Les TV polymorphes, le flutter ventriculaire et la fibrillation ventriculaire entraînent souvent des syncopes, un arrêt cardiaque et, dans de rares cas, une mort cardiaque subite. Ils peuvent être la première manifestation d’une cardiopathie électrique (syndrome du QT long, VT polymorphe catécholaminergique), structurelle (cardiomyopathie hypertrophique [HCM], ARVC, myocardite) ou coronarienne chez des athlètes par ailleurs asymptomatiques. Des données provenant des États-Unis et d’Italie suggèrent que les cardiomyopathies (CMH, ARCV) sont les maladies cardiaques sous-jacentes les plus courantes. En revanche, des études menées en Suisse et dans d’autres régions du monde montrent que les maladies coronariennes et les cas inexpliqués sont les plus fréquents dans les cas de mort cardiaque subite chez les jeunes sportifs de compétition [10].
Le traitement (bêtabloquant et/ou défibrillateur cardioverteur implantable [ICD]) et la possibilité de poursuivre le sport de compétition doivent être discutés au sein d’une équipe multidisciplinaire (électrophysiologie, génétique médicale, médecine du sport) avec la participation de l’athlète. Une indication ICD ne signifie pas automatiquement une interdiction de pratiquer un sport de compétition. Il est plutôt important de tenir compte de la maladie sous-jacente qui a conduit à l’indication de la MCI (par exemple, interdiction stricte de compétition en cas d’ARVC). Les lignes directrices européennes de 2005 [1] sont beaucoup plus restrictives que les lignes directrices américaines plus récentes de 2015 [7]. En particulier chez les patients atteints du syndrome du QT long ou de CMH, qui sont bien contrôlés sur le plan médicamenteux et ne présentent pas de symptômes ni d’arythmie, il convient de décider au cas par cas si le sport de compétition et la participation à des compétitions peuvent être poursuivis.
Messages Take-Home
- Le sport de haut niveau entraîne un remodelage structurel et électrique du cœur. Il existe des critères spécifiques pour l’évaluation de l’ECG de repos.
- En dehors de la fibrillation auriculaire, les troubles du rythme cardiaque ne sont pas plus fréquents chez les sportifs de haut niveau que dans la population normale. Les arythmies ventriculaires liées au sport et la mort subite d’origine cardiaque sont généralement dues à une maladie cardiaque sous-jacente.
- Les athlètes asymptomatiques ne doivent être examinés plus avant que si les résultats de l’ECG ne sont pas typiques du sport de haut niveau. Les athlètes symptomatiques et/ou ayant des antécédents familiaux positifs d’infarctus du myocarde ou de mort subite d’origine cardiaque doivent toujours faire l’objet d’un examen cardiologique.
- Le traitement des arythmies cardiaques se fait conformément aux lignes directrices.
- La poursuite du sport de compétition est généralement possible en cas d’arythmie supraventriculaire, en cas d’arythmie ventriculaire et/ou de présence d’un stimulateur cardiaque ou d’un DAI, en fonction de la cardiopathie sous-jacente ou de la décision prise en équipe multidisciplinaire avec la participation de l’athlète.
Littérature :
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- Maron BJ, et al : The heart of trained athletes : cardiac remodeling and the risks of sports, including sudden death. Circulation 2006 ; 114(15) : 1633-1644.
- Karjalainen J, et al. Fibrillation auriculaire solitaire chez des hommes d’âge moyen pratiquant une activité physique vigoureuse : étude cas-témoins. BMJ 1998 ; 316(7147) : 1784-1785.
- Baldesberger S, et al : Sinus node disease and arhythmias in the long-term follow-up of former professional cyclists. Eur Heart J 2008 ; 29(1) : 71-78.
- Mont L, et al. Évaluation cardiovasculaire pré-participation pour les participants athlétiques afin de prévenir une mort subite : document de position de l’EHRA et de l’EACPR, branches de l’ESC. Adopté par APHRS, HRS, et SOLAECE. Europace 2017 ; 19(1) : 139-163.
- Sharma S, et al : International recommendations for electrocardiographic interpretation in athletes. Eur Heart J 2017. doi : 10.1093/eurheartj/ehw631. [Epub ahead of print]
- Zipes DP, et al. : Recommandations d’éligibilité et de disqualification pour les athlètes de compétition présentant des anomalies cardiovasculaires : Task Force 9 : Arythmies et défauts de conduction : une déclaration scientifique de l’American Heart Association et de l’American College of Cardiology. J Am Coll Cardiol 2015 ; 66(21) : 2412-2423.
- Andersen K, et al : Risk of arhythmias in 52 755 long-distance cross-country skiers : a cohort study. Eur Heart J 2013 ; 34(47) : 3624-3631.
- Biffi A, et al : Signification clinique à long terme des tachyarythmies ventriculaires fréquentes et complexes chez les athlètes entraînés. J Am Coll Cardiol 2002 ; 40(3) : 446-452.
- Asatryan B, et al : Décès cardiaques soudains liés au sport dans la population jeune de Suisse. PLoS One 2017 ; 12(3) : e0174434.
CARDIOVASC 2018 ; 17(3) : 8-11