Derrière les surcharges tendineuses résistantes au traitement se cachent souvent des mauvaises postures non prises en compte et des déséquilibres musculaires avec un schéma de mouvement dysfonctionnel. Outre l’examen local, un bref examen d’orientation, statique et dynamique, est important. Celle-ci ne prend pas beaucoup de temps et fournit des indications précieuses pour une thérapie ciblée et holistique. Plus les facteurs de risque sont nombreux, plus la thérapie multimodale est importante, incluant des mesures locales, l’ergonomie, la posture et la qualité du mouvement. Cela augmente les chances d’une amélioration durable. La “bio-tensibilité” permet de sensibiliser davantage à une posture et à une tension saines. Lorsque les patients comprennent ce principe, il leur est plus facile d’apporter des changements à leur mode de vie et de faire preuve de la patience nécessaire pour le traitement.
Les surcharges tendineuses font partie des troubles les plus fréquents de l’appareil locomoteur. La plupart du temps, ils sont la conséquence de microtraumatismes cumulatifs qui surviennent lorsque les mouvements sont mal exécutés et/ou lorsque les mouvements répétitifs ou la durée des activités de maintien dans une position défavorable dépassent la capacité de charge des tissus.
Mauvaises postures et déséquilibres
Les mauvaises postures et les déséquilibres musculaires avec un schéma de mouvement compensatoire s’installent au fil des années ou trouvent leur origine dans une blessure. Il faut un certain temps avant que cela n’entraîne des problèmes de santé. Les surcharges tendineuses sont fortement liées au mode de vie [1]. Le corps se forme en fonction de l’usage et reflète les postures et les mouvements les plus fréquemment effectués. De nos jours, il y a de plus en plus de problèmes de posture dus à la position assise prolongée, et même, depuis peu, à l’utilisation chronique de smartphones ! Une mauvaise posture est associée non seulement à une mauvaise santé physique, mais aussi à une mauvaise santé émotionnelle.
Les surcharges tendineuses en pratique
Les exemples typiques de surcharges tendineuses dans la pratique concernent la plaque tendineuse extenseur de l’avant-bras dans le tennis elbow, la plaque tendineuse de la coiffe des rotateurs de l’épaule ou le complexe tendon/fascia du tendon d’Achille et de l’aponévrose plantaire. Chez le sportif, par exemple, le genou du coureur avec tendinopathie du tractus iliotibial (“syndrome de la bandelette iliotibiale”, ITBS) est un motif de consultation fréquent.
Le diagnostic structurel correct ne pose généralement pas de problème si la clinique est typique. Dans l’anamnèse, nous recherchons les causes fréquentes de surmenage des tendons (tab. 1). Dans les études, c’est généralement la combinaison de ces facteurs qui semble augmenter le risque, par exemple d’épicondylite latérale [2]. Seul un examen un peu plus poussé de la statique et de la dynamique fournit des indications supplémentaires sur les mauvaises postures ou les troubles du mouvement qui sont impliqués dans le problème.
En ce qui concerne le traitement, les études actuelles mettent l’accent sur les mesures thérapeutiques locales (tab. 2). Les objectifs sont l’amélioration de la circulation sanguine et de la lubrification des muscles, des tendons et des fascias, la régénération des tendons et, enfin, la réduction de la douleur et une meilleure résistance à l’effort. Il faut toutefois garder à l’esprit que ces thérapies sont majoritairement des traitements symptomatiques locaux. Il ne permet pas de traiter un trouble du mouvement ou une mauvaise posture impliqués dans la surcharge tendineuse. Si ces facteurs ne sont pas pris en compte dans le traitement, la mesure thérapeutique locale peut ne pas avoir d’effet ou ne pas être durable. Cela nous amène à nous demander ce qu’est une posture et un mouvement physiologiques. “Tensegrity” et “Bio-Tensegrity” peuvent apporter une réponse à ce problème.
Concept de chaînes cinétiques et de connexions myofasciales
“Tenségrité” désigne un principe de construction en architecture fondé par Richard Buckminster Fuller dans les années 1960. Ce terme est l’abréviation de “tensional integrity”. L’équilibre entre la compression et la tension est utilisé pour construire des structures. Il en résulte que les structures sont à la fois plus légères et plus solides. Un exemple de ce type de construction est le pont Kurilpa à Brisbane, en Australie (Fig. 1). Il s’agit de la plus grande structure au monde basée sur ce principe.
Les structures tenségritées combinent flexibilité, résistance et force avec un minimum d’énergie et de matériaux. Le réseau musculo-squelettique humain peut être considéré comme un exemple parfait d’architecture de “bio-tensibilité” (terme fondé par le Dr Stephen Levin). La stabilité physique ne repose pas sur la force des tendons et des muscles individuels, mais sur le fait que les forces sont transmises et réparties par le réseau physique. Physiologiquement, une augmentation de tension dans une unité musculo-tendineuse est transmise à la chaîne – à condition que le contrôle coordonné et neuronal le permette et que la transmission ne soit pas entravée par une statique défavorable ou des déséquilibres myofasciaux. Si ce principe ne fonctionne pas, une congestion locale se produit.
Importance pratique
L’enregistrement détaillé des facteurs de risque externes et physiques de surmenage peut être assez fastidieux. Dans la pratique, le temps manque souvent pour cela. Toutefois, au moins en cas d’évolution persistante, il vaut la peine d’examiner brièvement la statique corporelle et de procéder à un bref examen dynamique. Les résultats aident à décider si, outre les mesures locales, des approches thérapeutiques plus globales doivent être mises en place. Une mauvaise statique grossière et des déséquilibres avec des facteurs externes défavorables, par exemple professionnels, augmentent le risque d’évolutions prolongées.
La technique thérapeutique utilisée pour modifier la mauvaise statique et le déséquilibre n’a que peu d’importance, qu’il s’agisse de physiothérapie classique, d’ostéopathie, de Rolfing ou de thérapies par le mouvement centrées sur le corps comme le yoga, Feldenkrais et la technique Alexander. L’objectif est de compenser les déséquilibres physiques (et parfois émotionnels) avec une meilleure qualité de posture et de mouvement, de sorte que les forces et les tensions soient réparties plus équitablement, comme le prévoit le réseau physique. Les deux exemples suivants en donnent un bref aperçu sans prétendre à l’exhaustivité.
Tennis elbow ou épicondylite latérale
Le tennis elbow (épicondylite latérale ou “Wrist extension with forearm pronation syndrome” selon Shirley Sahrmann [1]) se caractérise par une douleur au-dessus de l’épicondyle latéral, parfois avec irradiation dans l’avant-bras. Les saisies (par exemple, tenir une tasse), les saisies répétitives (jouer au tennis, travailler avec des ciseaux de jardinage) ou les postures prolongées avec extension du poignet, pronation du bras et flexion du coude (travailler sur un clavier d’ordinateur) sont particulièrement douloureuses. La tranche d’âge des 30-50 ans est plus souvent touchée que les plus jeunes et les plus âgés [2]. L’évolution est généralement autolimitée (18-24 mois).
Physiopathologie : sur le plan anatomique et histologique, la surcharge concerne généralement les extenseurs du carpe radial long et court. D’un point de vue fonctionnel, les extenseurs sont utilisés de manière excessive et les biceps brachiaux et les supinateurs sont sous-utilisés. Très souvent, l’omoplate est au centre du déséquilibre, c’est pourquoi elle doit toujours être examinée ! Quatre muscles principaux stabilisent et centrent l’omoplate, ce qui permet une transmission efficace de la force de la colonne vertébrale à la main (l’omoplate est également appelée le grand sésame). Si cette chaîne cinétique est perturbée, des surcharges locales se produisent, typiquement dans l’épaule, le coude ou le poignet.
Inspection et dynamique : les extenseurs des doigts et du poignet sont mieux développés que le biceps brachial. Les symptômes typiques sont une hyperkyphose de la colonne vertébrale thoracique, une protraction de l’épaule et de la tête et une mauvaise position de l’omoplate.
- Demandez au patient d’abaisser et d’abaisser les bras au ralenti : on constate une stabilisation insuffisante et une dyskinésie de l’omoplate.
- Demandez au patient d’effectuer un mouvement de préhension : On constate une rotation trop précoce de l’humérus lorsque l’avant-bras est en pronation.
- Demandez au patient de démontrer sa position de travail, par exemple à un bureau : on constate la mauvaise posture typique avec hyperkyphose de la colonne vertébrale thoracique, protraction des épaules/de la tête, extension du poignet, pronation de l’avant-bras et flexion du coude.
Thérapie : La thérapie vise à modifier les postures et les mouvements défavorables afin de réduire le stress sur les tissus endommagés. En conséquence, le patient doit être informé du problème sous-jacent et instruit sur l’ergonomie (Fig. 2). La mise en œuvre au quotidien nécessite un engagement important de la part du patient. Cela n’est possible que s’il comprend le contexte plus large.
Fasciite plantaire
La fasciite plantaire (“Pronation-/Supination or insufficient talocrural dorsiflexion syndrome” selon Shirley Sahrmann [1]) se caractérise par des douleurs au niveau du tuber calcanei médial. La douleur survient à l’effort et irradie rarement vers le fascia plantaire. La fasciite plantaire est plus fréquente chez les personnes sédentaires que chez les sportifs. L’évolution est généralement autolimitée (6 à 18 mois). L’épine calcanéenne est plus fréquente en cas de talalgie plantaire.
Physiopathologie : la physiopathologie est assez complexe. Outre une mauvaise statique et des déséquilibres musculaires, des facteurs que nous connaissons encore mal jouent probablement un rôle. La contrainte mécanique seule n’explique pas suffisamment les modifications dégénératives des tendons. Des facteurs prédisposants sont discutés, tels que les déficits neuromusculaires des muscles intrinsèques du pied, qui entraînent une surcharge de l’aponévrose plantaire, et des facteurs génétiques, de sorte que les charges normales ne sont pas tolérées et qu’une dégénérescence accélérée de l’aponévrose plantaire est favorisée. Combinée à des facteurs extrinsèques tels qu’une charge/un sport excessif ou inhabituel, une activité principalement en position debout ou des chaussures inadaptées, la capacité de charge est finalement dépassée, ce qui entraîne des modifications tissulaires et des douleurs. Des facteurs intrinsèques aggravants défavorables tels que le type de voûte plantaire, l’extension dorsale limitée de la cheville, les mauvaises propriétés d’amortissement du coussinet adipeux du talon, l’obésité et l’âge jouent également un rôle. Or, il se peut que celles-ci n’aient rien à voir avec l’apparition de la douleur, mais qu’elles influencent davantage son intensité [3].
Statique et dynamique : Shirley Sahrmann distingue trois syndromes différents qui peuvent affecter le fascia plantaire [1] : Le type pronation avec une voûte plantaire interne souple et faible dans le sens d’un pied fléchi, le type supination avec une voûte plantaire plutôt haute et rigide et une mauvaise absorption des chocs et le type avec une extension dorsale limitée dans l’articulation supérieure de la cheville (OSG) suite à un raccourcissement des fléchisseurs du pied, souvent associé à une tendinopathie du tendon d’Achille. Outre ces trois types de pieds, il convient de rechercher des indices d’une augmentation du tonus de la chaîne myofasciale dorsale, par exemple une hyperlordose lombaire et/ou un raccourcissement des muscles des ischio-jambiers et des mollets. Le squat et les sauts sur une jambe ainsi que la position des orteils sur une jambe montrent une mobilité limitée de l’OSG, une déviation de l’axe de la jambe et de la dynamique de la voûte plantaire et, le cas échéant, un manque d’inversion physiologique de l’arrière-pied en position des orteils. La saisie d’un foulard au sol avec les orteils révèle des déficits de la musculature intrinsèque du pied.
Thérapie : en plus des éventuelles mesures locales, la thérapie a pour but de modifier les déséquilibres. Les facteurs qui ont un effet défavorable sur l’intensité de la douleur doivent également être pris en compte et traités, par exemple avec une semelle orthopédique de soutien pour les pieds en pronation/en flexion ou un soutien de la voûte plantaire et un amortissement du talon pour les pieds creux, afin d’augmenter la surface d’appui et d’améliorer l’absorption des chocs par le talon. Il est également important de perdre du poids en cas d’obésité. D’autres mesures consistent en des exercices d’étirement instruits et des massages du fascia plantaire avec une balle de tennis, le soir avant de dormir et le matin avant de se lever.
Littérature :
- Sahrmann S, et al. : Syndromes de déficience du système moteur des extrémités, du rachis cervical et thoracique. Elsevier 2011.
- Fan ZJ, et al :. L’association entre la combinaison de la force de la main et de la position du bras et l’incidence de l’épicondylite latérale dans une population de travailleurs. Facteurs humains 2014 ; 56(1) : 151-165.
- Waering S : Chapitre 5.9, Anatomie du fascia plantaire. Tiré de : Schleip R, et al. Fascia, le réseau de tension du corps humain. Churchill Livingstone 2012.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(4) : 20-23