Les troubles anxieux peuvent être traités de manière satisfaisante par le biais d’une thérapie cognitivo-comportementale ou d’une psychothérapie psychodynamique. La confrontation avec des situations redoutées constitue l’élément clé des différentes formes de thérapie.
Les troubles anxieux font partie des maladies mentales les plus courantes. Environ 15 à 20 % des personnes souffrent d’un trouble anxieux à un moment ou à un autre de leur vie. Dans la pratique générale, plus de 10% des patients sont concernés. Moins de 50% des cas sont diagnostiqués (questions de dépistage dans l’encadré) et seule une petite partie est traitée. En revanche, les troubles anxieux, surtout s’ils sont diagnostiqués à temps, ont tendance à être bien traités et de manière efficace.
Dans le traitement des troubles anxieux, la psychothérapie représente un élément central. Les résultats de la recherche en psychothérapie indiquent qu’un traitement spécifique au trouble donne de meilleurs résultats qu’une thérapie non spécifique [1]. L’association avec une pharmacothérapie antidépressive, qui a un effet anxiolytique, devrait être utile dans de nombreux cas. Entre-temps, un grand nombre d’approches psychothérapeutiques spécifiques aux troubles ont été développées, manualisées et vérifiées empiriquement. Il est frappant de constater que les approches spécifiques des différentes écoles de thérapie ont des procédures similaires, l’élément clé commun étant la confrontation avec la situation qui provoque l’anxiété [2]. L’efficacité de cette méthode n’a pas été reconnue par les comportementalistes, mais dès 1919 par Sigmund Freud [3]. Le présent article présente les trois principaux troubles anxieux selon la CIM-10 (tab. 1) et leurs possibilités de traitement psychothérapeutique.
Trouble panique et agoraphobie
Dans le trouble panique (CIM-10 : F 41.0), les personnes souffrent de crises d’angoisse soudaines et violentes accompagnées de symptômes physiques d’anxiété (tachycardie, transpiration, tremblements, difficultés respiratoires, etc.) associés à la crainte de perdre le contrôle, de devenir “fou”, de s’évanouir ou de mourir. Dans le cas du trouble panique pur sans agoraphobie, les attaques de panique surviennent soudainement et sans raison. Cependant, le plus souvent, le trouble panique est associé à l’agoraphobie (CIM-10 : F 40.0). L’agoraphobie peut à son tour se manifester avec ou sans attaques de panique. Dans le cas de l’agoraphobie avec trouble panique, la peur des lieux où il serait difficile de s’échapper ou d’obtenir de l’aide en cas d’attaque de panique vient s’ajouter aux attaques de panique décrites. Au fur et à mesure de l’évolution, un cercle vicieux se met en place, composé de comportements d’évitement et de peur de la peur.
Thérapie cognitivo-comportementale : on pense que les attaques de panique sont dues à une mauvaise interprétation de symptômes physiques fondamentalement inoffensifs. Les patients doivent donc apprendre à interpréter les signaux physiques de manière appropriée, à les classer et à y répondre de manière adéquate. Outre la transmission d’informations sur le trouble (psychoéducation) sur la base de modèles psychophysiologiques (p. ex. le “modèle du cercle vicieux de l’anxiété” ou le “modèle du stress” expliquant le rôle de la modification du seuil de perception des symptômes physiques en cas d’anxiété permanente), des méthodes de relaxation, un entraînement à la gestion du stress et une exposition sont utilisés. En outre, la restructuration des pensées anxiogènes joue un rôle important.
On distingue l’exposition interoceptive et l’exposition in vivo. L’exposition interceptive consiste, par exemple, à augmenter le rythme cardiaque par l’exercice physique ou à provoquer des vertiges par l’hyperventilation. Il est essentiel que le patient fasse l’expérience que les symptômes corporels qui en résultent ne sont pas dangereux et peuvent être influencés et régulés de manière autonome. Cela devrait conduire à l’extinction de la réaction de peur conditionnée. En cas d’agoraphobie, des expositions in vivo sont réalisées, les patients étant directement confrontés à la situation anxiogène après une préparation cognitive. Cela peut se faire d’une part sous la forme d’une inondation (“flooding”), où le patient est confronté dès le début à des situations très anxiogènes, ou d’autre part sous la forme d’une exposition progressive, où l’on commence par des confrontations relativement légères et où l’intensité augmente progressivement [4].
Psychothérapie psychodynamique : Ces dernières années, des approches thérapeutiques manualisées ont également été développées dans le cadre de la thérapie psychodynamique, comme la psychothérapie psychodynamique centrée sur la panique (PFPP) pour le traitement du trouble panique et de l’agoraphobie [5]. La théorie psychodynamique associée postule que les symptômes de panique ont une signification émotionnelle spécifique, liée à des conflits intrapsychiques et interpersonnels. Selon la théorie, les symptômes d’anxiété persistent jusqu’à ce que le patient puisse tolérer la signification de la panique et les conflits qui l’accompagnent.
La PFPP se divise en trois phases : La première phase est consacrée à l’exploration active des circonstances qui ont précédé le début du trouble panique, des pensées et des sentiments du patient pendant les attaques de panique et de la signification (inconsciente) des symptômes. Dans la deuxième phase, on s’efforce d’aborder les thèmes émotionnellement significatifs qui jouent un rôle dans la genèse des épisodes de panique et d’analyser leurs liens psychodynamiques, par exemple les conflits du patient liés à la séparation ou à l’expression de la colère. Comme les attentes conflictuelles du patient se manifestent également dans la relation avec le thérapeute, le travail sur les schémas dysfonctionnels dans le transfert revêt une importance particulière. Cela aide le patient à reconnaître que la crainte d’une catastrophe imminente est l’expression d’un conflit intérieur qui trouve ses racines dans des relations antérieures marquantes et ne reflète pas la réalité actuelle. L’objectif de cette phase de traitement est de réduire la vulnérabilité aux attaques de panique en faisant prendre conscience du style émotionnel et interactionnel inconscient qui caractérise le patient. Au cours de la troisième phase du traitement, il est important de se focaliser à temps sur la fin du traitement, car les patients souffrant de troubles paniques ont souvent des difficultés importantes à se séparer et à devenir indépendants. La réactivation et l’élaboration de ces conflits dans la relation thérapeutique permettent au patient de mettre des mots sur les fantasmes qui y sont associés et de les comprendre, ce qui rend les séparations moins anxiogènes.
Trouble anxieux généralisé
Les patients atteints de trouble anxieux généralisé (CIM-10 : F 41.1) souffrent d’une anxiété et d’une inquiétude excessives, liées aux circonstances générales ou particulières de la vie. L’apparition de cette anxiété, contrairement au trouble panique, n’est pas circonscrite à une situation ou à une crise, mais elle est présente presque constamment avec une intensité variable. Les patients sont par exemple tourmentés par l’inquiétude constante qu’il leur arrive quelque chose de grave, par exemple qu’il leur arrive des accidents ou qu’ils tombent malades. Souvent, les patients s’inquiètent également de leur inquiétude permanente, ces “méta-inquiétudes” pouvant être très angoissantes. La tension permanente entraîne de la nervosité, des troubles de la concentration et du sommeil, ainsi que des symptômes physiques tels que tremblements, tension musculaire, transpiration, étourdissement, palpitations cardiaques, vertiges, troubles digestifs ou diarrhées.
Thérapie cognitivo-comportementale : Comme pour les autres troubles anxieux, plusieurs éléments sont utilisés dans le traitement cognitivo-comportemental du trouble anxieux généralisé [6] : Outre la transmission d’informations générales, des expositions in-sensu à des catastrophes personnelles redoutées et aux soucis qui y sont liés (“confrontations de soucis”) sont effectuées. Lors de confrontations in vivo, il est essentiel d’éliminer les comportements de sécurité inappropriés. Cela peut consister, par exemple, à ne pas appeler trop souvent ses enfants lorsqu’ils ne sont pas là le soir. Pour les patients, il s’agit d’apprendre à tolérer les expériences anxiogènes plutôt que de les éviter. Le volet cognitif de la thérapie consiste à réévaluer les hypothèses irréalistes sur les avantages et les inconvénients des soucis, ainsi qu’à élaborer une évaluation réaliste de la probabilité que les problèmes aient des conséquences négatives. Pour ce faire, des expériences comportementales sont également menées afin de vérifier systématiquement la réalité des craintes auxquelles répondent les comportements de sécurité. Des techniques de régulation des émotions telles que la relaxation et la pleine conscience sont également utilisées.
Psychothérapie psychodynamique : les manuels de traitement psychodynamique pour les patients souffrant de trouble anxieux généralisé sont basés sur la thérapie supportive-expressive (SET) développée par Luborsky [7], qui comprend à la fois des interventions de soutien (supportive) et d’interprétation (expressive). L’accent est mis sur les thèmes centraux de conflit relationnel (ZBKT) du patient. Il s’agit de schémas d’expérience et de comportement conflictuels qui se répètent dans différentes relations du patient. L’hypothèse est que les symptômes psychologiques sont le résultat d’un conflit qui se répète dans différentes relations. Dans le cadre du traitement, une attention particulière est à nouveau accordée au développement de la relation thérapeutique. On suppose que le schéma relationnel central se manifeste également dans cette relation, ce qui facilite une reconnaissance commune du schéma [8]. Le contenu du traitement se concentre donc sur les conflits interpersonnels répétitifs : dans les relations actuelles, dans le transfert au thérapeute et dans les relations antérieures pendant l’enfance et l’adolescence.
Phobie sociale
La phobie sociale (CIM-10 : F 40.1) ou le trouble d’anxiété sociale selon le DSM-5 est l’un des troubles anxieux les plus courants. Les personnes concernées ont peur des situations dans lesquelles elles sont le centre de l’attention (par exemple, parler en public). Vous craignez de vous montrer gêné ou maladroit et d’être jugé négativement par les autres. Il en résulte généralement un comportement d’évitement qui peut entretenir le trouble.
Thérapie cognitivo-comportementale : la psychoéducation dans le cadre de la thérapie cognitivo-comportementale permet de comprendre le lien entre des idées irréalistes sur les normes sociales, une tension accrue, des pensées dysfonctionnelles, une focalisation de l’attention vers l’intérieur et des comportements d’évitement. Dans le cadre de la restructuration cognitive, les auto-évaluations négatives exagérées sont comparées à la réalité. En partant du principe que la phobie sociale est due à des déficits dans la capacité de communication et d’interaction, un entraînement aux compétences sociales est utilisé. Le patient doit par exemple prononcer un discours devant d’autres participants du groupe dans le cadre d’un jeu de rôle, avec un feedback vidéo si nécessaire. En outre, des exercices d’exposition ou des expériences comportementales sont utilisés. Le patient doit par exemple s’exposer délibérément en public à une situation subjectivement particulièrement embarrassante, tout en observant la réaction de son entourage [9]. Cela permet de vérifier les conséquences redoutées par rapport à leur menace réelle et de réduire les comportements dysfonctionnels en matière de sécurité.
Psychothérapie psychodynamique : il est essentiel d’établir une relation d’acceptation et de soutien avec le thérapeute, car elle offre une base sûre pour permettre au patient d’explorer et de s’exposer. Ici aussi, le patient est encouragé à faire face activement aux situations sociales anxiogènes et à discuter de ses expériences avec le thérapeute. Il s’agit de prendre en compte les limitations sociales du patient dues à son manque d’expérience dans les interactions sociales. L’attitude de soutien du thérapeute permet de corriger les expériences antérieures du patient qui a été embarrassé dans ses relations avec des personnes importantes. La relation avec le thérapeute contribue ainsi à améliorer la régulation de l’estime de soi et la gestion des impulsions. Le traitement se concentre sur la honte en tant qu’affect directeur, confronte le patient à ses exigences excessives envers lui-même et explore les attentes implicites que les personnes de référence antérieures ont placées dans le patient [10].
Résumé
Dans la psychothérapie des troubles anxieux, la confrontation avec la situation anxiogène constitue l’élément clé commun du traitement, toutes écoles confondues. La thérapie cognitivo-comportementale est celle dont l’efficacité est la mieux démontrée empiriquement. Les psychothérapies psychodynamiques sont particulièrement importantes en cas d’inefficacité de la thérapie comportementale (ou de préférence du patient) ou de troubles de la personnalité comorbides.
Messages Take-Home
- Les troubles anxieux font partie des troubles mentaux les plus courants.
- Sur le plan psychothérapeutique, il existe différentes possibilités de traitement spécifiques, bien établies empiriquement, comme la thérapie cognitivo-comportementale et la psychothérapie psychodynamique.
- La confrontation avec des situations redoutées et évitées constitue l’élément clé commun aux différentes formes de thérapie.
- Les comportements d’évitement entraînent une gêne importante pour les personnes concernées ainsi que le maintien du trouble anxieux.
- En cas de réponse insuffisante à la psychothérapie, des options pharmacothérapeutiques supplémentaires peuvent être envisagées.
Littérature :
- Bandelow B, et al. : Ligne directrice S3 allemande sur le traitement des troubles anxieux. Mise à jour 2014.
- Benecke C, Staats H : Psychanalyse des troubles anxieux. Modèles et thérapies. Stuttgart : Kohlhammer 2017.
- Freud S : Les chemins de la thérapie psychanalytique. Dans ibid. : Œuvres des années 1917-1920 (Série : Œuvres complètes, volume XII). Francfort-sur-le-Main : Fischer 1999 : 181-194.
- Schneider S, Margraf J : Agoraphobie et trouble panique. Göttingen, Allemagne : Hogrefe 1989.
- Milrod BL, et al : Manuel de psychothérapie psychodynamique axée sur la panique. Washington, DC : American Psychiatric Press 1997.
- Becker E, Margraf J : Trouble anxieux généralisé. Weinheim : Beltz 2002.
- Luborsky L : Introduction à la psychothérapie analytique. Un manuel d’enseignement. Göttingen, Allemagne : Vandenhoeck et Rupprecht 1995.
- Crits-Christoph P, et al : Brief supportive-expressive psychodynamic therapy for generalized anxiety disorder. Dans Barber JP, Crits-Christoph P, Ed : Dynamic Therapies for Psychiatric Disorders (Axis I). New York : BasicBooks 1995.
- Stangier U, Heidenreich T, Peitz M : Phobies sociales. Un manuel de traitement congtivo-comportemental. Weinheim : Beltz 2003.
- Leichsenring F, Beutel M, Leibing E : Thérapie focale psychanalytique orientée de la phobie sociale. Psychothérapeute 2008 ; 53(3) : 185-197.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(9) : 19-22