Les médicaments doivent toujours être associés à une thérapie comportementale. L’erreur la plus fréquente est le sous-dosage des substituts nicotiniques ou la durée d’utilisation trop courte. Le principe Reduce-to-Quit peut renforcer la relation thérapeutique avant un arrêt définitif du tabac. L’apparition de symptômes de sevrage doit être discutée dès le début. Des stratégies d’adaptation appropriées doivent être développées.
Malgré les effets négatifs sur la santé connus de la population, 24,9% de tous les habitants sont des fumeurs actifs et 35,1% sont exposés à la fumée passive au moins une heure par semaine, selon le Monitorage suisse des addictions [1–4]. La moitié des fumeurs souhaitent devenir abstinents, mais seuls 18% d’entre eux parviennent à s’abstenir de fumer pendant plus de 90 jours. Étant donné qu’en moyenne, seul un tiers des tentatives d’abstinence sont accompagnées d’une aide professionnelle, il est nécessaire de mieux impliquer les médecins de ville [1–4]. Le médecin généraliste peut jouer un rôle clé dans le sevrage tabagique et le maintien de l’abstinence de ses patients. D’une part, il a un contact régulier avec eux, ce qui est bénéfique pour la motivation et le suivi de la thérapie. D’autre part, grâce à son rôle central, le médecin généraliste est le mieux placé pour évaluer et conseiller le patient dans sa globalité.
Il est essentiel d’aborder chaque fumeur individuellement, car chacun a des arguments et des stratégies différents pour arrêter de fumer (RS), qui peuvent être identifiés dans le cadre de ce que l’on appelle un “entretien motivationnel”. Le médecin généraliste doit ensuite donner des conseils compétents sur les possibilités de thérapie comportementale et pharmacologique pour la RS. Il est important que la relation thérapeutique soit basée sur la confiance, que les accords soient contraignants de part et d’autre et que les contacts de suivi soient réguliers. Les problèmes peuvent ainsi être identifiés à un stade précoce et des solutions peuvent être discutées. En particulier lors de la prise de médicaments sur ordonnance, les effets et les effets secondaires doivent être surveillés par le médecin afin de procéder à des ajustements si nécessaire.
En moyenne, il faut cinq à six tentatives sérieuses d’ER pour obtenir un ER de longue durée. C’est pourquoi le médecin généraliste doit connaître les chances de succès de chaque stratégie de RS et apprendre à gérer les éventuels échecs de manière motivante. L’intégration de la médecine complémentaire intéresse également de nombreux fumeurs qui souhaitent entreprendre une RS. Il est donc important de savoir quelles méthodes, fondées sur des preuves, sont susceptibles de donner des résultats et quelles méthodes ne le sont pas.
Substituts nicotiniques
Les substituts nicotiniques (Nicorette®/Nicotinell®/Nicostop-Mepha®) sont utilisés depuis des décennies pour la RS. Ils augmentent la probabilité de RS jusqu’à 70% par rapport au placebo [5]. Il s’agit pour la plupart de préparations disponibles sans ordonnance, qui ne contiennent que de la nicotine de qualité pharmaceutique, et non les substances toxiques contenues dans la fumée de cigarette. Les substituts nicotiniques sont administrés pour prévenir ou atténuer les symptômes de manque de nicotine (tab. 1). L’erreur la plus fréquente dans le cadre d’un traitement de substitution nicotinique est le sous-dosage. C’est pourquoi le tableau 1 ne mentionne que les doses quotidiennes maximales à titre indicatif. Il existe aujourd’hui un vaste marché pour ces produits et différentes formes pharmaceutiques sont proposées. Il convient de souligner que leur combinaison est plus efficace que le traitement par un seul produit [5] et que la dose efficace peut varier considérablement d’un fumeur à l’autre.
Bupropion et varénicline
Le bupropion et la varénicline sont tous deux des médicaments sans nicotine délivrés sur ordonnance (tableau 2), qui peuvent apporter un soutien essentiel à la RS au cours des premières semaines et des premiers mois [6]. Il est important de connaître les contre-indications et les précautions d’emploi des deux préparations afin de choisir individuellement le meilleur traitement pour chaque patient. Le bupropion peut contrecarrer la prise de poids qui limite souvent le traitement dans le RS, tandis que la varénicline présente le meilleur taux d’abstinence tabagique à long terme [6,7].
Par le passé, des rapports faisant état d’une augmentation du taux de suicide et d’événements cardiovasculaires lors de la prise de varénicline ont suscité un grand intérêt médiatique. Des études rétrospectives ont toutefois permis de relativiser ces inquiétudes et devraient être communiquées aux médecins généralistes et aux patients afin d’éviter toute réticence à l’égard de ce médicament efficace [8]. Il est parfois utile, dans ce contexte, d’aborder le potentiel d’effets secondaires de la consommation continue de cigarettes ou d’étudier ensemble les nombreux composants nocifs de la fumée de tabac.
Pharmacothérapie de seconde ligne
Pour être complet, il convient de mentionner qu’il existe des preuves pour la clonidine et la nortriptyline en tant que médicaments de deuxième ligne [9,10]. Cependant, les taux d’effets secondaires parfois disproportionnés font que ces moyens sont relégués au second plan dans le soutien de la RS. Ces deux médicaments ne sont pas autorisés en Suisse pour cette indication.
Alternatives
Quelle que soit la stratégie de RS choisie, la combinaison avec une thérapie comportementale augmente ses chances de succès. En général, celle-ci devrait viser à identifier les facteurs déclencheurs du tabagisme et à développer des stratégies d’adaptation appropriées permettant au fumeur d’ignorer le stimulus.
Dans de nombreux cas, les patients souhaitent également bénéficier d’une thérapie non médicamenteuse ou d’une médecine complémentaire. Malheureusement, les preuves relatives à ces formes de thérapie sont insuffisantes, qualitativement ou quantitativement, pour fournir une recommandation fondée sur des preuves pour ces méthodes. L’acupuncture, l’hypnose et le livre “Enfin non-fumeur” ne devraient donc pas être recommandés en premier lieu. Si les patients y parviennent, le soutien médical à l’abstinence à long terme est certainement recommandé.
Pour les fumeurs qui n’ont pas de volonté ferme d’arrêter de fumer ou qui ont échoué à plusieurs reprises dans leurs tentatives d’arrêt du tabac, il faut envisager la possibilité de réduire leur consommation de tabac (principe du reduce-to-quit). A long terme, cela n’améliore certes guère les conséquences de l’atteinte à la santé. Cependant, en raison de la relation existante entre le patient indécis ou infructueux et le médecin-conseil, il peut s’agir d’une étape temporaire sur le chemin de l’arrêt définitif du tabac et renforce parfois la confiance pour le changement de comportement à venir [11].
Cigarettes électroniques
La Société suisse de pneumologie et l’American Heart Association s’opposent à l’utilisation de la cigarette électronique comme première mesure pour un RS. Il existe déjà des substituts nicotiniques bien étudiés et d’autres médicaments dont l’efficacité est prouvée. Les e-cigarettes n’ont pas plus de succès que les médicaments actuels. Il n’existe pas encore de données à long terme sur les effets sur la santé de l’inhalation d’aérosols dont certains composants sont nocifs pour la santé et entraînent une dépendance [12].
Vaccination
Les anticorps peuvent bloquer la diffusion de la nicotine à travers la barrière hémato-encéphalique et/ou la liaison à des centres spécifiques du SNC. Ce mécanisme a été utilisé dans les premières études pour évaluer les possibilités de vaccination contre la dépendance à la nicotine [13]. Cependant, les données dans ce domaine sont encore mitigées et d’autres études doivent évaluer l’efficacité et le profil d’effets secondaires de cette technique.
Vérification du statut de fumeur
En cas d’abstinence tabagique douteuse, la mesure du taux de CO dans l’air expiré ou du métabolite de la nicotine, la cotinine, dans l’urine, la salive ou le sérum, facile à déterminer, est une bonne solution.
Symptômes de sevrage et chances de succès
Les symptômes indésirables du sevrage nicotinique commencent souvent quelques heures après le RS et atteignent généralement leur maximum en une semaine. Afin de réduire ces symptômes, resp. se distraire, on peut faire quelques recommandations générales. La personne qui a l’intention de faire une RS devrait essayer de changer les habitudes qu’elle associe au tabagisme (par exemple, boire moins de café alors qu’elle a toujours fumé une cigarette). Dans la pratique, il s’est avéré que les patients effectuent trois activités de manière routinière pour se distraire de l’envie de fumer. Elles doivent être simples et réalisables à tout moment dans la vie quotidienne, par exemple
- boire un verre d’eau
- prendre un bonbon à sucer sans sucre
- faire une activité physique comme monter des escaliers.
Souvent, ces activités réduisent déjà l’envie de fumer. Si cela se reproduit plus tard, il faut refaire la routine.
Il arrive cependant que ces mesures soient insuffisantes et que l’on ait tout de même recours à la cigarette. Toutefois, la réduction du nombre de cigarettes consommées quotidiennement doit déjà être considérée comme un succès intermédiaire et devrait montrer au patient qu’il est capable de modifier son comportement. Au quotidien, il s’est avéré utile de noter ces activités de distraction sur un papier bien visible, par exemple sur le réfrigérateur ou l’écran de l’ordinateur.
De nombreux fumeurs considèrent comme une récompense les avantages pour la santé que le RS apporte déjà après une courte période (tableau 3).
La constipation, qui est fréquente, peut être abordée en buvant beaucoup et en augmentant la quantité de fibres dans l’alimentation. La prise de poids, la fatigue, les maux de tête et l’irritabilité accrue peuvent être contrés par des conseils nutritionnels, des exercices de relaxation et du sport. Le fardeau de tels symptômes ne doit pas être sous-estimé et souligne l’importance d’un suivi cohérent dans l’environnement du médecin généraliste pendant cette période. La ligne stop-tabac multilingue (0848 000 181) et l’application SmokeFree Buddy peuvent vous y aider.
Conclusion
En résumé, un soutien médicamenteux combiné à des conseils médicaux intensifs permet d’obtenir les meilleurs taux d’abstinence à long terme chez les RS. (Tab.4). Il est important d’apporter un soutien adéquat à tout patient souhaitant faire un RS, car les chances de succès de ce que l’on appelle la “tentative d’arrêt spontané”, c’est-à-dire le RS sans soutien professionnel et sans médicaments, sont très faibles. Une thérapie comportementale complémentaire est utile pour développer les stratégies nécessaires et éviter à long terme les situations à risque de rechute. Les symptômes de sevrage doivent toujours être pris en compte et traités le plus tôt possible.
D’un point de vue sanitaire et économique, le RS est l’une des approches les plus importantes en matière de prévention primaire et secondaire de l’état de santé des patients en médecine générale.
Remerciements : Nous remercions le Dr Alice Zürcher pour sa relecture du manuscrit.
Littérature :
- Enquête continue sur les comportements addictifs et les risques associés (CoRolAR). 2011-2014.
- Gmel G, et al : Monitorage suisse des addictions – Consommation d’alcool, de tabac et de drogues illégales en Suisse en 2014. Addiction Suisse : Lausanne, Suisse 2015.
- Enquête suisse sur la santé (ESS) pour l’ensemble de la population suisse. 1992, 1997, 2002, 2007, 2012.
- Kuendig H, Notari L, Gmel G : Le tabagisme passif en Suisse en 2013. Analyse des données du Monitorage suisse des addictions. Addiction Suisse : Lausanne 2014…
- Stead LF, et al : Nicotine replacement therapy for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews 2012 ; 11 : CD000146.
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(7) : 16-20