Le diagnostic et le traitement à long terme des personnes atteintes de psychose ne sont pas envisageables sans les médecins généralistes. Leur activité est en outre essentielle pour déstigmatiser la maladie – et les personnes qui en sont atteintes. En cas de suspicion de troubles psychotiques, il est indispensable de procéder à un diagnostic neurologique et interne minutieux, incluant l’imagerie et le laboratoire. Le médecin généraliste peut expliquer la nécessité de ces examens complémentaires et orienter les personnes concernées. Les situations d’urgence sont plutôt rares dans les cabinets de médecine générale. Dans ce cas, il convient, selon les cas, de faire appel à la police, à un psychiatre d’urgence et à un médecin officiel ou de recourir à une médication d’urgence (controversé). Les médecins généralistes peuvent apporter un éclairage important sur la meilleure approche (traitement médicamenteux et/ou psychothérapeutique). Les interactions entre les médicaments psychiatriques et ceux prescrits par le médecin généraliste sont évitées grâce à une bonne communication entre les soignants.
Ce sont les médecins de premier recours qui sont consultés en premier par les familles ou les personnes concernées lorsque les premiers symptômes de psychose apparaissent. Ils posent un diagnostic de suspicion, expliquent le tableau clinique et expliquent aux personnes concernées la nécessité de se rendre chez un spécialiste ou dans une institution psychiatrique pour un diagnostic et un traitement plus approfondis. Les jeunes ou leurs proches inquiets, en particulier, se confient à leur médecin généraliste.
Les médecins généralistes peuvent réduire la peur des personnes atteintes de psychose d’être internées contre leur gré dans des institutions psychiatriques et d’être traitées de manière violente, d’être aliénées et privées de leurs droits, grâce à la relation de confiance particulière qui existe entre eux. Ils expliquent à leurs patients et à leur famille qu’il existe des thérapies efficaces, y compris non médicamenteuses, contre les différentes formes de psychose et clarifient les causes médicales des symptômes psychiatriques (comme c’est le cas dans environ 20% des cas).
Diagnostic des troubles psychotiques
La perception, la pensée et les sensations sont souvent altérées dans les troubles psychotiques. Les capacités à faire face de manière adéquate aux contraintes de la vie quotidienne sont altérées. Cependant, les changements de comportement sont souvent minimes, ce qui rend difficile le diagnostic précoce des troubles psychotiques, pour lesquels il existe des centres spécialisés. Les patients et leur entourage ont souvent du mal à accepter que les difficultés de la vie quotidienne puissent cacher une souffrance psychique nécessitant un traitement.
Les “symptômes négatifs” tels que le manque d’énergie, l’apathie et la diminution des performances sont difficiles à classer. Ils peuvent non seulement être le signe d’un trouble psychotique, mais aussi résulter de troubles de l’adaptation après des événements de vie stressants, d’épisodes dépressifs, de “crises d’adolescence” et de souffrances somatiques. Il convient d’en tenir compte lors du diagnostic différentiel.
Les “symptômes positifs” tels que les troubles du contenu de la pensée, notamment les pensées délirantes et les illusions sensorielles telles que les hallucinations auditives, font rapidement penser à une psychose. L’étiologie n’est cependant pas toujours claire. Même les états d’excitation aigus peuvent avoir des causes très diverses, allant des troubles de la personnalité, des intoxications par des substances légales ou non, des troubles affectifs bipolaires à des lésions cérébrales organiques et/ou des maladies internes. En cas de suspicion de troubles psychotiques, il est donc indispensable de procéder à un diagnostic neurologique et interne minutieux, incluant l’imagerie et le laboratoire.
Le recueil des résultats psychopathologiques nécessite des connaissances spécifiques. De simples malentendus linguistiques suffisent à créer des obstacles. Ce n’est pas seulement le cas pour les personnes de langue étrangère, par exemple lorsqu’elles décrivent des “voix intérieures”, de sorte que les interprètes professionnels devraient s’enquérir du vécu exact. Même les locuteurs natifs peuvent exprimer des craintes dont il est difficile de déterminer s’il s’agit de peurs compréhensibles dans un monde hautement technologique où l’individu devient une “personne transparente” ou s’il s’agit de pensées paranoïaques d’atteinte et de persécution.
Gérer les situations d’urgence
Il est plutôt rare que le médecin généraliste soit confronté à une situation où il doit décider rapidement et avec peu d’informations préalables s’il y a un danger pour lui-même ou pour autrui chez un patient potentiellement psychotique et quelle est la procédure appropriée. La sécurité est ici la priorité absolue. Si, dans le cadre de leur maladie, les patients ont l’impression subjective de se trouver dans une situation extrême et menaçante, ils peuvent être agités, agressifs ou suicidaires.
Si la personne n’est plus joignable en entretien, si elle se livre à des voies de fait ou si elle est suicidaire, il convient alors de se retirer immédiatement et de faire appel à la police, à un psychiatre d’urgence et, selon le canton, à un médecin officiel. Mais si le patient répond encore aux offres de communication, on peut lui proposer une médication. Le lorazépam (sous forme de comprimés à faire fondre, au moins 2,5 mg en cas d’urgence) agit en 10 à 40 minutes sur les états d’anxiété et d’excitation et est également indiqué en cas de délire et de catatonie. Cependant, le lorazépam n’a pas d’effet sur le délire et les hallucinations, mais seulement sur l’anxiété. C’est pourquoi l’administration d’une benzodiazépine seule peut encore favoriser un acte suicidaire ou un passage à l’acte. L’idéal est donc soit d’associer l’halopéridol au lorazépam (5 mg d’halopéridol pour le délire et 2,5 mg de lorazépam pour l’anxiété), soit de traiter d’emblée tous les symptômes avec de l’olanzapine (20 mg sous forme de comprimés à fondre, sédatif, contre le délire, les hallucinations et pratiquement sans effets secondaires extrapyramidaux moteurs). En utilisant 20 mg d’olanzapine en monothérapie, on obtient une très bonne couverture des symptômes maniaques, psychotiques, catatoniques et suicidaires. La seule prudence est de mise en cas de délire, où les propriétés anticholinergiques de l’olanzapine peuvent aggraver la symptomatologie. La question de savoir si une médication devrait déjà être administrée dans les situations d’urgence au cabinet du médecin généraliste est controversée. Un traitement plus rapide des patients et un environnement moins traumatisant plaident en faveur de cette solution. En fin de compte, les connaissances et l’expérience du fournisseur de base sont ici déterminantes.
Traitement aigu et traitement d’entretien par des spécialistes
Les médecins généralistes, qui connaissent souvent bien et depuis longtemps leurs patients, peuvent apporter une contribution importante lorsqu’il s’agit de décider avec les patients, après l’établissement du diagnostic, si un traitement médicamenteux ou psychothérapeutique, ou une combinaison des deux, est la meilleure approche. La plus grande attention devrait être accordée à l’information des patients et de leurs proches sur la souffrance et au soutien de l’entourage (y compris l’implication des services sociaux).
Les psychologues spécialisés connaissent bien les méthodes de psychothérapie spécifiques à la psychose, on peut citer par exemple l’entraînement métacognitif, que l’on peut télécharger gratuitement sur le site de l’hôpital universitaire de Hambourg [1]. Dans le traitement des maladies mentales, y compris dans le traitement aigu, la pharmacothérapie et la psychothérapie ont démontré leur équivalence [2].
Si une médication antipsychotique est souhaitable, le psychiatre spécialisé doit alors élaborer des propositions sur mesure. Toute modification de la médication, en particulier les pauses thérapeutiques des antipsychotiques, doit également être effectuée en collaboration avec le psychiatre. Selon les cas, une hospitalisation peut également être indiquée pour la conversion.
Comparaison des effets des produits pharmaceutiques
L’effet des pharmacothérapies sur la schizophrénie et la manie est bien établi. Dans la prophylaxie de phase de la schizophrénie, les antipsychotiques réduisent les rechutes de 57 à 22% en un an. En cas de trouble bipolaire, 58% des patients répondent à la médication. Les rechutes passent de 81 à 36% grâce au lithium. En cas de manie aiguë, le taux de réponse de divers antipsychotiques est de 50%, de 52% pour le lithium, de 51% pour la carbamazépine et de 47% pour le valproate. La rispéridone et l’olanzapine ont des résultats comparables, leur efficacité est supérieure à celle du valproate, de la ziprasidone, de la lamotrigine, du topiramate et de la gabapentine. Dans une grande méta-analyse, les neuroleptiques les plus efficaces dans la schizophrénie sont la clozapine, suivie de l’amisulpride, de l’olanzapine, puis de la rispéridone et de la palipéridone. Il est important de mentionner que la clozapine en particulier réduit la mortalité jusqu’à dix fois, notamment parce qu’elle peut réduire les suicides par six par rapport aux autres neuroleptiques [3]. Il convient également de mentionner que les neuroleptiques sont le plus souvent arrêtés parce qu’ils ne sont pas efficaces. En ce sens, une bonne observance dépend d’une efficacité absolue. En 6e position, on trouve la zotépine (qui n’est plus commercialisée depuis 2010), puis l’halopéridol, la quétiapine, l’aripiprazole, le sertindol, la ziprasidone, la chlorpromazine, l’asénapine, la lurasidone et en 15e position l’ilopéridone [3].
Observance du traitement, effets et effets secondaires
La confiance envers le thérapeute est le facteur le plus important pour l’adhésion au traitement. Plus les symptômes d’une maladie sont légers, plus les effets secondaires d’un médicament ont de l’importance et plus celui-ci est jugé de manière critique. Il en va de même pour les troubles psychotiques et les antipsychotiques recommandés, qui ont un certain nombre d’effets indésirables. La prise de poids, qui a en outre des conséquences somatiques, est une préoccupation majeure pour de nombreux patients. Elle est la plus forte avec l’olanzapine et la clozapine et la plus faible avec l’halopéridol, la lurasidone et le sertindol [3].
Les autres effets indésirables importants sont les symptômes moteurs extrapyramidaux, la sédation, l’augmentation de la prolactine et l’allongement de l’intervalle QT [3]. Lors de l’entretien avec des patients sous traitement antipsychotique, il convient de leur demander régulièrement s’ils ont des effets indésirables. Le suivi de ces patients comprend des examens physiques internes et neurologiques réguliers, des ECG et des tests de laboratoire. Les dosages des taux de médicaments fournissent des informations non seulement sur l’observance du traitement, mais aussi sur les particularités pharmacocinétiques. L’absorption, la métabolisation et l’excrétion peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre et nécessiter des ajustements de la substance et de la présentation.
Cependant, les effets secondaires ne semblent pas être aussi déterminants pour l’arrêt du traitement antipsychotique que l’efficacité insatisfaisante du médicament en question. Selon les études, l’amisulpride a entraîné le moins d’interruptions de traitement, suivi par la clozapine et l’olanzapine. La plupart des interruptions de traitement ont eu lieu sous halopéridol, sertindol et lurasidone [3].
Les interactions entre les médicaments psychiatriques et ceux prescrits par le médecin généraliste sont évitées par une bonne communication entre le psychiatre traitant et le médecin généraliste. Dans les cantons où la propharmacie n’existe pas, la collaboration du pharmacien est utile, car il dispose de systèmes électroniques qui indiquent les interactions et contribuent à la sécurité de la prescription de médicaments.
Pas de gestion de la psychose sans médecin généraliste
Une bonne gestion de la psychose au cabinet du médecin généraliste permet de poser un diagnostic précoce chez les malades, d’instaurer la confiance et une véritable adhésion grâce à un traitement efficace et de voir, d’interpréter et d’équilibrer la psychose dans le contexte familial. Les thérapies efficaces (plus que les thérapies avec peu d’effets secondaires) sont prises par les personnes concernées sur une longue période et stabilisent les patients, empêchent les éventuelles pertes professionnelles et privées dues à la psychose, réduisent le temps de vie perdu et donnent confiance dans les possibilités de traitement qui s’améliorent et qui sont finalement excellentes. En effet, les neuroleptiques sont très efficaces dans la prophylaxie de phase, bien plus que de nombreux produits de médecine interne, et ont connu ces dernières années de fortes améliorations en termes de taux d’effets secondaires et d’utilisation basée sur des preuves, conformément aux lignes directrices [4]. Il a également été démontré que les techniques de psychothérapie et d’entretien spécifiques sont au moins aussi efficaces que les médicaments et que le médecin généraliste peut participer à la mise en place de telles aides psychothérapeutiques. Les thérapies opportunes et durables sont moins intrusives et préviennent les exacerbations et les escalades. Cela aide les malades et leur entourage et réduit la stigmatisation des personnes concernées.
Littérature :
- Moeller J, Moritz S : Entraînement métacognitif (MKT) pour la psychose : favoriser la pensée sur la pensée. Psychiatrie et neurologie 2015 ; 1 : 4-9.
- Huhn M, et al : Efficacité de la pharmacothérapie et de la psychothérapie pour les troubles psychiatriques des adultes. A Systematic Overview of Meta-Analyses. JAMA Psychiatry 2014 ; 71 : 706-715.
- Leucht S, et al : Comparative efficacy and tolerability of 15 antipsychotic drugs in schizophrenia : a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2013 ; 382 : 951-962.
- Leucht S, et al : Putting the efficacy of psychiatric and general medicine medication into perspective : Review of meta-analyses. The British Journal of Psychiatry 2012 ; 200 : 97-106.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(9) : 15-17