La détection précoce des troubles cérébraux permet, dans environ 10% des cas, de traiter de manière causale la pathologie sous-jacente et, dans le cas de maladies neurodégénératives irréversibles, de retarder l’aggravation en initiant des mesures pharmacologiques et non pharmacologiques appropriées. Avec BrainCheck, les médecins généralistes disposent d’un outil de case-finding très efficace et facile à mettre en œuvre, dont le résultat permet de décider si un examen plus approfondi est nécessaire ou si l’on peut attendre (watchful waiting). La réserve cognitive constitue un facteur de protection potentiel contre les évolutions démentielles et devrait permettre une compensation plus longue grâce à une connectivité accrue du cerveau. Une amélioration de la réserve cognitive peut également être recherchée à un stade ultérieur de la vie par une activité intellectuelle régulière. Grâce à des questions simples, l’algorithme d’entretien avec le patient permet de décider rapidement si et quand l’utilisation de BrainCheck, de BrainCoach ou d’une combinaison des deux outils est indiquée.
Avec l’augmentation constante du nombre de personnes âgées, l’évolution démographique entraîne une hausse de la prévalence des maladies liées à l’âge, comme la démence. Selon les estimations [1], près de 200 000 personnes vivront avec une démence en Suisse dès 2030, ce qui représente un défi économique, médical et social majeur. La santé des personnes âgées prend donc de plus en plus d’importance et il convient de mettre en place des mesures de détection précoce et de prévention appropriées en ce qui concerne le thème du déclin cognitif. L’importance d’identifier les troubles cérébraux le plus tôt possible est renforcée par le fait qu’environ 10% des causes sous-jacentes peuvent être traitées et donc au moins partiellement réversibles [2]. De plus, dans le cas des maladies neurodégénératives, la mise en place précoce d’un traitement pharmacologique et non pharmacologique peut prolonger le maintien de la qualité de vie [3].
BrainCheck : sensibilité et spécificité élevées
Pour faciliter la détection précoce des symptômes cognitifs chez les personnes âgées, l’outil de case-finding “BrainCheck “* a été développé sous la direction de la Memory Clinic de Bâle et en collaboration avec 5 autres cliniques de la mémoire en Suisse [4]. Celui-ci peut être utilisé dans le cabinet du médecin généraliste si (a) par le patient, ou (b) un proche a été informé de changements dans les performances cérébrales, ou si (c) si le médecin généraliste lui-même a des soupçons à ce sujet. A l’aide de trois questions posées au patient et du test de l’horloge, ainsi que d’un questionnaire très court destiné à la famille – que celle-ci peut facilement remplir dans la salle d’attente – il est possible de décider en 3 minutes environ, avec une fiabilité de près de 90%, s’il est indiqué de procéder à un examen plus approfondi des fonctions cérébrales (chez le médecin de famille ou dans une clinique de la mémoire) ou de “watchful waiting”. (Fig. 1).
Le BrainCheck, en tant qu’outil de case-finding, est très rapide et facile à mettre en œuvre et présente une sensibilité et une spécificité élevées. En outre, l’instrument est disponible gratuitement en allemand, anglais, français, italien et espagnol sur www.memoryclinic.ch et sur www.braincheck.ch. Une application est également disponible pour l’iPhone et l’iPad.
Facteurs de risque potentiellement influençables
Outre la détection précoce des troubles cérébraux, la recherche actuelle se concentre également sur la prévention du déclin cognitif ou de la perte de mémoire. sur le retardement de l’aggravation des troubles cognitifs subjectifs ou très légers objectivables préexistants. Le modèle utilisé dans cette réflexion est la maladie d’Alzheimer, la cause la plus fréquente et donc la plus importante de démence. Dans la maladie d’Alzheimer, on observe une détérioration continue des performances, d’abord normales, puis des troubles cognitifs seulement subjectifs, puis légers, jusqu’à la démence (Fig. 2). Ces dernières années, outre les facteurs de risque non modifiables tels que l’âge ou la prédisposition génétique, des facteurs de risque sur lesquels il est possible d’agir ont été discutés [5].
Un facteur protecteur important contre le déclin cognitif est, entre autres, l’activité mentale, qui est également discutée sous le concept de “réserve cognitive” [6]. Des études ont montré qu’en cas de début de démence, les personnes ayant un niveau d’éducation élevé ou bénéficiant d’une stimulation cognitive régulière peuvent mieux compenser les processus neuropathologiques en augmentant la connectivité du cerveau et ce, pendant plus longtemps (Fig. 3) [7]. Le type d’activité intellectuelle n’est pas déterminant – l’important est de faire quelque chose qui procure du plaisir. Et le principe est le suivant : “plus on est de fous, plus on rit”.
BrainCoach : Utilisez-le ou perdez-le !
Afin d’aider les personnes âgées peu actives ou qui s’ennuient cognitivement, par exemple à la suite d’un départ à la retraite, à augmenter leur agilité mentale et donc leur réserve cognitive, le programme “BrainCoach* – Use it or lose it” a été développé avec l’aide d’un groupe d’experts suisses à la Memory Clinic de Bâle, et doit être mis en œuvre en premier lieu dans les cabinets de médecine générale [8]. En utilisant la technique de “l’entretien motivationnel”, l’objectif est d’augmenter la motivation intrinsèque des personnes âgées pour l’activité cognitive. Le programme s’adresse aux personnes âgées en bonne santé ainsi qu’aux personnes souffrant d’un déclin cognitif subjectif (c’est-à-dire non objectivable sur [noch] ) – mais en aucun cas aux patients atteints de démence.
La première étape consiste à déterminer, dans le cadre d’un entretien, l’importance subjective d’une augmentation de son activité intellectuelle. Ensuite, on demande au patient de penser à des activités qu’il aime faire actuellement ou qu’il a déjà faites. Si nécessaire, le médecin généraliste peut faciliter ce processus de recherche en présentant des cartes photographiques d’un “buffet cognitif” (figure 4). Après avoir élaboré un plan d’action concret, un rendez-vous de suivi est fixé pour évaluer les progrès, en fonction des besoins individuels du patient (Fig. 4).
Actuellement, le programme BrainCoach est testé dans le cadre d’une étude pilote/de faisabilité à Bâle et à Genève en collaboration avec des médecins généralistes et leurs assistantes médicales. Les résultats obtenus à Bâle par 5 médecins généralistes qui ont conseillé ensemble 12 patients (5 femmes, 7 hommes ; âge [Median] = 70) avec BrainCoach ont montré qu’au moyen des documents préparés et de la technique proposée, il était possible d’obtenir une augmentation de la motivation des patients pour une activité intellectuelle. Si les résultats de l’étude pilote à Genève sont tout aussi positifs, plus rien ne s’opposera à la dissémination.
Algorithme pour l’entretien avec le patient
Un algorithme d’entretien avec le patient permet d’évaluer les patients pour lesquels le BrainCheck, le BrainCoach ou les deux modules sont applicables. (Fig.5). Les exemples de questions sur l’activité cognitive et le déclin cognitif subjectif (SCD = subjective cognitive decline, [9]) peuvent être évalués dans le cadre d’un entretien informel, par exemple pendant la prise de sang par l’assistante médicale. Elle peut ensuite transmettre le résultat et les étapes ultérieures indiquées (confirmation de l’activité cognitive ; BrainCheck ; BrainCoach) au médecin traitant.
* Les deux projets se sont déroulés sous la direction de la Memory Clinic de Bâle et avec le soutien de Viforpharma, qui leur a accordé une subvention sans restriction.
Littérature :
- Alzheimer’s Disease International. Rapport mondial sur la maladie d’Alzheimer 2016. Améliorer les soins de santé pour les personnes atteintes de démence. Alzheimer’s Disease International (ADI), Londres. septembre 2016 (www.alz.co.uk/research/world-report-2016).
- Clarfield AM : The decreasing prevalence of reversible dementias : an updated meta-analysis. Arch Intern Med 2003;163(18) : 2219-29.
- Monsch AU, et al. : Groupe d’experts suisse. Consensus 2012 sur le diagnostic et le traitement des personnes atteintes de démence en Suisse. Praxis 2012;101(19):1239-49.
- Ehrensperger MM, et al : BrainCheck – a very brief tool to detect incipient cognitive decline : optimized case-finding combining patient- and informant-based data. Alzheimers Res Ther 2014;6(9):69. doi : 10.1186/s13195-014-0069-y.
- Alzheimer’s Disease International. Rapport mondial sur la maladie d’Alzheimer 2014. Démence et réduction des risques – Une analyse des facteurs de protection et des facteurs modifiables. Londres : Alzheimer’s Disease International ; octobre 2014 (www.alz.co.uk/research/WorldAlzheimerReport2014.pdf).
- Stern Y : Réserve cognitive chez les personnes âgées et la maladie d’Alzheimer. Lancet Neurol 2012;11(11):1006-12. doi : 10.1016/S1474-4422(12)70191-6.
- Stern Y : Cognitive reserve. Neuropsychologia 2009;47(10) : 2015-28. doi : 10.1016/j. neuropsychologie. 2009.03.004
- Mistridis P, et al. : Utilisez-le ou perdez-le ! Cognitive activity as a protective factor for cognitive decline and dementia in older adults. Swiss Medical Weekly. (sous presse).
- Molinuevo JL, et al. : Subjective Cognitive Decline Initiative (SCD-I) Working Group. Implementation of subjective cognitive decline criteria in research studies. Alzheimers Dement 2016 Nov 5. pii : S1552-5260(16)33019-9. doi : 10.1016/j.jalz.2016.09.012. [Epub ahead of print].
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(2) : 8-12