L’infiltration est une méthode efficace qui permet de soulager les douleurs dorsales de manière fiable et rapide. Sans intervention chirurgicale, cela permet de rétablir la mobilité et l’absence de douleur du patient et d’appliquer d’autres mesures de thérapie multimodale. Si la douleur est très forte ou dure depuis longtemps, la thérapie d’infiltration est un moyen de transporter l’analgésique directement là où se trouve sa cause.
Les douleurs dorsales sont souvent des douleurs nociceptives provoquées par des modifications dégénératives ou des phénomènes d’usure dans la zone des articulations des facettes. Ces douleurs sont généralement aiguës ou lancinantes, mais peuvent aussi être sourdes et surviennent dans la région lombaire. Alternativement, la douleur peut être causée par des tensions dans les muscles. En revanche, si la douleur résulte d’une compression du nerf, il s’agit d’une douleur neuropathique localisée dans le dermatome, a expliqué le Dr Julia Wölfle-Roos, du service d’orthopédie/thérapie de la douleur de la clinique spécialisée d’Ichenhausen (Allemagne) [1]. La douleur neuropathique peut être perçue comme une sensation de brûlure ou de picotement ou comme une hypersensibilité au toucher ou au froid. Il peut en résulter une amplification des stimuli douloureux, associée à une sensibilité accrue à la douleur, qui peut facilement évoluer vers une douleur chronique.
Réaction physiologique du corps
Si une impulsion douloureuse est transmise sur les voies ascendantes de la douleur, la réaction n’est pas seulement la sensation de douleur, mais un processus inhibiteur est également déclenché simultanément. La réaction normale du corps est de supprimer la douleur. La transmission des signaux nociceptifs par le neurone de projection est empêchée par l’activité d’un interneurone inhibiteur, et plus précisément par les informations qui arrivent par le dermatome concerné. La sensibilité au toucher est transmise par les fibres Aβ et celles-ci inhibent l’intensité de la douleur via les interneurones (inhibition segmentaire). Il existe également des fonctions correspondantes dans le tronc cérébral qui, via la sérotonine, la noradrénaline et les interneurones, réduisent l’intensité de la douleur transmise (inhibition descendante).
Physiopathologie de la douleur chronique
En revanche, la douleur chronique est dissociée des processus nociceptifs aigus et est devenue une entité pathologique à part entière. Par exemple une activité accrue a lieu dans le nocicepteur. Il s’ensuit une excitabilité accrue du nerf. Les canaux sodiques sont hautement régulés et, en conséquence, les signaux neuropathiques sont beaucoup plus transmis. Le neurone de la corne postérieure libère plus de transmetteurs que d’habitude, ce qui provoque une hyperalgésie. Si, en plus, les synapses des fibres de la douleur voisines et les fibres Aβ se connectent sur le neurone de la corne postérieure, il se produit une augmentation du champ réceptif et la douleur apparaît par le simple fait de toucher la zone cutanée, c’est ce qu’on appelle l’allodynie. Le thalamus est activé à long terme et l’inhibition descendante de la douleur ne fonctionne plus, la sérotonine et la noradrénaline sont rares.
Possibilités d’intervention – Analgésiques et coanalgésiques
La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) entraîne une intervention dans l’équilibre des médiateurs de l’inflammation via une inhibition sélective ou non de la COX-2, ce qui affecte directement la nociception. La prise de paracétamol et de novaminsulfone montre un effet plutôt périphérique mais un effet spinal et supraspinal a également été constaté. En cas de tensions musculaires, il est en outre possible d’intervenir de manière causale en réduisant la tension à l’aide de médicaments appropriés. Classiquement, on utilise par exemple le méthocarbamol, qui réduit directement la tension musculaire, mais on manque encore d’expérience à long terme pour le pridinol. La tizanidine doit être utilisée avec précaution en cas de douleurs dorsales, car ce médicament est généralement utilisé chez les patients souffrant de spasticité en cas de section ou d’accident vasculaire cérébral.
En cas de douleurs neuropathiques, il est en outre possible de s’attaquer à la périphérie. Si une zone spécifique, par exemple le bras ou la jambe, présente une allodynie ou une hyperalgésie, cette zone peut être traitée avec des anesthésiques locaux. Dans ce cas, on utilise un gel/patch de lidocaïne ou un patch de capsaïcine, qui contient la substance active du piment. La sensation de brûlure qui en résulte détend le neurone et libère les transmetteurs, de sorte que le patient souffrant de douleurs est libéré de la douleur pendant huit à douze semaines. Au niveau du neurone de la corne postérieure, il est encore possible d’intervenir avec des gabapentinoïdes, même en cas de douleurs neuropathiques. Ils agissent spécifiquement sur le récepteur NMDA, c’est-à-dire sur la transmission excitatrice. Il existe également l’option de stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS), qui consiste à stimuler les fibres Aβ avec un courant électrique de manière à produire des picotements. Les picotements réduisent la transmission de la douleur par les interneurones. Dans ce cas, on parle aussi de mécanisme de gate control.
Des antidépresseurs spécifiques permettent également d’aborder spécifiquement l’inhibition de la douleur descendante. Ces médicaments sont utilisés parce qu’un mécanisme spécifique inhibe la transmission de l’intensité de la douleur au niveau de la corne postérieure, via la sérotonine et surtout la noradrénaline. Les substances actives classiques sont ici l’amitriptyline de la série des tricycliques et la duloxétine de la série des IRSN. Les opioïdes agissent, tant au niveau spinal et supraspinal qu’au niveau périphérique, en particulier dans les situations inflammatoires. Ils sont classés en deux catégories : les médicaments à faible puissance (par exemple, la tilidine ou le tramadol) et les médicaments à forte puissance (par exemple, la buprénorphine ou le tapentadol). Le tramadol et le tapentadol ont un mécanisme d’action supplémentaire en tant qu’inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et agissent également sur l’inhibition de la douleur descendante.
Signification de la perception subjective de la douleur
Des preuves issues de rapports comportementaux suggèrent que les croyances et les attentes des patients peuvent influencer à la fois les effets thérapeutiques et les effets indésirables d’un médicament donné, et que les mécanismes cérébraux de régulation diffèrent en fonction des attentes [2]. Il est donc nécessaire d’intégrer les croyances et les attentes des patients dans le régime de traitement médicamenteux, en plus des considérations traditionnelles, afin d’optimiser les résultats du traitement, selon elle.
Possibilités d’intervention – Infiltrations
Les infiltrations diagnostiques sont généralement réalisées avec un anesthésique local et uniquement sur des sites de douleur spécifiques afin de déterminer d’où provient la douleur. Les infiltrations thérapeutiques, en revanche, permettent de créer des intervalles d’indolence pendant lesquels d’autres mesures thérapeutiques peuvent agir. “Mais pour ne pas susciter d’attentes excessives chez le patient, il faut toujours préciser qu’une injection seule ne suffit généralement pas”, a averti l’experte. Une infiltration classique est l’infiltration de l’articulation facettaire, une injection intra- ou extra-articulaire sous BV (ramus posterior/dorsalis). Il est également possible de ne pas s’adresser à l’articulation en tant que telle, mais au ramus médial, qui naît du ramus dorsal et assure la vascularisation nociceptive de l’articulation facettaire, contrairement au ramus latéral. Le ramus medialis est également infiltré sous BV, avec une projection oblique (20 degrés) en tenant compte des points de repère : proc. art. supérieur, Proc. transversal et l’œil pédiculaire. Au niveau du rachis cervical, l’infiltration de l’articulation facettaire peut également être réalisée, mais alors dans le faisceau latéral en position couchée ou assise par voie intra-articulaire. Dans le cas de la péridurale, la cible est l’espace péridural. D’une part, la douleur dans le ramus anterior/ventralis peut être adressée des deux côtés, d’autre part, le ramus meningeus peut être adressé et donc également les structures dans le ligament longitudinal postérieur, l’annulus dorsal et en partie les articulations des facettes. La dérivation épidurale peut être réalisée par voie interlaminaire, transforaminale ou par l’intermédiaire du hiatus sacré, à l’aide d’une BV ou d’un scanner. L’indication pour une hernie discale donne de bons résultats, même après une longue période. dans le cas du syndrome de la chirurgie du dos, le résultat est satisfaisant ou mauvais. L’infiltration de la racine nerveuse (PRT) consiste à inonder le nerf dans la zone du neuroforamen, ce qui a un effet unilatéral sur le dermatome spécifique. Cette infiltration est également assistée par BV ou CT et peut être réalisée au niveau des vertèbres lombaires ou cervicales. Les résultats sont similaires à ceux de l’inondation épidurale. L’infiltration intra-articulaire de l’ISG présente un tableau similaire à celui de l’infiltration de l’articulation facettaire : bonne sur le plan diagnostique, avec un effet à court terme, mauvaise sur le plan thérapeutique.
Résultats de l’étude
L’efficacité des infiltrations a été examinée dans une étude qui a évalué la qualité et la pertinence clinique à partir d’un total de 2 400 études [3]. Chaque infiltration a été classée individuellement pour déterminer si un résultat positif a été obtenu. Pour les essais contrôlés randomisés, le résultat devait être cliniquement pertinent et significatif ; pour les études d’observation, il devait y avoir au moins une amélioration thérapeutique de la douleur à >40% ; à un, trois, six ou douze mois ; et pour les infiltrations diagnostiques, la douleur devait être soulagée d’au moins >75%. Les preuves ont été classées en bonnes (au moins deux études contrôlées-randomisées ayant démontré un effet positif), en satisfaisantes (au moins une étude contrôlée-randomisée ou plusieurs études d’observation ayant démontré un effet positif) ou en mauvaises (soit aucune preuve, soit les preuves n’ont pas montré de différence par rapport au groupe témoin). L’infiltration diagnostique de l’articulation facettaire a entraîné un soulagement à court terme de la douleur au niveau des vertèbres lombaires, cervicales et dorsales. Pour les infiltrations thérapeutiques des facettes articulaires, le résultat intra-articulaire était mauvais. Seul le bloc médian a obtenu un résultat satisfaisant à bon. Conclusion : effet attendu à court terme, pas approprié comme seule mesure à long terme, selon le Dr Wölfle-Roos.
En outre, des mesures thérapeutiques multimodales peuvent être utilisées pour renforcer l’auto-efficacité par une thérapie active, comme la physiothérapie, la médecine manuelle, la thérapie par le mouvement, la relaxation, l’acupuncture, la thérapie comportementale.
La douleur a de nombreux facteurs !
Des dossiers sur le rétablissement des patients ayant subi une cholécystectomie dans un hôpital ont montré que l’attribution d’une chambre avec vue sur une fenêtre et un environnement naturel peut avoir un effet reposant. Les patients logés dans des chambres dont les fenêtres donnaient sur un environnement naturel ont eu une hospitalisation postopératoire plus courte, ont reçu moins de commentaires négatifs dans les dossiers des infirmières et ont pris moins d’analgésiques puissants que des patients comparables logés dans des chambres similaires dont les fenêtres donnaient sur un mur de briques [4].
L’objectif d’une autre étude était de déterminer la relation entre l’interaction conjugale et les soins apportés par le conjoint à la perception des stimuli douloureux aigus et à la réactivité psychophysiologique. Des patients souffrant de lombalgie chronique et des témoins ont participé avec leur compagnon à deux tests de pression au froid (l’un en présence du conjoint, l’autre en son absence) et à une interaction verbale neutre et conflictuelle. Les résultats suggèrent que les soins du conjoint sont associés à une perception accrue de la douleur chez les patients souffrant de douleur chronique, alors que la réactivité musculaire semble uniquement liée au statut du patient [5]. “On voit donc que : Le traitement médicamenteux n’est jamais qu’une partie de la thérapie, il y a en outre de nombreux facteurs à prendre en compte”, a conclu l’oratrice.
Congrès : Congrès allemand de rhumatologie 2021
Littérature :
- PD Dr. med. Julia Wölfle-Roos, Update Schmerztherapie bei Rückenschmerzen, conférence Deutscher Rheumatologiekongress 2021, 17.09.2021.
- Bingel, et al : The effect of treatment expectation on drug efficacy : imaging the analgesic benefit of the opioid remifentanil. Sci Transl Med 2011, doi : 10.1126/scitranslmed.3001244.
- Manchikanti, et al. : An update of comprehensive evidence-based guidelines for interventional techniques in chronic spinal pain. Part II : guidance and recommendations. Pain Physician 2013, doi : 10.36076/ppj.2009/12/699.
- Ulrich : La vue à travers une fenêtre peut influencer la récupération après une opération chirurgicale. Science 1984, doi : 10.1126/science.6143402.
- Flor, et al. : A psychophysiological analysis of spouse solicitousness towards pain behaviors, spouse interaction, and pain perception. Behavior Therapy 1995, doi : 10.1016/S0005-7894(05)80105-4.
InFo DOULEUR & GERIATRIE 2021 ; 3(2) : 24-25