Le deuxième jour de la Gastrointestinal Cancer Conference à St. Gallen était consacré au cancer du pancréas. En termes de fréquence, le cancer du pancréas est l’un des cancers les plus mortels. Certes, le pronostic s’est amélioré au cours des dernières décennies, mais malheureusement de manière limitée. L’ablation chirurgicale complète de la tumeur reste la condition la plus importante pour que les patients concernés puissent survivre à la maladie à long terme.
Le cancer du pancréas (PC) ne représente que 3,2% de tous les nouveaux cas de cancer en Suisse, mais il représente 7% de tous les décès par cancer chaque année. Dans les pays industrialisés, le PC est la quatrième ou cinquième cause de décès par cancer, et la tendance est à la hausse. Les facteurs liés au mode de vie et le vieillissement de la population sont probablement responsables de cette augmentation de l’incidence. On estime que le PC sera la deuxième cause de décès par cancer aux États-Unis en 2020.
Le tabagisme est à l’origine de 20% des cancers du pancréas
Le Dr Patrick Maisonneuve, de l’Institut européen d’oncologie, Milan (I), a parlé de l’épidémiologie et des facteurs de risque du PC. Plusieurs facteurs peuvent augmenter le risque de PC (tableau 1). Des facteurs héréditaires et génétiques rares augmentent fortement le risque, mais ils ne sont responsables que d’une très petite partie des PC. Des antécédents familiaux de cancer du pancréas doublent le risque. Le principal facteur de risque dans la population générale est le tabagisme, qui est à l’origine d’environ 20% de toutes les PC. Des facteurs métaboliques tels que l’obésité, une mauvaise tolérance au glucose et un diabète de longue durée augmentent également le risque, tandis qu’une prédisposition atopique et l’utilisation de la metformine réduisent le risque.
Environ deux tiers des facteurs de risque dépendent du mode de vie, ce qui signifie qu’en prenant des mesures préventives cohérentes (ne pas fumer, réduire la consommation d’alcool, avoir une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes et pauvre en viande rouge, faire suffisamment d’exercice), l’incidence de la PC pourrait être réduite de 30%.
Possibilités de détection précoce dans les groupes à haut risque
Le professeur Marco Bruno, University Medical Center Rotterdam (NL), a présenté les options de détection précoce de la PC. Les mesures de dépistage peuvent être importantes pour les personnes qui présentent un risque nettement accru de développer la maladie en raison d’une prédisposition héréditaire. On distingue principalement deux groupes cibles. La plus grande comprend les personnes ayant au moins trois parents au premier degré atteints de PC, mais sans anomalie génétique connue (cancer du pancréas familial, CPF) – leur risque de développer une PC est 17 à 32 fois plus élevé par rapport à la population normale. Le second groupe est constitué de personnes présentant un syndrome génétique bien défini qui augmente le risque de développer différents cancers (tableau 2).
La surveillance des personnes à haut risque de PC a pour but de prévenir les décès (trop) précoces, soit en détectant le cancer à un stade précoce pouvant encore être traité de manière curative, soit en diagnostiquant les lésions précancéreuses avant qu’un cancer invasif ne se développe. Parmi les précurseurs (encore) bénins d’une PC figurent les néoplasies intraépithéliales du pancréas (PanIN), les néoplasies mucineuses intrapancréatiques (IPMN) et les cystadénomes mucineux. Les lésions précancéreuses mettent environ douze ans à se développer en carcinome invasif. Cette fenêtre d’opportunité peut être utilisée pour des mesures de détection précoce, mais les procédures techniques doivent également pouvoir détecter les stades précoces.
Actuellement, le dépistage repose principalement sur l’endosonographie (annuelle) et l’IRM, mais des recherches intensives sont menées sur d’éventuels biomarqueurs pouvant être détectés dans le suc pancréatique, le sang, la salive ou les selles. Un dépistage régulier de la PC est recommandé pour les personnes dont le risque de PC est multiplié par au moins 10. Mais à ce jour, il n’existe aucune preuve que la surveillance des personnes à haut risque de PC améliore la survie.
L’amélioration de la chirurgie améliore le pronostic
Le Dr Jens Werner, de la Clinique de l’Université de Munich (D), a donné des informations sur les facteurs qui peuvent améliorer le pronostic de la PC. Au cours des 40 dernières années, le pronostic s’est certes amélioré, mais malheureusement très peu. L’une des raisons est probablement que de nombreux patients atteints de PC “localisée” présentent déjà des micrométastases au moment du diagnostic. Le taux de survie à 5 ans est actuellement compris entre 15 et 25%. Elle dépend toutefois fortement de facteurs de risque
qui permettent une évaluation précise des prévisions.
Le facteur le plus important pour une éventuelle guérison est la résection curative R0 du carcinome, y compris une lymphadénectomie standard. L’ablation complète du carcinome ne peut parfois être obtenue que par une pancréatectomie totale ; si les vaisseaux ne sont pas encore infiltrés, la survie à 5 ans est de 25%. La qualité de vie des patients concernés est bonne et le diabète est généralement bien contrôlé.
Cependant, malgré l’importance de la chirurgie, selon une étude de 2007, l’intervention n’est pas proposée à tous les patients pour lesquels une opération serait possible et utile [2]. Les chimiothérapies et les thérapies ciblées contribuent également à améliorer le pronostic.
En résumé, les mesures suivantes sont nécessaires pour améliorer le pronostic du plus grand nombre possible de patients :
- Opération la plus rapide possible après le diagnostic
- Résection radicale de la tumeur (R0)
- Résection étendue, si nécessaire
- Résection de lésions précancéreuses ; pas de “watch and wait”.
- Thérapie multimodale, y compris Chimiothérapie et thérapies ciblées
Quelle est l’efficacité de la radiochimiothérapie néoadjuvante ?
Lors du diagnostic d’un PC, les patients peuvent être classés en différents groupes :
- 15-20% ont une maladie localisée et sont directement opérables ;
- 30 à 40% ont une maladie localement avancée (en partie opérable, en partie inopérable) ;
- 40% ont une maladie métastatique traitée par chimiothérapie.
Pour les patients dont la maladie est localisée, la question se pose de savoir si une chimiothérapie néoadjuvante, voire une radiochimiothérapie, peut améliorer les chances de guérison. Le professeur Karin Haustermans, UZ Leuven (Belgique), a parlé de l’option de la radiochimiothérapie lors du congrès.
Les organes qui entourent le pancréas (intestin grêle, reins, moelle épinière, foie) sont très sensibles aux radiations, c’est pourquoi la radiothérapie est un défi particulier. Pour la radiothérapie adjuvante, il existe quelques études dont les résultats sont négatifs, mais pour la radiothérapie néoadjuvante, deux études ont montré une amélioration de la survie médiane [3,4].
Le traitement néoadjuvant présente certains avantages :
- Pour les patients dont la maladie évolue rapidement, le re-staging après radiochimiothérapie permet d’éviter une opération inutile.
- Les micrométastases sont traitées rapidement.
- Les chances d’une résection R0 ultérieure peuvent être augmentées.
- La vascularisation de la tumeur est encore intacte, ce qui signifie que la chimiothérapie peut mieux pénétrer et que la radiothérapie est plus efficace (oxygénation des cellules tumorales).
- Le volume cible pour l’irradiation est plus petit.
- La durée totale du traitement est plus courte.
- Après l’opération, l’histologie des tissus traités peut être évaluée ; la réaction histologique est un marqueur pronostique.
- Aucun retard de traitement dû à des plaies qui guérissent mal.
Le professeur Haustermans a souligné qu’il était important de continuer à améliorer les techniques de radiothérapie. L’une d’entre elles est la radiothérapie stéréotaxique (SBRT), qui oblige les patients à retenir leur respiration pendant un court laps de temps afin d’éviter tout mouvement des organes et donc toute “co-irradiation” des tissus sains. L’avantage de la SBRT est qu’elle détruit également les endothéliums, les membranes cellulaires et les vaisseaux, ce qui se traduit par un meilleur effet antitumoral. Mais en principe, la règle suivante s’applique également à la chimioradiothérapie néoadjuvante : “The therapy must not be worse than the disease”.
Source : 3rd St. Gallen-International Gastrointestinal Cancer Conference, 10-12 mars 2016, Saint-Gall
Littérature :
- Maisonneuve P, Lowenfels AB : Risk factors for pancreatic cancer : a summary review of meta-analytical studies. Int J Epidemiol 2015 ; 44(1) : 186-198.
- Riall TS, Lillemoe KD : Sous-utilisation de la résection chirurgicale chez les patients atteints de cancer du pancréas localisé. Ann Surg 2007 ; 246(2) : 181-182.
- Breslin TM, et al : Chimioradiothérapie néoadjuvante pour l’adénocarcinome du pancréas : variables du traitement et durée de la survie. Ann Surg Oncol 2001 ; 8(2) : 123-132.
- White R, et al : Significance of histological response to preoparative chemoradiotherapy for pancreatic cancer. Ann Surg Oncol 2005 ; 12 : 214-221.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(3) : 25-27