La pression artérielle est soumise à de grandes variations et dépend de l’activité physique et du psychisme. A quoi les personnes en bonne santé et les personnes souffrant d’hypertension artérielle doivent-elles faire attention lorsqu’elles font du sport ? Quels sont les effets positifs attendus sur la pression artérielle ? Il est certain que les sportifs constituent une population particulière en raison de leurs habitudes alimentaires spécifiques et de leur traitement médicamenteux dans l’anamnèse de l’hypertension. Sur le plan thérapeutique, il faut également tenir compte du fait que certains agents antihypertenseurs sont interdits dans le sport de compétition.
Un certain film didactique m’a accompagné tout au long de ma carrière de médecin : En bas de l’écran, une aiguille oscille et indique la pression artérielle mesurée par voie intra-artérielle d’un homme engagé dans ses activités quotidiennes. Profond et calme pendant le sommeil, avec des pics élevés en réponse au réveil, augmentant lentement en conduisant dans un trafic dense sur le chemin du travail, avec de nouveau des pics lors d’une conversation téléphonique apparemment agitée – et le plus spectaculaire, avec quelques excursions au-dessus de 300 mmHg, en cas d’immersion dans l’eau froide après une séance de sauna. Ce film a montré de la manière la plus convaincante comment le paramètre “tension artérielle”, contrairement à ce que l’on croit encore, est tout sauf fixe et stable (sans que l’on ressente forcément ces grandes variations). La dépendance à l’activité physique et à l’état psychologique, comme la peur, la colère et l’excitation, est remarquable.
Le sport chez les personnes en bonne santé
Réaction aiguë : chez les personnes en bonne santé, on peut dire de manière simplifiée (mais correcte) qu’à l’occasion d’activités aérobies dynamiques impliquant un effort faible à modéré (p. ex. jogging, vélo), la pression artérielle systolique augmente de manière linéaire, tandis que la pression artérielle diastolique reste pour ainsi dire inchangée. En raison de l’effort plus important fourni en vélo, la montée est un peu plus raide qu’en course à pied.
La situation est différente pour les formes d’effort statiques telles que la musculation : l’augmentation de la résistance vasculaire périphérique accroît le travail de pression du cœur ; en conséquence, la pression artérielle systolique et diastolique augmente nettement plus et la valeur diastolique à la fin de l’effort peut être supérieure à la valeur systolique au repos. En cas d’effort maximal, comme cela peut être le cas lors de l’haltérophilie, on mesure des valeurs pouvant dépasser 400 mmHg en raison de la respiration forcée. On peut toutefois affirmer que cela ne met pas en danger un système vasculaire sain.
Il est intéressant de noter qu’immédiatement après les efforts physiques aigus, les valeurs de la pression artérielle chutent en dessous des valeurs initiales. Cette situation peut durer quelques heures et doit absolument être prise en compte lors des contrôles de la pression artérielle afin de ne pas sous-estimer la valeur moyenne journalière.
Réaction chronique : nous avons parlé de la situation aiguë, la réaction chronique de l’organisme à l’activité physique est beaucoup plus intéressante. Là encore, on peut affirmer de manière générale qu’un entraînement régulier réduit à la fois la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique. Cette affirmation est basée sur des méta-analyses et donc sur un grand nombre d’études. La baisse chez les normotendus est en moyenne de 3 mmHg pour la systolique et de 2 mmHg pour la diastolique. Cet effet antihypertenseur se produit dans la plupart des études après seulement trois semaines à trois mois, mais il n’augmente pas si l’activité est poursuivie. En revanche, elle diminue en deux à trois semaines après l’interruption de l’entraînement et les valeurs antérieures sont retrouvées.
Selon plusieurs études, ces effets sur la tension artérielle semblent indépendants de l’âge et du sexe, autrement dit, tout le monde peut bénéficier de cette prévention primaire. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une activité physique précoce, si possible dès l’enfance, réduit considérablement le risque d’hypertension plus tard dans la vie. A l’inverse, il a été démontré de manière convaincante que l’obésité (IMC élevé) et une mauvaise condition physique – toutes deux associées à une faible pratique sportive – favorisent l’hypertension artérielle pathologique (le cumul des deux facteurs entraîne une augmentation d’un facteur de 3,53).
Cette baisse de la pression artérielle via le sport s’explique par une réduction du tonus sympathique avec réajustement des barorécepteurs (mesurable par la baisse de la concentration plasmatique de noradrénaline), par une vasodilatation globale et par une augmentation de l’excrétion de sodium (diminution de la réabsorption de Na, probablement explicable par l’hypoinsulinisme lié à l’entraînement). Ce dernier facteur est très intéressant, car l’hypertension est souvent associée à d’autres pathologies du syndrome métabolique. Il faut également mentionner la libération de substances vasodilatatrices circulantes ou la diminution de la rénine.
Cet effet extrêmement positif peut être obtenu avec une charge d’entraînement de 30 à 60 minutes, trois à cinq fois par semaine, à 50-60% de la capacité de performance maximale.
Hypertension artérielle – “the silent killer” (le tueur silencieux)
Le grand problème est que le paramètre biologique fluctuant et instable qu’est la pression artérielle a tendance à échapper à tout contrôle et à monter en flèche de façon permanente. On parle alors d’hypertension artérielle. On estime qu’en Suisse, environ 30% des adultes souffrent d’hypertension, et que plus de 60% des personnes âgées de plus de 60 ans sont concernées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2025, plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde souffriront de cette maladie. Un adulte sur quatre, donc ! C’est grave, car l’hypertension artérielle est le plus grand facteur de risque de survenue d’événements cardiovasculaires tels que l’accident vasculaire cérébral, l’insuffisance cardiaque ou la maladie coronarienne, mais aussi de la progression de l’insuffisance rénale chronique et du déclin progressif des fonctions cognitives chez les personnes âgées. Cette situation hautement négative est paradoxale, car les connaissances scientifiques sur cette maladie et son traitement n’ont cessé de s’améliorer et de se clarifier par le passé. Mais apparemment, elles ne suffisent pas encore à neutraliser le “tueur silencieux”. On estime que l’hypertension reste incontrôlée chez jusqu’à 50% des personnes concernées. Et ce, même si une réduction de la pression systolique de 2 mmHg peut déjà réduire jusqu’à 10% le risque d’événements cardiovasculaires. Plusieurs facteurs sont probablement à l’origine de ce phénomène regrettable, une faible adhésion des patients au traitement d’une part, mais peut-être aussi une certaine inertie médicale.
Le sport en cas d’hypertension
La forte incidence de l’hypertension artérielle décrite ci-dessus rend inévitable le fait que pas mal de sportifs souffrent de cette maladie. Comme l’hypertension est en principe – du moins au début – peu symptomatique, elle est probablement découverte plutôt par hasard, par exemple à l’occasion d’un examen médical sportif. Le processus de diagnostic est identique à celui du non-sportif. Pour les jeunes sportifs, il faut veiller à ce que les valeurs normales ne soient pas celles des adultes. L’expérience montre cependant que chez l’hypertendu qui fait ou veut faire du sport, un guidage particulier est à la fois nécessaire et bénéfique.
En principe, le comportement de la pression artérielle au cours de différentes formes d’activité physique est similaire chez l’hypertendu et le normotendu. Toutefois, à intensité d’exercice comparable, les valeurs de pression artérielle sont plus élevées, car les valeurs initiales sont plus élevées avant l’exercice. Il est intéressant de noter qu’à long terme, la baisse de pression est légèrement plus marquée que chez le normotendu, avec une moyenne de 7 mmHg pour la systolique et de 6 mmHg pour la diastolique. Une valeur à ne pas sous-estimer !
Les particularités de l’hypertendu sportif se situent au niveau de l’anamnèse. Alors que le diagnostic en soi est le même que pour les non-sportifs, le médecin doit en plus rechercher dans l’anamnèse des sportifs la présence de produits qui font monter la pression comme les anabolisants (même les produits dits “naturels” comme le guarana ou Ma Huang). Les habitudes alimentaires doivent être interrogées, car la consommation de graisses ou de sel peut être trop élevée (les boissons pour sportifs sont riches en sel). Peut-être que l’athlète prend régulièrement des AINS ou des pilules amaigrissantes, des suppléments nutritionnels et plus encore. Des facteurs tels que la fatigue et le stress psychologique sont fréquents en raison des exigences élevées du sport de compétition. Toutes ces substances et tous ces éléments peuvent avoir un effet sensible sur la pression artérielle. Il va de soi que l’on évaluera en outre le mode de vie et que l’on s’interrogera en particulier sur les facteurs perturbateurs défavorables tels que le tabagisme et la consommation d’alcool.
Traitement de l’hypertension
Qu’il s’agisse d’un sportif ou d’un non-sportif, une hypertension avérée doit être traitée, car il est désormais prouvé que le traitement permet de réduire la mortalité globale et cardiovasculaire et de diminuer les complications mentionnées. Depuis 2013 environ, la plupart des recommandations internationales proposent généralement comme objectif du traitement antihypertenseur une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg ou inférieure à 150/90 mmHg chez les patients âgés souffrant d’hypertension systolique isolée. Depuis lors, il existe d’autres classifications dans lesquelles des degrés ont été déterminés. Cela n’enlève rien à la nécessité d’agir (ou de ne pas agir). En cas d’hypertension légère à modérée, il est possible de commencer tranquillement une thérapie non pharmacologique pendant quelques mois : Contrôle du poids, modification des habitudes alimentaires et de la consommation de boissons, arrêt du tabac, suppression des médicaments inutiles ou techniques de relaxation et de gestion du stress. Un entraînement d’endurance régulier est recommandé.
Certains produits thérapeutiques sont interdits dans le sport professionnel
Si ces mesures générales ne permettent pas de maîtriser le problème, un traitement pharmacologique supplémentaire devient inévitable – ce qui signifie, pour les sportifs de compétition, “attention au dopage” ! Les diurétiques sont généralement interdits dans les sports de compétition, et les bêtabloquants dans certains sports comme le tir, etc. L’expérience montre que même avec une demande d’ATZ (autorisation exceptionnelle à des fins thérapeutiques), il est extrêmement rare qu’une autorisation soit accordée. Il est donc recommandé de ne pas commencer une thérapie avec de tels produits. Comme le critère de “performance physique” est central pour le traitement médicamenteux des sportifs, il convient de choisir des produits qui se comportent de manière neutre sur le plan métabolique et qui n’influencent pas la fourniture d’énergie. Les médicaments antihypertenseurs de première intention sont connus pour être les antagonistes du calcium, les inhibiteurs de l’ECA, les bloqueurs AT1, les bêtabloquants et les diurétiques.
Les trois premières substances citées ne posent pas de problème en termes de performance. Les bêtabloquants limitent considérablement les performances lors d’efforts lactacido-anaérobies et aérobies et génèrent une fatigue musculaire prématurée. En fait, les diurétiques seraient très utiles, mais comme nous l’avons déjà dit, ils sont généralement interdits en raison de leur effet “masquant” (rendant plus difficile la détection de substances dopantes). En résumé, le traitement médicamenteux de l’hypertension artérielle chez les sportifs est une question relativement complexe.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(3) : 3-6