Les approches mini-invasives et robotisées, l’interdisciplinarité et la centralisation ont transformé le traitement chirurgical des patients atteints de tumeurs au cours des dernières années. Il est également possible d’optimiser le séjour à l’hôpital. Rétrospective des développements des dernières années.
L’ablation chirurgicale de la tumeur a toujours été un élément essentiel du traitement du cancer. Pour de nombreuses tumeurs malignes, le contrôle local ainsi obtenu est le seul point de départ d’une guérison durable. Dans ce contexte, les années précédentes ont souvent tenté d’améliorer les résultats en augmentant la radicalité de l’opération. Cela impliquait souvent des opérations mutilantes sans tenir compte des possibilités de préservation de la fonction. Les patients ont également connu une augmentation de la morbidité, voire de la mortalité.
Néanmoins, dans de nombreux cas, les résultats oncologiques étaient insuffisants. Ce n’est qu’avec la compréhension croissante des mécanismes de la métastase et la prise de conscience que de nombreux cancers peuvent être considérés comme des maladies systémiques au moment du diagnostic que des approches thérapeutiques multimodales ont pu être établies. Dans de nombreux cas, cela a permis de réduire la radicalité chirurgicale sans compromettre les résultats. Cela est évident dans le traitement des sarcomes des tissus mous. La combinaison de la chirurgie et de la radiothérapie a permis de remplacer en grande partie l’amputation comme traitement chirurgical (figure 1).
La compréhension croissante de la maladie et l’innovation sont essentielles au changement
Aucun exemple ne montre l’évolution de la stratégie de traitement chirurgical et interdisciplinaire de manière aussi évidente que le cancer du sein. L’évolution des techniques chirurgicales va de la mastectomie radicale selon Rotter-Halsted à la tumorectomie ciblée assistée par radiologie avec conservation maximale du tissu mammaire et reconstruction plastique simultanée. Le concept de “sentinel node”, introduit dans les années 90, d’abord dans le mélanome puis dans le cancer du sein, permet aujourd’hui d’améliorer le staging ganglionnaire axillaire tout en réduisant la morbidité.
Ce changement du rôle de la chirurgie dans le concept de traitement ne repose évidemment pas uniquement sur une amélioration de la technique chirurgicale. La condition de base est, d’une part, la compréhension de plus en plus fine de la biologie des tumeurs aux différents stades de la maladie, associée à des possibilités de diagnostic nettement améliorées. En outre, les développements de la thérapie systémique sous la forme de la chimiothérapie, de l’hormonothérapie et plus récemment de l’immunothérapie ont permis d’énormes progrès, tout comme les développements technologiques de la radiothérapie.
L’oncologie chirurgicale est toujours marquée par les progrès de la chirurgie en général. Parmi les nombreux développements de la technique chirurgicale et l’amélioration des concepts de traitement interdisciplinaires, nous allons mettre en évidence certains aspects qui ont également modifié le traitement chirurgical des patients atteints de tumeurs.
Chirurgie mini-invasive
L’une des principales évolutions technologiques de ces dernières décennies dans le domaine de la chirurgie a été l’introduction de la chirurgie mini-invasive. L’objectif est avant tout de réduire le traumatisme opératoire et donc d’accélérer la récupération du patient tout en réduisant la morbidité. Mais cette technique suscitait des inquiétudes quant au fait qu’elle compromettait la qualité oncologique de l’opération. On craignait surtout une diminution du nombre de ganglions lymphatiques enlevés et un taux plus élevé de résections incomplètes (R1/R2). C’est dans le cas du cancer colorectal que cette question a été le plus étudiée. Un grand nombre d’études prospectives internationales de haut niveau (par ex. CLASSIC, COLOR) ont entre-temps clairement démontré que les opérations mini-invasives sont au moins équivalentes aux interventions ouvertes en termes de résultats de traitement oncologique. Des données analogues sont désormais disponibles pour d’autres entités tumorales comme le cancer de l’estomac ou de l’œsophage. On peut aujourd’hui considérer qu’avec une expertise chirurgicale appropriée, le choix de la technique opératoire n’a pas d’influence négative sur la qualité du traitement. Et c’est précisément dans le cas du cancer de l’œsophage que la réduction de la morbidité par rapport à la chirurgie ouverte revêt une importance énorme. Dans la plupart des centres, la résection œsophagienne thoracoscopique mini-invasive fait donc désormais partie de la norme.
Chirurgie assistée par robot
Le développement de la chirurgie assistée par robot va dans le même sens. Depuis des années, elle est bien établie dans la chirurgie du cancer de la prostate. Malgré les inquiétudes liées à l’augmentation des coûts, cette technique s’impose de plus en plus dans d’autres opérations oncologiques. Il ne s’agit en aucun cas d’un simple progrès supposé grâce à la technologie du possible. Une liberté de mouvement accrue grâce à des manipulateurs améliorés et des images optiques supérieures dans les régions anatomiques étroites (résection du rectum, résection de l’œsophage) sont des avantages que de nombreux chirurgiens adoptent pour cette technique. Et les développements attendus avec l’intégration de possibilités de navigation (par ex. guidée par fluorescence) et la superposition virtuelle de l’anatomie en temps réel avec les données de l’imagerie en coupe seront d’autres avantages de cette technologie.
Étendre les limites chirurgicales
L’amélioration des techniques chirurgicales et l’interaction avec une anesthésie et une médecine intensive modernes permettent de repousser constamment les limites de la chirurgie. Les développements de la chirurgie hépatique moderne, sous l’influence de l’expérience acquise en chirurgie de transplantation, permettent dans certains cas de proposer une résection curative même aux patients présentant des métastases hépatiques étendues. Dans ce contexte, les résections hépatiques élargies, les résections en plusieurs temps après embolisation de la veine porte et les combinaisons de résections et de procédures ablatives (ablation par radiofréquence ou cryothérapie) sont aujourd’hui régulièrement utilisées. C’est précisément chez ces patients que l’on procède souvent à une coordination interdisciplinaire étroite avec l’oncologie, afin d’obtenir tout d’abord une rémission de la tumeur grâce à un traitement systémique, ce qui rend ensuite la résection encore possible (fig. 2).
La chirurgie extensive dans les situations métastatiques était autrefois considérée comme obsolète. En se basant sur les résultats du débullage radical de la tumeur du péritoine dans le pseudomyxome, il a été démontré qu’il s’agissait également d’une option thérapeutique efficace pour les carcinomes avec carcinose péritonéale. Il faut toutefois que la chirurgie cytoréductrice permette d’obtenir une absence macroscopique de tumeur ou qu’il ne reste que de très petits nodules tumoraux. L’association à une chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique (HIPEC) (Fig. 3) permet de contrôler la charge tumorale résiduelle, parfois à plus long terme. Après résection complète de la tumeur en cas de carcinose péritonéale du cancer colorectal, des taux de survie à 5 ans allant jusqu’à 40% ont été décrits, ce qui correspond aux résultats obtenus après résection de métastases hépatiques.
Centralisation
Des enquêtes à grande échelle sur les données hospitalières ont pu mettre en évidence un lien clair entre le nombre de cas et la qualité des résultats, mesurée par la mortalité postopératoire. Cela concerne aussi bien le nombre absolu de patients traités et opérés dans un hôpital avec un diagnostic particulier que le nombre de cas de chirurgiens individuels. Il existe en outre des liens clairs avec les conditions infrastructurelles et les processus de traitement (performance de l’équipe). Les conditions sont donc en principe réunies pour améliorer les résultats chirurgicaux par des mesures de centralisation avec une réduction de la morbidité et de la mortalité périopératoires. C’est sur la base de cette argumentation que la Suisse réglemente, sous le nom de MHS (médecine hautement spécialisée), les opérations importantes en oncologie. Cela concerne les résections du foie et du pancréas, les résections de l’œsophage et également les opérations du rectum profond. Au-delà d’une simple centralisation basée sur le nombre, il est toutefois très important pour les hôpitaux concernés de coordonner les traitements oncologiques au sein d’un solide réseau interdisciplinaire. C’est la seule façon d’obtenir les résultats escomptés de ces mesures.
Optimisation de l’hospitalisation
Dans les années 1990, des concepts visant à accélérer la récupération des patients après une opération ont été développés sous le terme de “fast track surgery”. L’objectif était de raccourcir le séjour postopératoire et de réduire le taux de complications. Cela s’accompagne naturellement d’une réduction des coûts. Le contenu essentiel de ces programmes, connus aujourd’hui sous le nom d’ERAS (“enhanced recovery after surgery”), est une approche multidisciplinaire avec un parcours patient standardisé. En particulier dans le domaine de la chirurgie du côlon, des améliorations peuvent être obtenues en respectant un certain nombre de critères basés sur des preuves. Les facteurs les plus importants sont une chirurgie mini-invasive dans la mesure du possible, l’évitement des sondes gastriques et des drains, l’évitement de l’analgésie morphinique, la restriction des fluides peropératoires, la mobilisation rapide des patients en postopératoire et l’alimentation sans restriction, même après une résection intestinale. L’information préopératoire et l’implication des patients dans ce programme sont au moins aussi importantes. Pour ce faire, ils sont accompagnés en pré- et postopératoire par des infirmiers spécialement formés. Grâce à ce protocole de traitement structuré, la durée d’immobilisation postopératoire après résection du côlon a par exemple été réduite de cinq jours dans notre clinique. Outre la chirurgie colorectale, il existe désormais des programmes ERAS bien établis pour toute une série d’interventions plus importantes et plus complexes, notamment les résections de l’œsophage et du pancréas.
Interdisciplinarité
Une condition décisive pour une oncologie chirurgicale moderne est, outre l’utilisation de techniques chirurgicales avancées, une compréhension élevée des résultats en oncologie qui ne peuvent être obtenus que de manière interdisciplinaire. Les concepts de traitement néoadjuvant, tels qu’ils sont utilisés aujourd’hui pour un grand nombre de tumeurs malignes comme le cancer de l’œsophage et de l’estomac, le cancer du rectum, la chirurgie des sarcomes et d’autres tumeurs, posent des exigences particulières à la chirurgie. Seule une étroite coordination interdisciplinaire et une technique chirurgicale minutieuse permettent d’obtenir de bons résultats avec un faible taux de complications, même chez ces patients.
La chirurgie nécessite également souvent une approche multidisciplinaire, ce qui doit être une évidence pour les oncologues chirurgicaux d’aujourd’hui. Il ne peut plus s’agir d’une vision “un seul fait tout”. Au contraire, les compétences doivent être regroupées pour les patients. Les interventions complexes telles que le débullage multiviscéral des tumeurs dans le cas du cancer de l’ovaire, les résections de sarcomes rétropéritonéaux et intra-abdominaux, les opérations oncoplastiques dans le cas du cancer du sein, la résection et la reconstruction plastique des sarcomes des os et des tissus mous nécessitent donc des infrastructures adaptées.
Messages Take-Home
- L’oncologie chirurgicale est toujours marquée par les progrès de la chirurgie en général.
- Les approches mini-invasives et robotisées, mais aussi l’interaction avec une anesthésie et une médecine intensive modernes, l’interdisciplinarité et les mesures de centralisation (avec une réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité périopératoires) ont changé le traitement chirurgical des patients atteints de tumeurs.
- Le séjour hospitalier pré- et postopératoire peut également être optimisé sous le terme ERAS (“enhanced recovery after surgery”) avec une durée de séjour plus courte et un taux de complications réduit.
Littérature complémentaire :
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