De nos jours, le psoriasis n’est plus considéré comme une maladie de peau exclusive, mais plutôt comme une maladie systémique. Les médicaments biologiques interviennent de manière ciblée dans l’évolution de la maladie et ont révolutionné les possibilités de traitement. Il y a plusieurs choses à prendre en compte lors du choix de la substance active la mieux adaptée à votre cas.
En Suisse, le psoriasis touche environ 2% de la population [1]. Cette maladie cutanée chronique systémique se manifeste dans 90% des cas sous la forme d’un psoriasis en plaques et entraîne une diminution importante de la qualité de vie [1,2]. Les personnes concernées ont un risque accru de développer des comorbidités, telles que des maladies cardiovasculaires, une dépression, un syndrome métabolique, des maladies articulaires et des maladies inflammatoires de l’intestin (encadré) [2]. Thomas M. Kündig, directeur de la clinique dermatologique de l’hôpital universitaire de Zurich [3].
Maladie systémique complexe
Plusieurs recherches menées ces dernières années montrent qu’il existe des corrélations avec les maladies cardiovasculaires, entre autres. Le professeur Kündig se réfère à une étude britannique basée sur la population, publiée il y a une quinzaine d’années, dans laquelle Gelfand et al. Les données de patients atteints de psoriasis (n=130 976) ont été comparées à celles de témoins sains (n=556 995) [4]. La tranche d’âge était de 20 à 90 ans, et dans le groupe des patients atteints de psoriasis, 127 139 présentaient une forme légère et 3837 une forme sévère. Le psoriasis s’est avéré être un facteur de risque indépendant d’infarctus du myocarde, le risque le plus élevé concernant les jeunes patients atteints de psoriasis sévère. Le risque relatif (RR) d’infarctus du myocarde était de 1,29 (IC à 95% ; 1,14-1,46) pour un patient de 30 ans souffrant de psoriasis léger et de 3,10 (IC à 95% ; 1,98-4,86) en cas de psoriasis sévère, la gravité joue donc un rôle important. Au fil du temps, les chercheurs sont parvenus à une compréhension de plus en plus fine des bases moléculaires de ces relations. Selon le professeur Kündig, on pense aujourd’hui que le psoriasis peut être caractérisé à la fois par des éléments d’une maladie immunitaire et par des éléments d’une maladie auto-inflammatoire. Le paysage thérapeutique a changé, en particulier pour le psoriasis en plaques modéré à sévère, et les exigences en matière de résultats ont augmenté. Grâce aux médicaments biologiques, la disparition d’une grande partie des symptômes et la restauration de la qualité de vie sont aujourd’hui des objectifs thérapeutiques réalistes (Aperçu 1, tableau 1).
Stratégie thérapeutique individuelle
Grâce aux thérapies biologiques disponibles aujourd’hui, les patients atteints de psoriasis en plaques modéré à sévère peuvent obtenir une disparition rapide et durable des symptômes ainsi qu’une amélioration durable de leur qualité de vie. Compte tenu de la diversité des substances autorisées (tableau 1), il est de plus en plus important de décider, sur la base de critères, quel traitement est le mieux adapté à chaque patient. Outre les produits biologiques originaux, il existe des biosimilaires pour certaines substances autorisées depuis au moins vingt ans (période de protection du brevet). Lors de l’autorisation d’un biosimilaire, les fabricants doivent démontrer que le produit est suffisamment similaire à la préparation de référence en termes de structure, de qualité pharmaceutique, d’activité biologique, d’efficacité, de sécurité et d’immunogénicité pour exclure avec suffisamment de certitude toute différence clinique pertinente [5].
Il s’agit de plus en plus de proposer un traitement personnalisé en fonction des caractéristiques du patient. Pour cela, il est nécessaire de comprendre chez quels patients les médicaments disponibles doivent être utilisés et comment. L’analyse de grands registres de patients comme PsoBest, PsoNet ou le Swiss Dermatology Network for Targeted Therapies (SDNTT) offre une bonne base pour un traitement individualisé (encadré). Le registre suisse du psoriasis (SDNTT) a permis d’établir une association entre les comorbidités, la sévérité du psoriasis et les traitements systémiques [6]. Une étude belge publiée dans le JEADV 2020 a formulé des recommandations pratiques pour le traitement par biothérapie du psoriasis en plaques dans le cadre d’une procédure de consensus d’experts [7]. En voici un extrait :
Implications des comorbidités métaboliques : Une surveillance et un suivi attentifs sont recommandés chez les patients atteints de psoriasis présentant un syndrome métabolique, y compris le contrôle du poids, de la pression artérielle, des triglycérides, du cholestérol HDL et des taux de glucose. Des études montrent que chez les patients obèses, un dosage adapté au poids est nécessaire pour les agents biologiques ustékinumab, infliximab, adalimumab et étanercept. En ce qui concerne les substances plus récentes telles que le risankizumab, le guselkumab, l’ixekizumab et le brodalumab, les données ne sont pas encore aussi nombreuses, mais il semblerait que le poids des patients ait moins d’influence sur l’efficacité du traitement avec ces produits biologiques [8–10,22]. Par ailleurs, le facteur alimentation/contrôle du poids devrait être abordé chez les patients obèses atteints de psoriasis [11].
Biologicals experienced vs biologicals naivs : Il y a des preuves que chez les patients qui ont suivi au moins une thérapie biologique, le changement de classe de substances résulte en une meilleure “drug survival” que le changement dans la même classe [12]. Ce constat est toutefois à relativiser lorsque les facteurs d’efficacité, d’effets secondaires et de comorbidités sont pris en compte. A cet égard, il est prouvé qu’un changement au sein de la même classe de médicaments biologiques peut également être une bonne option [13]. Selon les données actuelles, le fait d’avoir des antécédents d’échec d’un traitement par un autre médicament biologique joue un rôle moins important pour les nouveaux représentants de la classe des médicaments biologiques [14].
Facteur santé mentale : les patients atteints de psoriasis sont plus susceptibles de souffrir de dépression, de troubles anxieux, de tendances suicidaires, de troubles du sommeil et d’une qualité de vie réduite, et l’on sait que ces symptômes peuvent être réduits par un traitement efficace [23]. Le panel d’experts conseille donc de mettre en place le plus rapidement possible un traitement efficace adéquat. Dans une grande étude, la thérapie biologique a été associée à une réduction de l’utilisation d’antidépresseurs [16,17].
Congrès : USZ Update Therapies
Littérature :
- Navarini AA, et al. : Estimation du coût de la douleur chez les patients atteints de psoriasis en Suisse. Swiss Med Wkly, 2010. 140(5-6) : 85-91.
- Boehncke WH, et al : Psoriasis. Lancet, 2015. 386(9997) : 983-994.
- Kündig TM : Mise à jour des thérapies : Cancer de la peau et maladies inflammatoires de la peau. Prof. Thomas M. Kündig, 10.12.2020
- Gelfand JM, et al : Risk of Myocardial Infarction in Patients With Psoriasis. JAMA. 2006 ; 296(14) : 1735-1741.
- Swissmedic : Guide d’autorisation du biosimilaire HMV4. www.swissmedic.ch (dernière consultation 09.03.21)
- Cazzaniga S, et al : Lien entre les caractéristiques des patients et les traitements systémiques prescrits pour le psoriasis : une analyse de la carte de connectivité sémantique du registre du Réseau suisse de dermatologie pour les thérapies ciblées. JEADV 2019 ; 33(12) : 2313-2318.
- Lambert JLW, et al. : Practical recommendations for systemic treatment in psoriasis according to age, pregnancy, metabolic syndrome, mental health, psoriasis subtype and treatment history (BETA-PSO : Belgian Evidence-based Treatment Advice in Psoriasis ; part 1). JEADV 2020 ; 34(8) : 1654-1665.
- Timmermann S, Hall A : Population pharmacokinetics of brodalumab in patients with moderate to severe plaque psoriasis. Basic Clin Pharmacol Toxicol 2019 ; 125 : 16- 25.
- Gordon KB, et al : Efficacité du guselkumab dans des sous-populations de patients atteints de psoriasis en plaques modéré à sévère : une analyse groupée des études de phase III VOYAGE 1 et VOYAGE 2. Br J Dermatol 2018 ; 178 : 132-139.
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- Cozzani E, et al : Serial biologic therapies in psoriasis patients : A 12-year, single-center, retrospective observational study. J Am Acad Dermatol 2019 ; 82 : 37-44.
- Kimmel G, et al : Le brodalumab dans le traitement du psoriasis modéré à sévère chez les patients dont les traitements anti-interleukine 17A précédents ont échoué. J Am Acad Dermatol 2019 ; 81 : 857-859.
- Wang TS, Tsai TF : Biologics switch in psoriasis. Immunothérapie 2019 ; 11 : 531-541.
- Swissmedic : www.swissmedicinfo.ch (dernière consultation 09.03.21)
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- Strober B, et al : Symptômes dépressifs, dépression, et l’effet de la thérapie biologique chez les patients dans le Psoriasis Longitudinal Assessment and Registry (PSOLAR). J Am Acad Dermatol 2018 ; 78 : 70-80.
- PsoBest, www.psobest.de, (dernière consultation 09.03.21)
- PsoNet, www.psonet.de, (dernière consultation 09.03.21)
- SDNTT, https://my.derma.ch/spec/SDNTT.html, (dernière consultation 09.03.21)
- Richter L : Le psoriasis – une maladie populaire. Études littéraires DFP 2020, https://oeadf.at/images/e-learning/01_DFP_Psoriasis_20200915_OEADF.pdf
- Reich K, et al : The effect of bodyweight on the efficacy and safety of ixekizumab : results from an integrated database of three randomised, controlled Phase 3 studies of patients with moderate-to-severe plaque psoriasis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2017 ; 31 : 1196-1207.
- Gordon KB, et al. : Anxiété et dépression chez les patients atteints de psoriasis modéré à sévère et comparaison du changement par rapport à la ligne de base après un traitement par guselkumab vs. adalimumab : résultats de la phase 3 de l’étude VOYAGE 2. JEADV 2018 ; 32 : 1940-1949.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2021 ; 31(2) : 44-45 (publié le 14.4.21, ahead of print)