Avec une préparation minutieuse, les patients atteints de maladies chroniques bien équilibrés et instruits peuvent également passer des vacances dans des pays exotiques. En tenant compte des interactions et des contre-indications liées à la maladie et au traitement individuel, les mesures de médecine de voyage telles que les vaccinations et la prophylaxie du paludisme peuvent, dans la plupart des cas, être appliquées sans nuances. Il est utile de disposer de bons dossiers médicaux, de certificats et de cartes d’identité en deux langues en cas de traitement sur place. Une pharmacie de voyage équipée de manière appropriée et comportant des instructions thérapeutiques devrait être complétée pour les infections banales, les exacerbations de la maladie de base ainsi que la gestion des urgences. Il vaut la peine de se renseigner sur les soins médicaux disponibles à destination.
Quand on fait un voyage,
il pourra dire quelque chose.
Je prendrais donc la canne et le chapeau
et choisirait de voyager.
Matthias Claudius (1740-1815)
L’envie de voyager est immense : en 2014, on a enregistré plus d’un milliard d’arrivées de touristes internationaux dans le monde (communiqué de presse de l’OMT, 27. janv. 2015) ! De tels chiffres ne peuvent être atteints que si le voyage est adapté aux masses, c’est-à-dire simple, rapide et peu coûteux. Jeunes ou vieux, en bonne santé ou malades, il n’y a presque plus de frontières pour les voyageurs modernes : tout le monde va partout.
Lorsque Christophe Colomb a présenté son projet d’expédition vers les Indes, il a effrayé même les aventuriers et a été rejeté car il était impraticable. Poussé par la soif d’or et de pouvoir, Christophe Colomb prit la mer en 1492 avec trois petits navires et un équipage composé d’aventuriers et de condamnés à mort. Il s’agissait d’une véritable mission suicide pour les courageux de la mort, qui n’avaient de chances de survivre qu’avec de la chance et une santé robuste. Aujourd’hui, un touriste moyen ne réserverait pas un voyage aussi sinistre et éprouvant, avec peu d’espoir de retour. Le conseil médical pour ce voyage serait donc très bref : “Restez plutôt chez vous, les risques sont trop grands”.
Conseils avant le voyage
Le principe le plus important de la consultation en médecine des voyages est de quantifier et de qualifier le risque individuel du voyageur et de recommander des mesures appropriées. Les facteurs déterminants sont d’une part des facteurs “exogènes” tels que la destination, la durée et le style de voyage, et d’autre part des facteurs “endogènes” tels que l’état de santé individuel. Les facteurs de santé peuvent jouer un rôle essentiel dans le choix de la destination et avoir une influence limitative sur les activités de voyage. C’est pourquoi les voyageurs qui font l’objet de contrôles et de traitements médicaux réguliers dans leur vie quotidienne devraient recevoir des conseils médicaux minutieux avant la réservation définitive, ou au moins six semaines avant le départ. En substance, toutes les mesures visant à préserver la santé du patient voyageur – spécifiques à la maladie et à la médecine de voyage – doivent être coordonnées. Pour cela, une collaboration et un échange étroits entre le médecin de famille et le médecin de voyage sont essentiels à la réussite. Il faut notamment répondre à plusieurs questions sur la préparation du voyage (tableau 1).
Préparation et capacité à voyager
Le repos et la découverte de pays et de cultures étrangers font partie des avantages du voyage, dont les personnes atteintes de maladies chroniques peuvent également profiter. Mais malheureusement, les effets de la fatigue du voyage, tels que le changement de climat, la modification des habitudes quotidiennes, les maladies infectieuses banales ou le stress du voyage, sont souvent sous-estimés. De nombreux patients sont plus détendus pendant les vacances, se sentent en meilleure santé et oublient de prendre leurs médicaments ou les prennent de manière irrégulière. Après tout, vous êtes en vacances, alors pourquoi ne pas faire un “drug holiday” ?
Pour ne pas gâcher le plaisir du voyage, une bonne préparation est indispensable. Une maladie stabilisée est une condition importante pour pouvoir profiter des vacances (tableau 2). Les mesures nécessaires à cet effet, adaptées à l’activité de voyage, doivent être discutées en détail avec le patient avant le voyage. Les complications les plus fréquentes et la manière de les gérer doivent également être abordées, de préférence avec des instructions écrites. Un résumé des antécédents médicaux en allemand et en anglais, y compris le plan de médication, devrait être remis au patient pour d’éventuels contacts avec des professionnels de la santé à destination. De nombreux patients apprécient également la possibilité de consulter leur médecin généraliste par téléphone en cas d’urgence.
Plus que tout autre moyen de transport, un voyage en avion représente une charge supplémentaire pour l’organisme. La préparation minutieuse d’un voyage pour les personnes souffrant de maladies chroniques comprend un examen médical approfondi afin de déterminer leur aptitude à voyager ou à prendre l’avion (tableau 3). Une règle générale simple veut qu’une personne capable de monter les escaliers jusqu’à l’avion (ou de marcher 50 m) sans être essoufflée soit en principe apte à prendre l’avion. Vous trouverez des directives détaillées sur l’aptitude au vol dans le “IATA Medial Manual” ou sur les sites Internet de différentes compagnies aériennes.
Allergies
Il n’y a pas de contre-indication absolue au voyage en cas d’allergie. En général, les personnes allergiques sont moins gênées en vacances dans un environnement étranger, à la mer ou à la montagne. Les patients très allergiques doivent toujours avoir sur eux une trousse d’urgence contenant des stéroïdes, des antihistaminiques et éventuellement de l’adrénaline (EpiPen®), ainsi que leur passeport d’allergie à jour. En cas de fortes réactions aux piqûres d’insectes, il peut être intéressant de prendre des antihistaminiques à titre préventif, en plus de l’utilisation systématique de répulsifs. CAVE : effet sédatif lors de la conduite d’un véhicule à moteur ! En tenant compte des allergies spécifiques et des précautions appropriées, toutes les vaccinations et la chimioprophylaxie antipaludique sont en principe possibles.
Maladies cardiopulmonaires, anémies graves
La plupart des urgences médicales en voyage sont d’origine cardiovasculaire. Ces situations d’urgence peuvent être favorisées par la pression atmosphérique réduite dans la cabine de l’avion (équivalente à 2000 – 2500 m d’altitude) ou en cas d’exposition à l’altitude, qui s’accompagne d’une chute de la saturation en oxygène du sang de 97 à 90%, même chez les personnes en bonne santé. Le stress du voyage peut également être problématique. Dans ces conditions, les arythmies cardiaques sont plus fréquentes, même chez les personnes âgées, par ailleurs en bonne santé. Les patients qui n’ont pas besoin d’oxygène supplémentaire au repos n’en ont pas non plus besoin en vol. (Tab.3).
La fonction cardiopulmonaire doit être évaluée avant le voyage par une anamnèse, un examen physique, la mesure de l’Hb (au moins >9 g/dl), la saturation en oxygène, le pouls, la pression artérielle, un ECG au repos et, le cas échéant, des contrôles du stimulateur cardiaque, afin d’évaluer le risque lié aux activités du voyage et de prendre les mesures appropriées. Le bagage à main doit contenir des médicaments d’urgence tels que la nitroglycérine, les bronchodilatateurs, etc. et les instructions d’urgence des autres voyageurs. Les vaccins contre la grippe et le pneumocoque sont également indiqués chez les patients à risque cardiopulmonaire. Certains médicaments antipaludéens (méfloquine) ne sont pas indiqués chez tous les patients en raison du potentiel d’interactions médicamenteuses ou de troubles du rythme cardiaque.
Prophylaxie de la thrombose et anticoagulation
Le risque de thrombose lié à une position assise confinée prolongée avec congestion veineuse et déshydratation (typiquement en avion) peut être facilement compensé chez la plupart des voyageurs en bougeant régulièrement les jambes, en buvant de l’eau et en portant éventuellement des bas de contention. Toutefois, en cas de troubles de la coagulation préexistants, d’obésité, de tabagisme et de traitements hormonaux, une situation d’alerte peut se produire pour les thromboses avec l’embolie pulmonaire comme complication. Dans ces cas (“temps assis” en avion ou en bus de plus de cinq heures combiné à des facteurs de risque), la prophylaxie médicamenteuse de la thrombose est indiquée pour le voyage en avion ou en bus. Les nouveaux anticoagulants oraux (NOAK) sont de plus en plus souvent utilisés en plus des héparines de bas poids moléculaire qui ont fait leurs preuves. Il n’existe aucune donnée fondée sur des preuves concernant cette utilisation (hors étiquette) des NOAK.
Les patients anticoagulés avec des antagonistes de la vitamine K peuvent bénéficier de certains avantages lors du passage aux NOAK : La surveillance en laboratoire n’est plus nécessaire, les interactions médicamenteuses ou alimentaires sont moins fréquentes (par exemple avec les antipaludéens atovaquone, proguanil, doxycycline).Dans tous les cas, la condition préalable à un voyage sûr reste un réglage stable de l’anticoagulation orale.
Diabète sucré
En voyage et dans les pays étrangers, les diabétiques doivent s’adapter à des situations inhabituelles. Le décalage horaire, le changement de rythme quotidien, les activités et l’alimentation inhabituelles ou encore le stress lié au voyage, la diarrhée et les infections banales peuvent déséquilibrer la glycémie. Les antidiabétiques peuvent interagir avec les médicaments antipaludéens ou d’autres produits de la pharmacie de voyage. Dans ces circonstances, la glycémie doit être mesurée plus souvent que d’habitude. Il faut tenir compte du fait que des conditions environnementales telles que la chaleur, l’humidité et l’exposition à l’altitude peuvent influencer le fonctionnement des appareils de mesure (éventuellement, contrôles supplémentaires avec des bandelettes de test urinaire). Il est utile de disposer de schémas médicamenteux avec des instructions sur la manière dont le patient doit réagir en cas de fluctuations de la glycémie. Les antidiabétiques doivent être transportés et conservés correctement (en particulier, les insulines ne doivent pas être stockées à des températures négatives ou supérieures à 39°C) et doivent être disponibles en quantités suffisantes (en double) et sous leur forme d’administration habituelle (stylo). Le diabétique doit toujours avoir sur lui ses médicaments, son lecteur de glycémie, ses bandelettes de test, des en-cas, un kit d’urgence (substitut de sucre ou injection de glucagon) et son passeport de diabétique. Les autres voyageurs doivent être informés des mesures d’urgence.
Déficiences immunitaires
Les voyageurs présentant une immunocompétence réduite sont confrontés à des défis particuliers. Les personnes concernées sont celles infectées par le VIH ou le sida, aspléniques, atteintes de maladies inflammatoires et auto-immunes chroniques, ayant subi une transplantation d’organe ou sous immunosuppresseurs (stéroïdes, agents antiprolifératifs, médicaments anti-TNF, cytostatiques, etc.) La préparation du voyage est une affaire d’équipe. Le médecin généraliste, le spécialiste, le médecin de voyage et le patient doivent être en bonne harmonie lors de la préparation en raison de la complexité de la situation. Les vaccins vivants (BCG, fièvre jaune, ROR, typhoïde, varicelle) sont généralement contre-indiqués chez les personnes gravement immunodéprimées. L’affaiblissement de la réponse immunitaire nécessite des rappels plus fréquents ou des doses plus élevées pour les vaccins morts ou inactivés. Ces vaccins ne devraient cependant pas être omis, en particulier en cas de déficience immunitaire ou de lésions organiques préexistantes (par exemple en cas d’hépatite chronique), car une infection évitable par la vaccination n’est pas une charge supplémentaire acceptable (tableau 4) ! Il arrive souvent que des vaccinations indiquées ne soient pas effectuées parce que certaines circonstances sont considérées à tort comme des contre-indications.
Littérature complémentaire :
- Steffen R, et al. : Manuel de médecine et de santé des voyages, 3e éd., ISBN 978-1-55009-369-8, 2007. DOI: 10.1111/j.1708-8305.2009.00364.x
- Centres de contrôle et de prévention des maladies. CDC Health Information for International Travel 2014 (Informations sanitaires pour les voyages internationaux). New York : Oxford University Press, 2014.
- Field V, et al : Health Information for Overseas Travel. Journal of Travel Medicine 2011 ; 18 : 149. doi :
- 10.1111/j.1708-8305.2010.00497.x
- Manuel médical de l’IATA, 7ème édition, mars 2015.
- Ziegler T, et al. : Aptitude au vol pour les voyageurs en vacances.
- Brandenburgisches Ärzteblatt 3/2007 – 17e année
- Stucki V : Le patient en voyage. Pratique 2010 ; 99(24) : 1453-1464.
- www.britishairways.com/health/docs/before/airtravel_guide.pdf
- www.swiss.com/de/DE/vorbereiten/spezielle-betreuung/gesundheit-und-reisen
- Tropimed®, Copyright 2015 ASTRAL SA
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(5) : 12-16