Les limitations possibles causées par la sclérose en plaques ont une influence sur le cadre social des personnes atteintes de SEP et de leurs proches. Les changements dans les possibilités de participation à l’éducation, au travail, à l’interaction dans l’environnement social et au sein des familles influencent la qualité de vie et ont donc un impact direct sur l’état d’esprit. La tendance à la stigmatisation et à la relégation dans les “structures AI” ne blesse pas seulement les personnes concernées, mais méconnaît également l’énorme potentiel lié à une intégration active dans les structures sociales. Les médecins, les thérapeutes et la Société suisse de la sclérose en plaques peuvent contribuer ensemble à l’intégration et à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes et de leurs familles. Les domaines d’action importants sont : l’accès au meilleur traitement possible, la sécurité financière, l’intégration sociale et professionnelle.
Le diagnostic de la SEP confronte les personnes atteintes et leurs familles à de nombreux défis. Les questions de santé, les possibilités de traitement, les chances et les risques des offres de traitement sont toujours d’une importance capitale pour la personne concernée et son entourage : que va-t-il se passer sur le plan professionnel ? Quel sera mon avenir et celui de ma famille si je suis limité dans ma capacité de travail, voire totalement dépendant d’une rente AI ? Est-ce que je peux ou veux encore participer aux activités sociales de mon entourage ? Aurai-je besoin de déambulateurs ou même d’un fauteuil roulant ? Comment suis-je couvert par l’assurance maladie ? Quels sont les services dont je peux ou dois bénéficier ? Tout cela fait suite à un diagnostic qui est perçu comme un choc par de nombreux patients. Le changement de rôle social, l’abandon des études ou la perte d’un emploi, le changement de niveau de vie, le bien-être psychologique, la modification des interactions sociales ainsi que des structures familiales et du cercle d’amis sont autant d’indicateurs qui permettent de mesurer l’impact social [1].
Contraintes et possibilités liées à la phase
À différents stades, les conséquences sociales du diagnostic de la SEP varient d’une personne à l’autre, en fonction de ses possibilités et de ses limitations. Par exemple, des limitations de la capacité de marche entraînent souvent non seulement une limitation du rayon d’activité sans aide, mais aussi une stigmatisation par l’environnement social, perçue de manière très sensible par les personnes concernées. Les personnes concernées sont par exemple confrontées à des soupçons de consommation d’alcool en raison de leur démarche, aux défis que représente la gestion de l’incontinence ou aux reproches et aux insinuations sur le lieu de travail ou à la maison et dans le cercle d’amis en raison des effets de la fatigue. Ces restrictions correspondent à de nombreux obstacles quotidiens, parfois insurmontables, qui n’étaient pas perçus auparavant. Les escaliers – même sans fauteuil roulant -, les bordures de trottoir ou les quais de gare peuvent constituer des obstacles importants pour les personnes atteintes de SEP, tout comme les correspondances de trains étroitement coordonnées, les places de stationnement réservées aux personnes handicapées ou les températures ambiantes trop élevées. Même une rencontre entre amis dans un restaurant peut être rendue impossible par des barrières architecturales. Parallèlement, les incertitudes quant à l’évolution possible de la maladie et les craintes pour l’avenir qui en découlent créent une situation psychologiquement éprouvante, tant pour les personnes concernées que pour leurs familles. Les conséquences sociales directes, telles que la perte d’emploi et la perte d’autonomie financière [1], sont donc les sujets les plus fréquemment abordés par le service de conseil social de la Société suisse de la sclérose en plaques, même après l’établissement du diagnostic. En 2013, plus de 4000 clients ont fait appel au service de conseil social de la Société suisse de la sclérose en plaques dans toute la Suisse, que ce soit pour de brèves consultations personnelles ou téléphoniques ou pour des conseils, un suivi et une représentation dans le cadre d’un accompagnement complexe en matière d’assurances sociales ou de case management.
Le système familial et l’environnement social sont affectés par les conséquences de la maladie. Les changements dans la structure familiale posent parfois de grands défis aux personnes concernées et entraînent souvent des conflits qui touchent le tissu social le plus proche. Un accompagnement et une prise en charge professionnels, y compris pour les proches, sont donc essentiels pour pouvoir relever les défis posés à l’environnement social. Dans un environnement social élargi, les personnes concernées se voient souvent contraintes d’adapter leurs habitudes de vie. Par exemple, la participation aux activités du club de sport n’est plus possible, alors que l’exercice physique, l’activité sportive et l’intégration sociale qui en découle auraient une influence positive sur l’état de santé.
Une terminologie problématique
La situation individuelle des personnes concernées doit être mise en avant afin de leur apporter un soutien efficace. Le diagnostic médical et l’accompagnement sont au centre de toutes les autres mesures, mais il est souvent important d’intégrer très tôt les personnes atteintes dans les nombreuses offres de conseil et de soutien de la Société SEP. Les offres comprennent, outre l’encadrement et la représentation par des travailleurs sociaux spécialisés dans la SEP, la gestion de cas pour le maintien de l’emploi, le soutien aux soins et aux proches, des manifestations, des formations continues, des offres de sport et d’activité physique, des camps pour enfants et adolescents, des vacances et des séjours de loisirs encadrés par des infirmières pour les personnes atteintes de SEP ayant différents besoins de soutien, ainsi qu’un réseau social de 50 groupes régionaux dans toute la Suisse. Une étroite collaboration avec le FPMS (groupe spécialisé en physiothérapie pour la sclérose en plaques) et un réseau de psychologues spécifiquement qualifiés rend un soutien thérapeutique approprié disponible dans toute la Suisse. De plus, la Société SEP soutient les personnes atteintes par des aides financières directes.
Une stigmatisation des personnes concernées après le diagnostic par une focalisation sur les notions et les exigences de “l’assurance invalidité” conduit à une désintégration sociale, à l’isolement et finalement à une détérioration de l’évolution de la santé des personnes concernées également.
Le terme même d'”assurance invalidité” révèle l’image dépassée et également erronée des personnes concernées : Une classification systématique dans la catégorie “invalide” et son contraire (“valide”) est discriminatoire. Le fait que la Confédération soutienne les personnes qui, en raison de leur état de santé, ne sont pas en mesure de subvenir entièrement à leurs besoins financiers, est en principe extrêmement positif, mais il est contrecarré par la stigmatisation fondamentale des “bénéficiaires de l’AI”.
Il est donc judicieux de modifier à la fois la terminologie et l’orientation de la méthode de travail dans le sens d’une “assurance-intégration” [2].
Le débat public actuel crée une discrimination injuste. Les personnes atteintes de SEP, dont les symptômes varient, sont souvent soupçonnées d’être des “parasites sociaux” ou des “paresseux” : Qu’une personne atteinte de SEP puisse se déplacer de quelques mètres sans fauteuil roulant un jour et qu’il en soit autrement le lendemain,
est aussi difficile à faire comprendre que le sont, par exemple, les effets de la fatigue. Il s’agit là également d’une tâche importante, en particulier pour la Société SEP : l’éducation et l’information du public.
En outre, les nombreuses tentatives de réforme et l’intervention massive des tribunaux dans les compétences des médecins [3] n’ont pas contribué à améliorer la situation des personnes qui ont besoin d’assistance. Les personnes atteintes de sclérose en plaques qui sont confrontées à d’importantes restrictions sanitaires et sociales peuvent rester ou être réintégrées dans la société en fonction de leurs possibilités, grâce à l’expertise principalement médicale, en collaboration avec des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux et le soutien des services de la Société suisse de la sclérose en plaques. L’hypothèse de base erronée selon laquelle une pression sociale et financière suffisante sur les patients entraînerait une amélioration de la situation de l’AI conduit à l’effet inverse : à savoir un simple transfert des coûts vers l’aide sociale, ce qui nuit inutilement aux personnes concernées et les humilie. Les effets négatifs de cette approche sur la santé se traduisent par une augmentation des coûts plutôt que par une diminution.
Comment favoriser l’intégration des personnes atteintes de SEP ?
La pratique de la Société SEP en matière de conseil social montre que les efforts d’intégration des personnes atteintes de maladies chroniques doivent commencer avant même la demande de l’AI. La situation individuelle des personnes atteintes et de leurs proches ainsi que le maintien de l’autonomie et d’une qualité de vie élevée, compte tenu des différentes formes d’évolution de la SEP (la “maladie aux mille visages”), nécessitent un accompagnement professionnel dans un système social à la réglementation complexe. C’est précisément dans leur environnement professionnel que de nombreuses personnes concernées se sentent déstabilisées. Comment gérer le diagnostic de SEP au travail ? Une information précoce de l’employeur est-elle nécessaire ou entraînera-t-elle un licenciement ? Souvent, les personnes concernées réduisent leur temps de travail dans l’espoir de pouvoir ainsi répondre aux exigences professionnelles. De telles décisions peuvent avoir des conséquences financières négatives à long terme pour l’existence de nombreuses personnes concernées, si cette réduction ne s’accompagne pas, dans les cas nécessaires, d’une demande correspondante auprès de l’AI.
Les effets positifs du soutien social professionnel sur l’état de santé des personnes atteintes de SEP [4] – qui entraînent à leur tour une réduction des coûts – sont incontestés [5]. L’intégration des personnes atteintes de SEP – dans le sens d’une “assurance d’intégration” – présente un avantage économique pour les entreprises, en particulier en ces temps de pénurie de main-d’œuvre qualifiée dont tout le monde se plaint, car elles peuvent utiliser de manière productive des collaborateurs expérimentés et qualifiés en fonction de leurs possibilités. Ainsi, pour une entreprise qui crée des opportunités de maintien dans l’emploi d’une personne atteinte de SEP, les économies peuvent atteindre 134 000 euros sur une période de dix ans [6]. Pour certaines personnes atteintes de SEP, le maintien d’une possibilité de travail adaptée à leurs besoins signifie le maintien d’un environnement de travail social important et de la reconnaissance sociale qui l’accompagne – et donc, à son tour, un effet positif sur leur état de santé. Enfin, le bilan économique positif pour la société grâce à l'”intégration” plutôt qu’à l'”invalidation” prouve qu’il vaut la peine pour toutes les parties de ne pas suivre les voies prétendument faciles de l’exclusion et de la minimisation subséquente du soutien financier. Un accompagnement social professionnel pour l’intégration et le maintien dans l’emploi des personnes atteintes de SEP permet non seulement de réduire les coûts liés à l’absentéisme dû à la SEP (36% du total des coûts liés à la SEP), mais aussi d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de SEP. Le bénéfice financier pour la société est même de 320 000 euros en moyenne européenne par personne atteinte de SEP sur une période de dix ans, sur la base d’un maintien moyen de l’emploi de 50% sur cette période [6].
Le maintien de l’emploi n’est qu’un aspect
Dans la pratique du travail social de la Société SEP, 25 clients en moyenne par an peuvent rester intégrés professionnellement dans le cadre de la gestion de cas, en collaboration avec leur employeur respectif. Même si l’intégration au travail représente une amélioration pour certaines personnes atteintes de SEP, il convient de souligner que ces mesures ne conviennent pas à la majorité des personnes concernées et ne constituent pas non plus le facteur central de la qualité de vie.
De très nombreuses personnes atteintes de SEP réagissent au stress et à la pression par une nette détérioration de leur état de santé, et là encore, la généralisation est contre-productive. Il n’est pas possible d’impliquer toutes les personnes concernées et leurs employeurs dans une gestion de cas réussie – ainsi, les travaux physiquement pénibles entraînent généralement une retraite plus précoce : alors que les personnes concernées ne travaillant pas physiquement ont été mises à la retraite en moyenne 12,8 ans après le diagnostic, c’était le cas des personnes travaillant physiquement au bout de 11 ans [7]. Le diagnostic et le suivi médicaux sont les bases valides pour les autres possibilités.
Cependant, l’intégration signifie bien plus que l’intégration professionnelle sur le marché primaire du travail. L’intégration sociale est la base de l’amélioration de la qualité de vie des personnes concernées et du système familial – et donc de leur état de santé. Schwartz et Frohner ont démontré l’importance de l’intégration sociale pour la qualité de vie des personnes atteintes de SEP : ils sont parvenus à la conclusion que les personnes atteintes de SEP qui n’avaient pas d’emploi ne ressentaient pas de baisse de la qualité de vie lorsqu’elles étaient intégrées dans des offres correspondantes [5]. Les offres de la Société SEP, tant sous forme d’événements, de séminaires, de vacances, de groupes sociaux et de mise en réseau que sous forme de conseils et d’accompagnement en matière de soins, de psychologie et de travail social, répondent aux exigences de soutien social des personnes atteintes [4].
Motivation et intégration : la coopération est de mise
La participation sociale et l’intégration des personnes vivant avec la SEP peuvent être efficacement soutenues par une bonne collaboration entre les médecins, les thérapeutes et l’association de la SEP. Ne pas se focaliser sur ce qui ne peut pas être fait, mais sur un accompagnement motivant et positif des personnes concernées et de leurs proches, est à la fois un devoir social et une utilité sociale. Le potentiel et les avantages pour la santé de l’intégration, de l’accompagnement, de la promotion et de la revendication des personnes atteintes de SEP sont importants.
Quatre domaines d’action peuvent être définis comme base d’une intégration réussie et d’une amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de SEP (tableau 1).
Une collaboration étroite entre les médecins, les thérapeutes, les infirmières, les professionnels de la santé et la Société SEP crée une excellente opportunité d’intégrer les personnes atteintes dans un réseau médicalement efficace et socialement soutenant.
Pour ce faire, la coopération existante doit être intensifiée : L’impact de l’intégration sociale sur l’état de santé et le bien-être des personnes atteintes de SEP est clairement démontré. Les acteurs individuels du système de santé font un travail important et formidable dans leur domaine, mais ce n’est qu’en travaillant ensemble qu’un réseau anti-isolement est créé : la sclérose en plaques devient “SEP” – “Plus de solidarité”. Les effets positifs importants de cette solidarité sociale active pour les personnes touchées, leurs enfants et leurs proches sont mesurables et tangibles. Lors d’une visite dans un séjour de groupe pour personnes atteintes de SEP nécessitant des soins de la Société suisse de la sclérose en plaques, il est possible d’expérimenter personnellement comment la joie de vivre et la qualité de vie sont présentes, malgré les restrictions considérables liées à la santé, grâce à l’attention et à l’intégration sociale.
Dr. Christoph Lotter
Prof. Jürg Kesselring, docteur en médecine
Littérature :
- Hakim EA, et al. : L’impact social de la sclérose en plaques – une étude de 305 patients et de leurs proches. Disability and Rehabilitation 2000 ; 22(6) : 288-293.
- Basler Zeitung : Un nouveau nom contre une vieille stigmatisation. Le médecin-chef de la réadaptation Jürg Kesselring veut rebaptiser l’AI en assurance-intégration. 11 juillet 2014 ; 4.
- Tagesanzeiger : Le médecin n’est plus pris au sérieux. www.tagesanzeiger.ch/schweiz/standard/Der-Arzt-wird-nicht-mehr-ernst-genommen/story/30521158. En ligne 30.07.2014.
- Krokavcova M, et al. : Le soutien social en tant que prédicteur de l’état de santé perçu chez les patients atteints de sclérose en plaques. Patient Education and Counseling 2008 ; 73 : 159-165.
- Schwartz C, Frohner R : Contribution of Demographic, Medical, and Social Support Variables in Predicting the Mental Health Dimension of Quality of Life among People with Multiple Sclerosis. Santé et travail social 2005 ; 30(2) : 203-212.
- Knülle E, et al : From disability to ability at work – Successful case management approaches in multiple sclerosis. Rapport 2011 Swiss Multiple Sclerosis Society Zurich ISBN : 978-3-908104-17-9. infirmier CCH,
- Flachs EM, Koch-Henriksen N : Conséquences sociales de la sclérose en plaques : prédicteurs cliniques et démographiques – une étude de cohorte prospective historique. European Journal of Neurology 2010 ; 17 : 1346-1351.
- Steck B, Kappos L, Bürgin D : Impact psychosocial de la sclérose en plaques sur la famille et les enfants. Archives suisses de neurologie et de psychiatrie 1999 ; 150(4) : 161-168.
- Castro Costa D, José Sá M, Calheiros JM : The effect of social support on the quality of life of patients with multiple sclerosis. Arq Neuropsiquiatr 2012 ; 70 (2) : 108-113.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2014 ; 12(6) : 16-19