Les patients ayant subi un infarctus du myocarde doivent recevoir à vie de l’aspirine 100 mg et la dose maximale de statine tolérée. Quel que soit le type de revascularisation, tous les patients ayant subi un infarctus du myocarde doivent prendre un inhibiteur de P2Y12 (clopidogrel, ticagrelor ou prasugrel) pendant 12 mois. En fonction du risque de saignement et d’ischémie, la durée peut être adaptée individuellement. Les inhibiteurs de l’ECA bénéficient aux patients atteints d’infarctus du myocarde qui présentent une fonction systolique du ventricule gauche réduite (fraction d’éjection ≤40%), une hypertension ou un diabète. Les bêtabloquants doivent être utilisés chez les patients ayant subi un infarctus avec sus-décalage du segment ST et chez tous les patients dont la fonction systolique du ventricule gauche est altérée (fraction d’éjection ≤40%).
La thérapie après un infarctus du myocarde repose sur deux piliers : la modification du mode de vie et les médicaments. Outre une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, l’abstinence de tabac est l’un des principaux facteurs de style de vie susceptibles d’améliorer le pronostic après un infarctus du myocarde. Le traitement de base par aspirine et statine, recommandé à vie à tous les patients souffrant d’athérosclérose manifeste, comprend initialement une bithérapie antiplaquettaire et, selon l’importance de l’infarctus, la fonction systolique du ventricule gauche et les facteurs de risque, la prise d’un bêtabloquant, d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou encore d’un antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes (tableau 1) [1]. Le type de revascularisation n’a pas d’influence pertinente sur le traitement médicamenteux après un infarctus du myocarde [2]. Les recommandations thérapeutiques pour les patients ayant subi un infarctus du myocarde après un pontage aortocoronarien (PAC), une revascularisation coronaire percutanée (PCI) ou une prise en charge conservatrice ne sont pas fondamentalement différentes.
Aspirine
L’aspirine entraîne une réduction de l’activité des plaquettes par une inhibition irréversible de la cyclo-oxgénase-1. Cet effet est obtenu à des doses comprises entre 75 mg et 150 mg. Une dose plus élevée augmente les effets secondaires gastro-intestinaux sans autre effet utile sur l’inhibition des plaquettes. Par conséquent, un traitement à vie par aspirine 100 mg par jour est généralement recommandé à tous les patients ayant subi un infarctus du myocarde. Ce traitement ne devrait jamais être mis en pause avant une opération élective (exceptions : interventions neurochirurgicales avec ouverture de la dure-mère et opérations dans l’orbite postérieure). Pour les patients qui prennent un anticoagulant oral (ACO) à vie (par exemple en raison d’une valve cardiaque mécanique ou d’une fibrillation auriculaire avec un risque accru d’accident vasculaire cérébral), l’ACO est suffisant à long terme comme prévention secondaire après un infarctus du myocarde. L’association à long terme d’aspirine et d’un ACO n’est pas bénéfique, mais augmente le risque de saignement.
Antagonistes du récepteur de l’adénosine diphosphate (P2Y12)
L’étude CURE [2] a montré qu’après un infarctus du myocarde et indépendamment de la revascularisation, l’ajout d’une inhibition des plaquettes par un antagoniste P2Y12 permettait de réduire les critères ischémiques. Actuellement, trois antagonistes oraux de la P2Y12 sont autorisés pour cette utilisation : Clopidogrel [2], prasugrel [3] et ticagrelor [4] (tab. 2). Alors que les deux premiers médicaments sont des promédicaments qui doivent d’abord être métabolisés et qui conduisent finalement à un blocage irréversible du récepteur P2Y12, le ticagrelor agit directement et est réversible. En général, après un infarctus du myocarde, un antagoniste P2Y12 est recommandé en plus de l’aspirine (double antiagrégation plaquettaire, DAPT) pendant douze mois [1,5,6]. Cela vaut aussi bien pour les patients traités de manière conservatrice qu’après une ICP ou une ACBP. Un traitement DAPT ininterrompu est essentiel, en particulier au cours des premiers mois suivant l’implantation d’un stent, car sans DAPT, le risque de thrombose de stent serait massivement augmenté.
Chez les patients à haut risque de saignement ou d’ischémie [7] ou chez ceux pour lesquels un traitement OAK est indiqué, la durée du DAPT ou la durée de l’association du DAPT et des OAK doit être décidée au cas par cas. En principe, la prescription simultanée de DAPT et d’ACO doit être la plus courte possible (un à six mois maximum), car le risque de saignement est six fois plus élevé avec cette combinaison. D’autre part, il existe des situations où, en raison d’un risque accru d’ischémie, un traitement DAPT est avantageux, même sur plusieurs années. Les recommandations thérapeutiques individuelles doivent figurer dans le rapport de sortie après un infarctus du myocarde ou, en cas de doute, être discutées avec le cardiologue traitant.
Traitement hypolipémiant
Il est recommandé aux patients ayant subi un infarctus du myocarde de suivre un traitement à vie avec une statine puissante qui réduit le cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL-C) d’au moins la moitié ou à moins de 1,8 mmol/l (par ex. atorvastatine 80 mg ou rosuvastatine 20 mg). Les statines agissent directement sur les parois vasculaires, entraînant une stabilisation de la plaque et même, à forte dose, une régression de la plaque. Une mesure régulière du LDL-C permet de contrôler l’observance et d’adapter le traitement. Si le LDL-C est supérieur à 1,8 mmol/l avec la dose maximale de statine tolérée, un hypolipémiant supplémentaire doit être prescrit (par ex. Ezetimibe 10 mg) [8]. Une nouvelle classe de substances est constituée par les anticorps monoclonaux dirigés contre la proprotéine convertase subtilisine-kexine de type 9 (PCSK9), qui sont appliqués par voie sous-cutanée et réduisent le LDL-C beaucoup plus fortement que les statines. Jusqu’à présent, ils ont été autorisés en cas d’hypercholestérolémie familiale, mais on peut s’attendre à ce que ces médicaments soient également utilisés à l’avenir après un infarctus du myocarde.
Inhibiteurs de l’ECA
Après un infarctus du myocarde, les inhibiteurs de l’ECA améliorent le remodelage du ventricule gauche (VG). Ils constituent le traitement de base de l’insuffisance cardiaque systolique et de l’hypertension artérielle. Grâce à la vasodilatation, à la baisse de la pression artérielle et à la réduction de la précharge, les IEC soulagent le ventricule gauche et influencent les processus de remodelage du myocarde après un infarctus du myocarde. En conséquence, les patients ayant subi un infarctus majeur, ceux dont la fonction systolique du VG est réduite (≤40%), ceux souffrant d’hypertension artérielle ou de diabète sucré en bénéficient particulièrement. Après environ six mois, les processus d’adaptation du myocarde après un infarctus du myocarde sont terminés. En conséquence, les non-diabétiques sans hypertension artérielle et avec une fonction systolique du VG normale ne bénéficient guère des inhibiteurs de l’ECA. En cas d’intolérance aux inhibiteurs de l’ECA (toux grasse), il est possible de passer à un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine.
Bêta-bloquant
Les bêtabloquants entraînent une baisse de la pression artérielle et du pouls en bloquant l’action de l’adrénaline et de la noradrénaline. La demande en oxygène du myocarde est réduite, ce qui permet de soulager le cœur. Ainsi, les bêtabloquants constituent un traitement de base de l’insuffisance cardiaque systolique. Les bêtabloquants doivent être utilisés après un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST et chez tous les patients victimes d’un infarctus du myocarde dont la fonction systolique du VG est réduite (≤40%). Pour éviter les bradycardies symptomatiques, les bêtabloquants doivent être administrés à doses progressives après un infarctus du myocarde.
Antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes
Cette classe de substances, qui occupe une place importante dans l’insuffisance cardiaque symptomatique avec une fonction systolique du VG gravement altérée, peut avoir un effet bénéfique sur le remodelage du VG après un infarctus du myocarde majeur [9]. En conséquence, il est utilisé chez les patients ayant subi un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST et présentant une FEVG ≤40% et une insuffisance cardiaque. Comme cette classe de substances peut entraîner une hyperkaliémie, elle ne doit être utilisée que si la fonction rénale est suffisante (créatinine <221 μmol/L chez les hommes et <177 μmol/L chez les femmes) et sous contrôle régulier du potassium sérique.
Antagonistes du calcium
Bien que les antagonistes du calcium puissent être utilisés dans le traitement symptomatique de l’angine de poitrine, ils n’ont pas de place particulière chez les patients ayant subi un infarctus du myocarde. Si un antagoniste calcique est utilisé après un infarctus du myocarde, le patient doit avoir pris auparavant la dose maximale tolérée d’un IEC et d’un bêtabloquant. Si la pression artérielle n’est pas suffisamment contrôlée sous cette association, un antagoniste du calcium peut être utilisé, avec une préférence pour les antagonistes à longue durée d’action (par ex. amlodipine, lercanidipine).
Résumé
Alors que l’aspirine et les statines doivent être prises à vie après un infarctus du myocarde, tous les autres médicaments ne sont utiles que temporairement (par ex. les antagonistes P2Y12) et leur avantage n’a été démontré que chez certains groupes de patients (par ex. en cas d’infarctus avec sus-décalage du segment ST, de fonction systolique du VG réduite, d’insuffisance cardiaque ou d’hypertension artérielle). Parmi les tâches importantes du médecin de premier recours figurent le contrôle de l’observance [10], l’augmentation de la dose des médicaments à faible dose au début (en particulier les inhibiteurs de l’ECA et les bêtabloquants) et la gestion des effets secondaires éventuels. Les patients doivent être encouragés à prendre régulièrement ces thérapies combinées, généralement bien tolérées, non sans rappeler qu’un traitement optimal consiste en une combinaison de médicaments et de modifications du mode de vie.
Conflits d’intérêts : L’auteur a reçu des honoraires de conférence d’AstraZeneca et fait partie d’un comité consultatif pour Abbott.
Littérature :
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(12) : 29-34