Le dépistage primaire du cancer du col de l’utérus a évolué au cours des dernières années dans le monde entier. De nouvelles recommandations sont également en cours d’élaboration en Suisse. La principale condition de réussite reste la participation au programme de dépistage.
Tout dépistage du cancer repose sur la connaissance de la carcinogenèse du cancer à détecter et vise à identifier les lésions précancéreuses avant l’apparition des symptômes. Les modifications cellulaires, le développement du carcinome et les métastases prennent souvent plusieurs années avant l’apparition des symptômes cliniques.
Le dépistage du cancer du col de l’utérus repose précisément sur cette connaissance, qui permet de détecter les dysplasies du col de l’utérus à un stade précoce, de les traiter et d’empêcher leur progression et le développement d’un cancer.
Situation en Suisse
Le dépistage du cancer du col de l’utérus s’est établi en Suisse depuis les années 1970, mais l’efficacité du dépistage n’a jamais été testée dans des études randomisées. La réduction du taux de mortalité qui a été obtenue et qui se poursuit dans de nombreux pays reflète le succès final du traitement précoce des lésions précancéreuses dysplasiques.
L’incidence du cancer du col de l’utérus en Suisse (4,0 nouveaux cas pour 100 000 femmes par an) est l’une des plus faibles au monde. Réduire davantage le taux d’incidence nécessite un effort important par rapport aux pays à forte incidence.
En Suisse, un dépistage organisé à grande échelle, mais non systématique, s’est mis en place chez les gynécologues et les médecins généralistes, sur la base des recommandations des sociétés médicales et couvert par le catalogue de prestations de la loi sur l’assurance maladie. Elle ne s’inscrit en aucun cas dans le cadre d’un programme avec assurance qualité. Chez nous, le dépistage reste basé sur le frottis cytologique du col de l’utérus (PAP), qui, avec sa sensibilité relativement faible, nécessite d’être répété régulièrement. Les recommandations de 2012 de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique, toujours en vigueur, prévoient un intervalle de dépistage avec prélèvement cytologique de deux ans.
Depuis les années 90, nous savons que pratiquement tous les cancers du col de l’utérus sont associés au papillomavirus humain (HPV) (Fig. 1). Différents tests HPV ont été développés, initialement pour augmenter la sensibilité du frottis cervico-utérin, mais qui le remplacent désormais de plus en plus. Si un test de dépistage est choisi, il faut s’assurer qu’il combine une sensibilité élevée (détection des vrais malades) et une spécificité acceptable (faible taux de faux positifs). Il est indéniable qu’un test HPV seul a une sensibilité bien plus élevée qu’un frottis cervico-utérin seul. Cela a été clairement démontré dans une méta-analyse portant sur quatre études randomisées [1]. De plus, un test HPV négatif offre une valeur prédictive négative plus élevée que la cytologie, ce qui permet d’espacer les tests. Toutefois, la sensibilité accrue du test HPV se fait au détriment de la spécificité. Il présente l’inconvénient de ne pas pouvoir faire la distinction entre les femmes infectées par l’HPV et celles qui sont cliniquement malades, ce qui rend son utilisation inutile chez les femmes de moins de 30 ans. Nous savons que ce sont surtout les femmes de moins de 30 ans qui sont infectées, mais qu’elles présentent un taux de rémission spontanée très élevé sans jamais avoir présenté de modifications dysplasiques. Si le test HPV était utilisé seul chez les femmes de tous âges, davantage de femmes seraient orientées vers des examens colposcopiques.
Certains pays (Pays-Bas, Australie, Belgique, États-Unis, Turquie, etc.) sont déjà passés du frottis cytologique au test HPV primaire, tandis que d’autres pays continuent de privilégier la cytologie cervicale. Les différentes approches du dépistage ont donné lieu à de nombreuses discussions sur la stratégie “optimale”, en termes de sécurité des patients d’une part, mais aussi d’économie d’autre part. De nombreuses questions ont été posées et abordées différemment par chaque programme. En voici quelques exemples :
- Âge de départ pour le test HPV
- Longueur de l’intervalle de dépistage
- Différentes approches selon les
- Résultat du screening
- Prélèvement de frottis, soit en autotest, soit chez un spécialiste
- Triage en cas de résultats incertains
- Procédure en cas de positivité à l’HPV et de cytologie normale
- Quel test HPV utiliser
- et répond aux critères de dépistage primaire de l’HPV ?
Un co-testing (cytologie et test HPV simultanés) a été introduit par les États-Unis en 2012 pour les femmes âgées de 30 à 65 ans. L’évaluation a montré que la sensibilité de cette combinaison de tests n’est que légèrement supérieure à celle du dépistage de l’HPV seul.
Dans les pays moins industrialisés, qui disposent de peu de ressources financières et humaines pour la prévention/les soins de santé, la mortalité due au cancer du col de l’utérus est nettement plus élevée. Dans ce cas, le dépistage primaire de l’HPV s’est établi. Dans de nombreux endroits, des unités de dépistage “mobiles” se rendent dans des régions rurales difficiles d’accès pour les services de santé et le frottis HPV est généralement réalisé en “auto-échantillonnage”. L’évaluation du test se fait ensuite directement sur place. Une détection d’HPV “à haut risque” entraîne un examen vaginal et un traitement immédiat du col de l’utérus (“voir et traiter”).
CH : Dépistage cytologique, test HPV ou les deux ?
En Suisse, les études et les connaissances actuelles sont discutées afin de pouvoir émettre des recommandations modernes pour un programme de dépistage du cancer du col de l’utérus. D’une manière générale, la participation à un programme de dépistage reste la condition la plus importante, quelle que soit la méthode de dépistage choisie.
La lettre d’experts de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique sur ce sujet, publiée en 2012, a déjà été mise à jour et est en attente de l’approbation finale de la Commission d’assurance qualité. Des modifications probables des recommandations publiées en 2012 pourraient aller dans le sens d’un allongement de l’intervalle de dépistage recommandé. Un dépistage primaire de l’HPV pour les femmes de moins de 30 ans ne sera probablement pas recommandé, pour les femmes de 30 ans et plus, soit le test HPV soit la cytologie cervicale peuvent être effectués, la recommandation d’un co-testing ne sera plutôt pas faite.
Prévention
Les programmes de dépistage ne peuvent pas être discutés sans tenir compte de la prévention. 70% des cancers du col de l’utérus sont causés par les types d’HPV 16 et 18, et il existe en Suisse les vaccins autorisés Cervarix® et Gardasil® contre ces deux types.
La Commission fédérale pour les vaccinations (CFV) recommande la vaccination de toutes les jeunes filles de 11 à 14 ans – ainsi qu’une vaccination de rattrapage pour les jeunes filles de 15 à 19 ans. Même pour les femmes jusqu’à 26 ans, le vaccin est désormais remboursé dans le cadre des programmes de vaccination cantonaux. Depuis 2015, il existe également une recommandation de vaccination pour les adolescents de sexe masculin et, depuis juillet 2016, les coûts sont pris en charge par les caisses d’assurance maladie dans le cadre des programmes de vaccination cantonaux. Malheureusement, le taux de conformité à la vaccination n’est pas élevé (55%) et est le plus faible dans les cantons où l’on observe le plus de cancers du col de l’utérus. Des études menées dans des pays où le taux de vaccination est élevé (par exemple en Australie et en Écosse) ont montré que les lésions précancéreuses déjà dysplasiques étaient beaucoup moins fréquentes. Cependant, même si le taux de vaccination peut être augmenté, la participation à un dépistage reste nécessaire (avec des conditions de dépistage adaptées).
Messages Take-Home
- L’incidence du cancer du col de l’utérus est très faible en Suisse.
- Le dépistage primaire du cancer du col de l’utérus a évolué au cours des dernières années dans le monde entier, les coûts et les avantages de la méthode utilisée continuent d’être évalués.
- Les programmes de dépistage dépendent des programmes de prévention et de la conformité de la population.
- Un test HPV négatif a une valeur prédictive négative plus élevée que la cytologie, ce qui permet d’allonger les intervalles entre les différents tests.
- En Suisse, de nouvelles recommandations concernant le programme national de dépistage seront émises dans les semaines et mois à venir.
Littérature :
- Murphy J, et al : HPV testing in primary cervical screening : a systematic review and meta-analysis. J Obstet Gynecol Can 2012 ; 34 : 443-452.
- Tjalma WA, et al : Différences dans la distribution du type de papillomavirus humain dans les néoplasies intraépithéliales cervicales de haut grade et le cancer cervical invasif en Europe. Int J Cancer 2013 ; 132(4) : 854-867.
Littérature complémentaire :
- Koliopoulos G, et al : Cytology versus HPV testing for cervical cancer screening in the general population. Cochrane Database Syst Rev 2017 ; 8 : CD008587.
- Elfström KM, et al : Long term duration of protective effect for HPV negative women : follow-up of primary HPV screening randomised controlled trial. BMJ 2014 ; 348 : g130.
- Pollock KG, et al. : Réduction des anomalies cervicales de bas et haut grade associées à une forte réception du vaccin bivalent contre le HPV en Écosse. British Journal of Cancer 2014 ; 111 : 1824-1830.
- Ronco G, Baussano I : Modélisation du système causal du dépistage du cancer du col de l’utérus. Lancet Public Health 2017 ; 2(2) : e61-e62.
- Huh WK, et al : Use of primary high-risk human papillomavirus testing for cervical cancer screening : interim clinical guidance. Gynecol Oncol 2015 ; 136(2) : 178-182.
- Jin XW, et al : Coût-efficacité du dépistage primaire de l’HPV, de la cytologie et du co-test en tant que dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes de plus de 30 ans. J Gen Intern Med 2016 ; 31(11) : 1338-1344.
- Schiffman M, et al. : Performance relative des composants HPV et cytologiques du test de dépistage du cancer du col de l’utérus. J Natl Cancer Inst 2017. DOI : 10.1093/jnci/djx225 [Epub ahead of print].
- Gage JC, et al : Reassurance against future risk of precancer and cancer conferred by a negative human papillomavirus test. J Natl Cancer Inst 2014 Jul 18 ; 106(8). pii : dju153.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2018 ; 6(2) : 18-20