Les néoplasies myéloprolifératives (NMP) classiques comprennent la polycythémie vraie, la thrombocytémie essentielle et la myélofibrose primaire. Plusieurs événements organisés lors du congrès de l’EHA à la mi-juin ont abordé la révision des directives, les nouveautés concernant l’inhibition des JAK et l’influence pronostique des mutations du driver.
(ag) Ruben Mesa, MD, Arizona, a parlé du diagnostic actuel de la polycythémie vera (PV) : “Il s’agit d’une maladie hétérogène des cellules souches qui s’accompagne principalement d’une prolifération des érythrocytes. En conséquence, des événements thromboemboliques peuvent survenir. Il existe un risque d’évolution vers une myélofibrose ou une leucémie aiguë. La révision des critères diagnostiques de l’OMS proposée cette année [1] comprend trois critères dits majeurs et un critère mineur. Pour le diagnostic de PV, soit les trois critères majeurs, soit les deux premiers critères majeurs plus un critère mineur doivent être remplis”.
Les critères majeurs incluent
- Taux d’hémoglobine de >16,5 g/dl (hommes) et>16 g/dl (femmes) ou un hématocrite de >49% (hommes) et >48% (femmes)
- Résultats de la moelle osseuse compatibles avec les critères de l’OMS, avec mégacaryocytes pléomorphes.
- Présence d’une mutation JAK2.
Le critère mineur mentionné dans la révision est le niveau d’érythropoïétine sérique subnormal. “Les critères diagnostiques de la PV sont donc en cours d’élaboration. Il est proposé d’abaisser le seuil d’hémoglobine et d’ajouter l’hématocrite comme critère majeur. En fin de compte, cela conduit à une simplification. Une biopsie de la moelle osseuse est toutefois nécessaire”, conclut Mesa.
“PV “masqué
L’influence de la morphologie de la moelle osseuse en tant qu’outil de diagnostic est également discutée dans la révision des lignes directrices de l’OMS pour la PV dite “masquée”, car elle permet une grande reproductibilité du diagnostic, même pour les cas qui n’atteignent pas les seuils actuels d’hémoglobine et d’hématocrite. Ceci est important car la survie globale des patients atteints de PV “masquée” semble être moins bonne que celle des patients atteints de PV apparente (si l’on prend en compte les facteurs de risque indépendants que sont l’âge >65 ans et le nombre de leucocytes >15× 109 / l). En l’absence de ces deux facteurs de risque, les taux de survie des deux groupes sont comparables, ce qui, selon les auteurs, indique que certains des patients qui se situent en dessous des seuils requis jusqu’à présent par les lignes directrices de l’OMS devraient être considérés comme des patients présentant une PV évidente [2,3].
Pronostic et survie dans le cas du MPN
Quelles sont les mutations dans la myélofibrose primaire (PMF) et dans la PV ? C’est la question que s’est posée le professeur Alessandro Vannucchi, Florence. Dans la PV, environ 95% des mutations driver phénotypiques appartiennent au type JAK2-V617F et 4% au type JAK2-exon12. Dans le domaine de la PMF, il s’agit d’environ 60% de mutations JAK2-V617F, 20% de CALR, 8% de MPL-W515 et 10% de mutations dites “triple négatives”.
Selon le professeur Vannucchi, le pronostic de la PMF est influencé par ces mutations phénotypiques driver, dans la mesure où les mutations CALR ont un meilleur résultat en termes de survie que les mutations JAK2, MPL et “triple négatif”.
Le Dr Haifa Kathrin Al-Ali, Leipzig, s’est penchée plus précisément sur le pronostic et la survie des cas de NPP : “Il est certain que la myélofibrose entraîne la plus mauvaise survie de tous les NPP : Alors que, selon une étude suédoise [4], les patients atteints de thrombocytémie essentielle (TE) ont une survie à 10 ans réduite de 17% par rapport à la population normale, les patients atteints de PV ont une survie réduite de 28% et les patients atteints de PMF ont une survie réduite de 81%. Pour évaluer le risque de décès et de thrombose dans le cadre du NPP, il existe différents outils pronostiques tels que les échelles dites de Lille, IPSS, DIPSS et DIPSS-Plus”.
En ce qui concerne la myélofibrose, il n’existe qu’une seule option thérapeutique curative : l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Cependant, le résultat après la transplantation dépend de la classification initiale sur l’échelle DIPSS [5].
Les deux études COMFORT ont également montré que la survie à long terme des patients atteints de MF était améliorée par le ruxolitinib (par rapport au placebo [6] et au meilleur traitement disponible [7,8]). Selon des études exploratoires, l’utilisation de cette substance pendant cinq ans pourrait retarder, voire inverser la fibrose de la moelle osseuse (ceci, encore une fois, par rapport au meilleur traitement disponible) [9]. “Il est donc possible que l’inhibition prolongée de JAK1&2 modifie la maladie”, a suggéré le Dr Al-Ali.
Dans le domaine de la PV, ce sont surtout les patients résistants à l’hydroxyurée qui sont touchés par une mortalité élevée. Les études parlent d’un risque de mortalité 5,6 fois plus élevé par rapport à la population non résistante. Selon le Dr Al-Ali, de nouvelles options thérapeutiques sont nécessaires de toute urgence dans ce domaine : “Le rôle du ruxolitinib a été évalué dans l’étude RESPONSE. Les résultats sont encourageants en ce qui concerne le critère d’évaluation principal (contrôle du nombre de globules rouges et réduction du volume de la rate) ainsi qu’en ce qui concerne la charge symptomatique plus faible par rapport au meilleur traitement disponible [10].”
Quelle est la suite ?
Le Dr Claire Harrison, Londres, a décrit le diagnostic précis comme la pierre angulaire des traitements actuels du NPP : “En principe, l’aspirine à faible dose ne présente de bonnes preuves que dans le domaine de la PV, mais pas pour la PMF et l’ET. Néanmoins, elle est également utilisée de manière standard pour l’ET (sauf chez les patients à haut risque). Il est urgent de consolider les études sur ce point”. En outre, tous les facteurs de risque vasculaire réversibles doivent être abordés de manière agressive. L’arrêt du tabac est essentiel.
“Les inhibiteurs JAK sont en train de changer radicalement le paysage thérapeutique de la MF. Un avantage de survie à long terme par rapport au meilleur traitement disponible se dessine (mise à jour à 3,5 ans lors du congrès de l’EHA 2014 [8]). Cependant, il faut d’abord évaluer précisément s’ils peuvent être envisagés à l’avenir comme agents thérapeutiques chez les patients à faible risque (figure 1)“.
Le Dr Harrison a également évoqué la possibilité d’une modification de la maladie par l’utilisation du ruxolitinib : “Entre autres, un rapport de cas [11] a attiré l’attention, dans lequel une résolution complète de la fibrose de la moelle osseuse a été observée chez un patient atteint de MF (post-PV) après trois ans d’inhibition de JAK1&2”.
Source : Congrès EHA 2014, 12-15 juin 2014, Milan
Littérature :
- Barbui T, et al : Repenser les critères de diagnostic de la polycythémie vera. Leukemia 2014 Jun ; 28(6) : 1191-1195.
- Barbui T, et al : Masked polycythemia vera diagnosed according to WHO and BCSH classification. Am J Hematol 2014 Feb ; 89(2) : 199-202.
- Barbui T, et al : Masked polycythemia vera (mPV) : results of an international study. Am J Hematol 2014 Jan ; 89(1) : 52-54.
- Hultcrantz M, et al : Patterns of survival among patients with myeloproliferative neoplasms diagnosed in Sweden from 1973 to 2008 : a population-based study. J Clin Oncol 2012 Aug 20 ; 30(24) : 2995-3001.
- Scott BL, et al : The Dynamic International Prognostic Scoring System for myelofibrosis predicts outcomes after hematopoietic cell transplantation. Blood 2012 Mar 15 ; 119(11) : 2657-2664.
- Verstovsek S, et al : Long-Term Outcomes Of Ruxolitinib Therapy In Patients With Myelofibrosis : 3-Year Update From COMFORT-I. Blood 2013 ; 122(21) : 396.
- Cervantes F, et al : Three-year efficacy, safety, and survival findings from COMFORT-II, a phase 3 study comparing ruxolitinib with best available therapy for myelofibrosis. Blood 2013 Dec 12 ; 122(25) : 4047-4053.
- Harrison C, et al : Results from a 3.5-year update of COMFORT-II, a phase 3 study comparing ruxolitinib (rux) with best available therapy (bat) for the treatment of myelofibrosis. EHA 2014 #Abstract P403.
- Kvasnicka HM, et al : Effects Of Five-Years Of Ruxolitinib Therapy On Bone Marrow Morphology In Patients With Myelofibrosis and Comparison With Best Available Therapy. Blood 2013 ; 122(21) : 4055.
- Vannucchi A : Le ruxolitinib s’est avéré supérieur au meilleur traitement disponible dans une étude prospective randomisée de phase 3 (réponse) chez des patients atteints de polycythemia vera résistants ou intolérants à l’hydroxyurea. EHA 2014 #Abstract LB2436.
- Wilkins BS, et al. : Résolution de la fibrose de la moelle osseuse chez un patient recevant un traitement par inhibiteur JAK1/JAK2 avec le ruxolitinib. Haematologica 2013 Dec ; 98(12) : 1872-1876.
InFo Oncologie & Hématologie 2014 ; 2(6) : 28-30