Les patients atteints de schizophrénie subissent de profonds changements dans leur perception, leur pensée et leur comportement [1]. Celles-ci entraînent souvent des restrictions importantes de la qualité de vie et des fonctions quotidiennes [2]. La maladie débute souvent à l’adolescence et au début de l’âge adulte, affectant ainsi des tâches de développement cruciales telles que l’éducation, l’interaction avec les pairs et les relations de couple. Un diagnostic précoce est donc essentiel pour l’évolution de la maladie [3]. Cet article décrit les symptômes de la psychose schizophrénique et la manière de poser le diagnostic.
Les symptômes de la schizophrénie peuvent être classés selon plusieurs dimensions de symptômes (tableau 1) [1]. Pour le diagnostic, ce sont actuellement les symptômes dits positifs qui sont le plus fortement évalués. Il s’agit notamment des hallucinations, c’est-à-dire des perceptions sensorielles en l’absence d’objet sensoriel. Dans la schizophrénie, les hallucinations auditives sont les plus fréquentes et se manifestent principalement sous la forme d’entendre des voix. Dans cette symptomatologie, les patients peuvent par exemple recevoir des ordres ou voir leurs actions commentées. Un autre phénomène central est le délire, défini comme une croyance objectivement fausse à laquelle le patient adhère avec une certitude impossible à corriger. Les plus fréquents sont les délires de relation et de persécution.
Les symptômes négatifs indiquent la perte de fonctions psychologiques saines et se traduisent par une diminution de la motivation, un retrait social, une absence de plaisir, une réduction de l’expression et un appauvrissement du langage. En outre, les patients atteints de schizophrénie présentent souvent des troubles cognitifs qui affectent tous les domaines fonctionnels, comme l’attention, la mémoire ou la planification des actions. Les symptômes négatifs et les déficits cognitifs ont fait l’objet d’une attention croissante ces dernières années, car ils prédisent très fortement le fonctionnement quotidien des patients.
Les symptômes catatoniques concernent des phénomènes psychomoteurs tels que le mutisme, la stupeur et les stéréotypies posturales. Outre ces dimensions clés de la schizophrénie, les symptômes affectifs sont également beaucoup plus fréquents chez les patients atteints de schizophrénie que dans la population générale. Il a donc été proposé de définir également la dépression et la manie comme une dimension symptomatique.
Critères CIM-10 pour la schizophrénie
Dans le catalogue actuel de la CIM-10, la schizophrénie est définie dans la catégorie F20 (tableau 2) [4]. Comme le montre le tableau, certains symptômes positifs sont considérés comme particulièrement importants pour l’établissement du diagnostic. Cette situation a déjà été critiquée par le passé et a conduit à une prise en compte plus équilibrée de toutes les dimensions symptomatiques de la schizophrénie dans le nouveau système de diagnostic américain DSM-V, ce qui se reflétera également dans la future CIM-11 [5].
Actuellement, il est possible de différencier des sous-types de la maladie, tels que la schizophrénie paranoïde, hébéphrénique ou catatonique, en fonction de la symptomatologie dominante, lors de l’établissement du diagnostic selon la CIM-10. Cette classification en sous-types ne figure plus dans le DSM-V en raison de son manque de stabilité dans l’évolution de la maladie et de sa pertinence clinique incertaine, ce qui devrait également être le cas dans la CIM-11.
Distinction avec d’autres maladies mentales
Lors de l’établissement du diagnostic, la schizophrénie doit être distinguée des autres maladies mentales présentant des symptômes positifs. Il s’agit tout d’abord des troubles affectifs. Les symptômes psychotiques peuvent apparaître aussi bien dans les dépressions que dans les manies, mais uniquement lorsque le trouble affectif est sévère et qu’il s’accompagne alors le plus souvent de symptômes dits de congruence d’humeur, comme par exemple le délire de culpabilité dans la dépression. Il est également possible de diagnostiquer un trouble schizo-affectif chez les patients qui remplissent à la fois les critères de la schizophrénie et ceux du trouble affectif.
Une catégorie diagnostique très importante est le groupe des troubles psychotiques aigus. De nombreux patients qui consultent pour la première fois pour des symptômes psychotiques ne répondent pas aux critères de la schizophrénie. Pour cela, outre les symptômes, le critère de temps d’un mois est déterminant. L’évolution ultérieure des troubles psychotiques aigus est très hétérogène [6]. Les facteurs prédictifs importants d’une évolution favorable sont l’acuité du début et la rémission complète des symptômes.
Distinction des troubles psychotiques induits par une substance
La classification des symptômes psychotiques chez les patients consommant des substances psychoactives constitue un défi majeur [7]. Aujourd’hui, plus de 50% des patients présentant une première psychose présentent un trouble lié à une substance, et la question se pose souvent de savoir si les symptômes psychotiques sont induits par une substance. Les arguments en défaveur d’un trouble induit par une substance sont, par exemple, un début des symptômes avant la consommation de la substance ou une persistance des symptômes pendant plus d’un mois après l’arrêt de la consommation de la substance. Mais même ces critères et d’autres critères de différenciation ne permettent souvent pas une attribution causale claire. Cela a notamment pour conséquence qu’après un an, plus de 25% des patients présentant un trouble psychotique induit par une substance reçoivent un autre diagnostic, souvent celui de schizophrénie.
Exclusion des maladies somatiques
Les symptômes de la schizophrénie peuvent être causés par diverses maladies neurologiques et internes. Des maladies somatiques cliniquement pertinentes sont retrouvées chez environ 8% des patients présentant une première manifestation, sans qu’elles soient toujours responsables de la cause des symptômes psychologiques [8]. C’est pourquoi un diagnostic d’exclusion approfondi ainsi qu’un traitement adéquat des comorbidités somatiques sont indispensables.
Les examens proposés dans le tableau 3 s’inspirent des lignes directrices de la Société allemande de psychiatrie, de psychothérapie et de neurologie [9]. Chez les jeunes adultes présentant une première manifestation de maladie psychotique, les causes organiques les plus fréquentes relèvent des maladies inflammatoires du système nerveux central.
Importance d’un diagnostic précoce
La durée de la psychose non traitée (DUP) désigne le temps écoulé entre l’apparition des premiers symptômes psychotiques et le premier traitement spécifique [3]. Il est désormais prouvé sans l’ombre d’un doute qu’une durée prolongée de psychose non traitée est associée à une évolution moins favorable. Les efforts visant à réduire cet intervalle nécessitent une collaboration intensive entre des groupes professionnels très différents, tels que les médecins généralistes et spécialistes, les conseillers sociaux, les enseignants et les psychologues scolaires [10]. Les médecins généralistes (et les médecins d’autres spécialités) sont souvent les premiers interlocuteurs des patients atteints de psychose schizophrénique et peuvent contribuer de manière significative à l’établissement d’un diagnostic précoce. Ils jouent également un rôle important dans l’évolution ultérieure, d’autant plus que les maladies somatiques, telles que les maladies cardiovasculaires, sont beaucoup plus fréquentes chez les patients atteints de schizophrénie que dans la population générale.
Les spécialistes et les cliniques psychiatriques ont pour mission d’assurer un diagnostic et un traitement complets le plus tôt possible. En outre, l’éducation et l’information de la population sur le tableau clinique est une mesure importante pour le dépistage précoce.
En résumé, il convient de souligner que pour le diagnostic et surtout le traitement des patients présentant une première manifestation de schizophrénie, une bonne mise en réseau des différents partenaires du système de santé dans le sens d’une prise en charge intégrée est d’une importance capitale.
Résumé
Les patients atteints de schizophrénie peuvent présenter un large éventail de symptômes. Il s’agit notamment des symptômes positifs (délire et hallucinations), des symptômes négatifs (apathie et expression réduite), des déficits cognitifs, des anomalies psychomotrices et des symptômes affectifs. Dans les critères de diagnostic actuels, ce sont surtout les symptômes positifs qui sont utilisés pour établir le diagnostic. Parmi les diagnostics différentiels, il convient de distinguer les troubles affectifs avec symptômes psychotiques, les troubles psychotiques aigus et les troubles psychotiques induits par une substance. En outre, il est très important d’exclure les causes organiques. Un diagnostic et un traitement précoces peuvent contribuer à une évolution favorable de la maladie.
PD Dr. med. Stefan Kaiser
Dr. med. Matthias Kirschner
Littérature :
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- Mueser KT, McGurk SR : Schizophrénie. Lancet 2004 ; 363 : 2063-72.
- Perkins DO, et al : Relations entre la durée de la psychose non traitée et les résultats dans la schizophrénie du premier épisode : une revue critique et une méta-analyse. The American Journal of Psychiatry 2005 ; 162 : 1785-804.
- Freyberger HJ, Dilling H : Guide de poche sur la classification CIM-10 des troubles mentaux. Hans Huber 2012.
- Tandon R : Schizophrenia and other psychotic disorders in DSM-5. Clinical Schizophrenia & Related Psychoses 2013 ; 7 : 16-9.
- Mojtabai R, et al : Caractéristiques cliniques, évolution sur 4 ans, et classification DSM-IV des patients atteints de psychose aiguë réémergente non affective. The American Journal of Psychiatry 2003 ; 160 : 2108-15.
- Mathias S, et al : Substance-induced psychosis : a diagnostic conundrum. The Journal of Clinical Psychiatry 2008 ; 69 : 358-67.
- Freudenreich O, et al. : Traitement médical initial de la psychose du premier épisode : une revue conceptuelle. Early Intervention in Psychiatry 2009 ; 3 : 10-8.
- Société allemande de psychiatrie, de psychothérapie et de neurologie. Guide de traitement de la schizophrénie. Steinkopff 2006.
- Hegelstad WT, et al : Suivi à long terme de l’étude TIPS early detection in psychosis : effects on 10-year outcome. The American Journal of Psychiatry 2012 ; 169 : 374-80.
InFo Neurologie & Psychiatrie 2014 ; 12(1) : 4-7