Les ganglions lymphatiques cervicaux hypertrophiés qui persistent plus de deux semaines doivent être examinés. Dans ce contexte, l’échographie et la ponction à l’aiguille fine constituent le gold standard. Les biopsies ouvertes sont initialement contre-indiquées ! L’imagerie en coupes doit être demandée directement par la clinique qui traitera le patient ultérieurement ou en consultation avec les médecins responsables de cette clinique. Cela permet d’éviter des coûts inutiles. Plus le stade T et N est élevé (statut de la tumeur primaire et des ganglions lymphatiques), plus la probabilité de métastases à distance augmente. Dans ce cas, un examen PET-CT peut compléter utilement l’imagerie en coupes pour la planification d’une opération ou d’une radiothérapie.
Les tumeurs de la tête et du cou constituent la sixième entité tumorale la plus fréquente en Suisse et dans le monde. Environ 90% sont des carcinomes épidermoïdes plus ou moins bien différenciés.
Alors que l’incidence des carcinomes induits par les toxines diminue lentement chez nous, l’incidence des tumeurs du pharynx induites par l’HPV (surtout la base des amygdales et de la langue) augmente rapidement. Ces dernières ont un bien meilleur pronostic (à stade tumoral égal) que les tumeurs induites par des toxines [1]. Cela a longtemps été attribué à la radiosensibilité accrue des carcinomes induits par l’HPV, mais cela ne semble pas être le cas. Dans une étude multicentrique menée dans toute la Suisse, les patients atteints de tumeurs induites par l’HPV et traités “uniquement” par chirurgie avaient également un meilleur pronostic que les patients HPV négatifs [2]. En général, le pronostic dépend de l’étiologie (toxines, HPV, les deux, aucun) et du stade de la tumeur au moment du diagnostic, avec environ 50 à 70% de survivants à long terme.
Symptômes et diagnostic
La plupart des patients consultent leur médecin avec une ou plusieurs grosseurs indolores dans le cou. Il est important de penser à une tumeur de la région bucco-pharyngée en cas de ganglions lymphatiques cervicaux indolents ; il n’est pas rare que les tumeurs primaires soient petites (typiquement les tumeurs HPV) et asymptomatiques ou qu’elles se “cachent” dans des endroits pas facilement accessibles (cryptes amygdaliennes, base de la langue, plancher buccal postérieur, etc.)
Les examens de choix à cet égard sont l’échographie et la ponction à l’aiguille fine. Les biopsies ouvertes sont contre-indiquées pour plusieurs raisons : Il existe un risque non négligeable de propagation de la tumeur dans les parties molles du cou par l’ouverture de la métastase du ganglion lymphatique, et les biopsies ouvertes compromettent la deuxième opération qui suit, en ce sens que le risque de complications augmente. De nombreuses études ont montré que la ponction à l’aiguille fine ne présente aucun risque en termes de propagation des cellules tumorales [3].
Le stade de la tumeur est déterminé sur la base de la taille et de l’étendue de la tumeur primaire ainsi que de la taille et du nombre de ganglions lymphatiques atteints. En Suisse également, la norme internationale UICC/AJCC [4] s’applique à cet effet. Si l’on part du principe qu’une tumeur est induite par des substances toxiques (nicotine et/ou forte consommation d’alcool), il y a ce que l’on appelle une carcinogenèse de terrain. Cela signifie qu’un dommage génétique n’est pas seulement survenu à l’endroit de la tumeur, mais potentiellement au niveau de l’ensemble du tractus aérodigestif supérieur. Dans cette situation, il faut exclure les secondes tumeurs synchrones, dont l’incidence est de 2 à 8 %. Bien que la réalisation d’une panendoscopie (observation de l’ensemble des voies aériennes et alimentaires supérieures) soit considérée comme la norme à cet effet, il est possible de renoncer à un tel examen avec une anesthésie supplémentaire grâce à l’amélioration actuelle de la qualité de l’imagerie en coupes (CT, IRM, PET-CT, plus récemment PET-MR) [5]. Cependant, si une opération est prévue, seul un examen sous anesthésie permet parfois de savoir si et comment une tumeur est opérable ; l’examen dans les selles n’est pas toujours concluant en raison d’un fort réflexe nauséeux, d’un manque de compliance et de douleurs.
Pour la plupart des tumeurs (à l’exception des plus petites), une imagerie en coupe fait toujours partie de l’examen complet. Si une opération est probable, l’examen de choix dans la région de la cavité buccale et du pharynx est généralement l’IRM. Pour les tumeurs malignes du larynx, on optera principalement pour un scanner de contraste, car la réalisation d’une IRM entraîne davantage d’artefacts de déglutition en raison du temps d’acquisition plus long. Si la probabilité de métastases à distance augmente en raison d’un stade T ou N élevé (T3,4 ; N2b,N2c,N3), il est recommandé d’effectuer un PET-CT pour les exclure.
Une fois que l’on dispose d’un “état des lieux” comprenant un examen clinique, un diagnostic cytologique et/ou histopathologique, l’exclusion de seconds cancers et de métastases à distance ainsi qu’une imagerie en coupes, on se présente au tumor board interdisciplinaire, où le plan de traitement est défini. Les approches thérapeutiques curatives comprennent la chirurgie, la radio (chimiothérapie) ou la radio (immunothérapie) ou la combinaison des deux. Un petit pourcentage de patients ne peut plus être traité de manière curative en raison de la taille de la tumeur, de métastases à distance ou de facteurs liés au patient ; ces patients sont généralement traités par chimiothérapie ou immunothérapie palliative.
Traitement chirurgical de la tumeur primaire
Si la tumeur est située dans la cavité buccale (langue, plancher buccal, gencive, joue, palais dur), on optera si possible pour un traitement chirurgical, car dans cette zone, le succès d’une radiothérapie primaire dans un cadre curatif est disproportionnellement faible (chances de guérison d’environ 30-40%) [6]. Selon l’importance du défaut de résection, il faut ensuite procéder à une reconstruction avec un transfert de tissu dans le sens d’un lambeau libre (radial, fémoral, fibulaire, etc.). Un lambeau correspondant au défaut est soulevé et suturé dans la zone de l’ancienne tumeur, dont les vaisseaux sont reliés aux vaisseaux du cou par microchirurgie.
Si une tumeur est située dans la région de l’oropharynx, c’est généralement la fonctionnalité postopératoire attendue qui détermine si une opération est appropriée. Si une tumeur touche par exemple de grandes parties du palais mou ou de la base de la langue, il faut s’attendre, même après une reconstruction soigneuse, à des problèmes non négligeables, par exemple un reflux nasal, une obstruction nasale complète (syndrome d’apnée obstructive du sommeil) ou des difficultés de déglutition avec aspiration ; dans ce cas, on optera plutôt pour une radiochimiothérapie primaire.
En cas de tumeur de l’hypopharynx qui s’étend au larynx, une laryngopharyngectomie peut être nécessaire, surtout dans le cadre d’une chirurgie de sauvetage (chirurgie de sauvetage en cas d’échec de la radiothérapie) ; elle consiste à retirer toute la muqueuse et les muscles du pharynx, y compris le larynx. Ici aussi, la reconstruction est réalisée à l’aide d’un lambeau libre tubulaire (Fig. 1).
Les petites tumeurs du larynx peuvent généralement être enlevées au laser sans perte majeure de la voix. Pour les tumeurs plus importantes, on préférera la radiothérapie pour des raisons fonctionnelles. En cas d’échec, il ne reste souvent que l’ablation complète du larynx, qui peut parfois être réalisée à l’aide d’un chariot élévateur (fig. 2). La rééducation postopératoire de la voix et de la déglutition se déroule généralement très bien ; l’époque de la “voix robotisée” avec l’appareil Servox est heureusement révolue depuis qu’il existe des prothèses vocales implantables.
Traitement des ganglions lymphatiques du cou
Le traitement conjoint des ganglions lymphatiques cervicaux fait presque toujours partie du concept thérapeutique. Le cou est divisé en six sous-régions, appelées niveaux (fig. 3). Si les ganglions lymphatiques sont déjà atteints, on procède généralement à l’ablation complète des niveaux I à IV (dissection des ganglions lymphatiques du cou, Neck Dissektion).
Si la clinique et l’imagerie ne révèlent aucun signe d’envahissement ganglionnaire, il existe néanmoins un risque de métastases occultes à certains niveaux de risque, en fonction de la localisation de la tumeur primaire. Celles-ci sont ensuite éliminées par chirurgie élective (dissection élective du cou). Les exceptions sont les situations où les patients présentent un risque élevé d’anesthésie ou lorsque la tumeur primaire est extrêmement petite (<1 cm) : Dans ce cas, un “watchful waiting” est justifiable. En cas de cancer de la cavité buccale, il est possible d’effectuer une biopsie du ganglion lymphatique sentinelle, qui permet d’identifier et de retirer les ganglions lymphatiques présentant le risque le plus élevé d’atteinte métastatique (fig. 4). Si les ganglions sentinelles sont négatifs, le risque que d’autres ganglions soient atteints est très faible (<5%) [7]. Si le ganglion sentinelle est positif, on procède à une dissection classique du cou.
Développements récents : Laser et robots
Depuis les années 80, le laser CO2 est également utilisé pour l’excision. Toutefois, dans la cavité buccale et la région pharyngée, ce dernier ne présente un avantage par rapport à la résection au couteau monopolaire ou au scalpel/ciseaux que dans des cas isolés. Le laser est surtout utilisé pour les tumeurs du larynx ou les zones difficiles d’accès (par ex. à la base de la langue). L’inconvénient est la ligne droite sans obstacle dont le faisceau laser a besoin pour agir, sachant que des câbles à fibre optique sont disponibles depuis dix ans, ce qui permet une application “au coin de la rue”.
Depuis les années 90 déjà, le robot chirurgical DaVinci est utilisé avec succès en chirurgie viscérale et urologique. Depuis 2005, son utilisation a été étendue à la tête et au cou [8]. La chirurgie dite TORS (Trans Oral Robotic Surgery) permet d’accéder par voie transorale à des endroits qui n’étaient auparavant accessibles que par une voie d’accès mutilante (p. ex. clivage de la mandibule). Les tumeurs peuvent ainsi être retirées sous une vue 3D optimale (fig. 5). Ces systèmes sont constamment développés, ainsi un “single port system” sera bientôt disponible pour le robot DaVinci (fig. 6). De même, DaVinci est pour la première fois confronté à la concurrence du système Medrobotics.
Littérature :
- Ang KK, et al : Human papillomavirus and survival of patients with oropharyngeal cancer. N Engl J Med 2010 ; 363(1) : 24-35.
- Broglie MA, et al : Impact of high-risk HPV on outcome in oropharyngeal cancer patients treated with primary surgery (submitted).
- Shah KS, et al : Semence tumorale après aspiration fine-needle et biopsie du noyau de la tête et du cou – une revue systématique. Br J Oral Maxillofac Surg 2016 Apr ; 54(3) : 260-265.
- uicc International Union Against Cancer : TNM Classification of Malignant Tumours, 7th Edition, Wiley-Blackwell.
- Strobel K, et al : Carcinome épidermoïde de la tête et du cou (HNSCC) – détection de primitives synchrones avec le (18)F-FDG-PET/CT. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2009 ; 36(6) : 919-927.
- Studer G, et al : IMRT dans le cancer de la cavité orale. Radiat Oncol 2007 ; 2 : 16.
- Stoeckli SJ : Biopsie du ganglion sentinelle pour le carcinome épidermoïde oral et oropharyngé de la tête et du cou. Laryngoscope 2007 ; 117(9) : 1539-1551.
- O’Malley BW, et al. : Chirurgie robotique transorale (TORS) pour la base des néoplasmes de la langue. Laryngoscope 2006 ; 116(8) : 1465-1472.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2016 ; 4(6) : 18-21